70 juillet 2007 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mardi 31 juillet 2007

Le combat des idées


Je voulais attendre de l'avoir terminé avant de l'évoquer ici, mais la biographie à deux voix de Fidel Castro avec Ignacio Ramonet est aussi imposante (700 pages) que passionnante. Le livre d'entretiens mené par le "patron" du Monde Diplomatique souffre d'un black out surprenant du reste de la presse. Ça commence comme un roman d'aventures pour devenir une revue de toutes les questions qu'un homme de gauche est à même de se poser. De se poser encore. L'utopie. Nous allons de révélation en révélation. Fidel Castro parle clair, sans langue de bois. Cela n'évitera pas les détracteurs. On n'a pas besoin d'adhérer à toutes ses positions pour dévorer cette épopée qui ne s'éteindra pas avec la mort du comandante, car son témoignage est un document absolument exceptionnel. Vous voudrez tout savoir et vous apprendrez beaucoup de Cuba et sur la planète. La chronologie s'emballe quand pointe la révolution. Les antécédents historiques sont invoqués. L'avenir est offert sur un plateau. Ramonet a potassé son sujet pendant un an et enregistré cent heures d'entretien. Castro a peaufiné son discours pendant un demi-siècle. Il n'évite aucune question embarrassante. Tout y passe. C'est un livre d'histoire et d'histoires, l'histoire d'un homme et d'une révolution, un livre. Le roman de l'été, sans hésiter.

lundi 30 juillet 2007

Plagieurs de plages


Lorsque j'étais petit, j'écoutais chaque dimanche Francis Blanche démasquer les plagieurs dans son émission Marions-les. Les auditeurs appelaient pour débusquer les chansons originales des copies. Aujourd'hui, le site vinylmaniaque.com donne une liste de chansons "à marier" et un forum d'Audiofanzine.com traque d'étranges coïncidences.
Il y a deux jours, Franck Vigroux me montrait le blog samples.fr qui recense les plagiats musicaux, compare des morceaux à la mode avec d'anciennes versions et, surtout, recherche les morceaux d'où sont issus les samples de nos tubes du jour. Daft Punk ou Justice, par exemple, s'en trouvent démasqués. Ce sont carrément des passages entiers qui sont pompés. Mais boostés avec quel talent, ah, les beaux compresseurs à lampes ! Cela me rappelle un musicien "électronique" très en vue qui jouait de ses machines sans qu'elles soient branchées pendant que ses sbires jouaient les parties en fond de scène ou qu'une bande défilait en playback. Ces commerçants ont fait du vol un art de l'esbroufe, mais est-il possible de les appeler des musiciens ? Quand on pense que ça fait la couve de Télérama...
Il ne faut pas confondre plagiat et démarquage. Il n'y a pas de génération spontanée. Chaque créateur s'inspire, consciemment ou in consciemment, des œuvres qui l'ont précédé. Patrimoine et culture sont le terreau des créations les plus révolutionnaires. Mais la copie ou l'utilisation d'un passage pour produire les mêmes effets que l'original s'apparente à un délit.
En termes légaux, un plagieur s'en sortira pourtant sans problème s'il peut prouver que l'œuvre dont il s'est "inspiré" est elle-même issue d'un précédent morceau. La loi favorise donc les nids ! Un plagiat non dénoncé ouvrirait la porte à tous les abus ? Mais attention tout de même, le sampleur n'est pas sans reproche : si copier Gainsbourg n'est ainsi souvent pas trop risqué, le sampler (le terme "échantillonner" n'est pas passé dans les mœurs des pays colonisés) est une autre paire de manches, car l'enregistrement appartient à l'éditeur qui est alors beaucoup mieux protégé par la législation sur le droit d'auteurs que le compositeur mort depuis des décennies. En d'autres termes, même lorsque la musique est passée dans le domaine public, l'enregistrement est souvent encore protégé.
S'il y a des coïncidences troublantes, il y a aussi des récidivistes dont le métier est de voler, parce qu'ensuite ils seront mieux équipés pour vendre le fruit de leur larcin que les auteurs réels n'auront été capables de défendre leurs œuvres. Drôle d'histoire, l'histoire de l'art !

dimanche 29 juillet 2007

Nabaztag en Russie : 100 Набазтагов в Центре Помпиду


100 Набазтагов в Центре Помпиду
Видео
Юлия Выдолоб / Рецензии / 1 из 86 Обозреватель
«Афиши»
Nabaztag — это пластмассовый заяц, который подключается к Wi-Fi, шевелит ушами и мигает светодиодами. Сразу надо сказать, что практической пользы от него вообще никакой. Конечно, вам будут рассказывать, что зайчик еще может читать новости на английском и французском, проигрывать mp3-файлы, оповещать, что пришла почта, работать будильником и так далее. Но, согласитесь, все это можно делать и без зайчика. А вот когда видишь, как пластмассовое существо медленно поводит ухом и пускает по животу ряд разноцветных огней — вот тут спокойными остаются только самые бессердечные. Патологическую любовь с первого взгляда — или по крайней мере жгучий интерес — Nabaztag вызывает практически у каждого. И зачем он мигает, в принципе, уже неважно (хотя мигает он потому, что ищет сеть, или принимает сообщение, или читает RSS-поток, или не нашел сети и т.п., — все это подробно расшифровано на nabaztag.ru). Поклонников у зайчика в мире уйма. Они наряжают его в очки и покупают наборы цветных ушей, фотографируют в цветущем саду и выкладывают во Flickr; а два француза и вовсе собрали сто Набазтагов и заставили их синхронно мигать и издавать звуки в Центре Помпиду (см. youtube.com). Смотрится это по-настоящему жутко.
17 июля 2007 г.
En illustration du site russe, on retrouve le film que Françoise a tourné sur la création de notre opéra au Centre Pompidou. Représentations de Nabaz'mob prévues à Nantes (Scopitone, 20 septembre), Amiens (Nuit blanche, 6 octobre), Amsterdam (20 octobre).
Versions anglaise, américaine, espagnole, italienne, allemande de Nabaztag déjà disponibles ou en cours d'enregistrement (même ce dimanche !). Le lapin viserait-il à devenir maître du monde ? HAL s'inquiète.

samedi 28 juillet 2007

Le cabinet des docteurs Caligari


Les quatre jours de laboratoire nous ont permis de faire connaissance, d'apprécier nos similitudes et nos différences. Chacun repart avec une copie des enregistrements, libre de découper, monter, ajouter ce qui deviendra le premier mouvement d'une collaboration originale entre deux compositeurs. Notre prochaine rencontre sera certainement plus dirigée pour s'approcher de quelque chose que nous pressentons. Nous pensons à des voix, à des chansons, des guitares (cette fois, Franck Vigroux était venu sans), des documents sonores, reportages, événements dramatiques...
J'ai sorti mes synthétiseurs vintage comme le PPG et le DX7 que je n'avais pas utilisés depuis près de quinze ans. La première surprise est qu'ils fonctionnent encore. Je vais faire réparer le PPG dont les touches se bloquent et dont la mémoire est volatile. Heureusement, j'ai sauvé mes programmes sur un cd que je peux recharger à chaque rallumage. Le DX7 est équipé d'une carte Supermax qui multiplie incroyablement ses possibilités, le rendant, entre autres, multitimbral et lui adjoignant un puissant arpéggiateur. Franck détruit systématiquement leurs timbres avec ses filtres diaboliques. J'en ai commandé un en Allemagne. C'est une manière de leur donner un sacré coup de jeune. Le son crado, hard core, ne m'empêche pas de continuer à aimer la transparence du PPG, ses perspectives et ses lignes de fuite, mais ce n'est pas le style de la création que nous avons entamée. J'ai d'ailleurs utilisé des bandes que j'avais enregistrées entre 1965 et 1968, parmi mes premières œuvres électroniques, en les retraitant avec mon Eventide H3000.
Franck, qui de son côté voudrait recréer un orchestre symphonique, m'a demandé de souffler dans des instruments que j'ai également délaissés depuis trop longtemps : trompette, cornet, saxhorn, trombone, cor d'harmonie, hélicon, toute une section de cuivres. Même démarche avec les cordes, nous frottons violon, alto, violoncelle et contrebasse. La section de cordes est composée essentiellement d'instruments de la lutherie Vitet : le frein est une sorte de contrebasse à tension variable, l'alto est en laiton et plexiglas avec un manche à sillets, le violoncelle est un huitième, il n'y a que mon violon qui soit "normal" ! Je fais ce que je peux. Le montage fera le reste !
Nos voies sont enregistrées sur des canaux séparés. C'est une pâte sonore extrêmement riche, avec des distorsions si importantes que l'électronique retrouve une matière palpable. Des alliages inouïs, que nous n'aurions pas imaginés sans nous rencontrer, naissent de ce travail alchimique. J'attendrai quelques jours pour réécouter les trois heures (nous avons été raisonnables !) que nous avons mises de côté. Nous connaissons déjà le titre de l'œuvre à venir, mais chut ! Nous pourrions réveiller les démons qui dorment en chacun de nous... Une manière discrète de parler de "vous".

vendredi 27 juillet 2007

La haine est le salaire des pauvres


Hier j'ai dû effacer un paquet de propos racistes sur YouTube en commentaires de mon film Le sniper et j'ai techniquement interdit à leurs auteurs de continuer de se répandre. Internet favorise les échanges, mais certaines limites s'imposent. Libre à chaque rédacteur de jouer son rôle de modérateur en excluant la haine de son site.
Les commentaires qui y sont commis, souvent sous couvert d'anonymat, sont aussi de la responsabilité légale de celui qui les gère. Il est parfaitement attaquable en justice même si les phrases litigieuses ont été supprimées très vite. Cela explique que les commentaires de certains blogs nécessitent de passer par l'acceptation d'un modérateur avant de pouvoir être publiés.
N'empêche que cette haine est un douloureux retour à la réalité, même et surtout si elle est niée et bafouée. En 1991, je chantais Der Hass ist der Armen Lohn sur le disque Kind Lieder d'Un Drame Musical Instantané, une chanson que j'écrivis en partie en allemand avec en tête Un survivant de Varsovie, une des dernières œuvres d'Arnold Schönberg :

Der Rassenhass.
Je weniger davon dir Rede ist, um so besser fühlt man sich.
La haine raciale
Profitverschleierung'
La haine Le profit.

Der Hass ist der Armen Lohn
Je weniger davon dir Rede ist, um so besser fühlt man sich.
Denn diejenigen, die ihn einimpfen, wollen seinen Pelz,
Sein Robbenfell oder seine Schlangenhaut:
Elefanten Sterne!
Profit,
Je mehr davon die Rede ist, um so besser wird man sich fühlen.

La haine est le salaire des pauvres.
Moins on en parle mieux on se porte.
Targui, Palestiniens,
Le profit, source des maux,
Vous arrache la peau.

Was gibt es gerechteres als man selbst, der sich vermengt?
Völker in der Mehrzahl der Arten
Geben wir Cäsar das wenige, das ihm gebührt.
Für jeden einzelnen ist es viel,
Für alle zusammen ist es alles.

Photo de l'expo Kiefer au Grand Palais.
Le texte du sniper - Exposition à Soft Target (Utrecht)
Texte original d'Un survivant de Varsovie (1947).

jeudi 26 juillet 2007

Tous les temps se conjuguent au présent


J'enregistre en laboratoire avec Franck Vigroux. Comme le Studio GRRR est déjà conçu pour que je puisse instantanément réaliser tout ce qui me passe par la tête, le premier jour Franck commence par installer son matériel. À chaque projet, il cherche une nouvelle configuration pour ses instruments, ici essentiellement une platine tourne-disques et des petites machines électroniques le plus analogique possible. Il les branche ensemble comme j'avais l'habitude de connecter les modules de l'ARP2600 acquis en 1973, l'année de sa naissance ! Il échantillonne les précieux 45 tours que j'ai descendus de ma discothèque, les filtre, les distord, pour fabriquer une pâte qui devrait constituer l'orchestre improbable de ses rêves.
Ces jours-ci, je fais des cauchemars gore et je ne sais pas pourquoi. Dans la journée je suis serein, intéressé d'apprendre comment un musicien que j'apprécie s'approche des mêmes objectifs avec des outils actuels. Il retrouve à sa manière ce que Bernard fabriquait en manipulant des bandes magnétiques ou ce que je compose avec mes machines, synthés, échantillonneurs, et surtout en traitant des objets acoustiques par l'entremise de mon bardas digital, la plupart du temps en temps réel, j'insiste. Mon système me permet de réduire le temps de latence entre l'idée et l'acte. Je suis extrêmement attaché au geste instrumental, particulièrement lorsqu'autant de machines sont mises à contribution. À nos trois générations séparées chacune de vingt ans correspondent trois méthodes pour arriver à des résultats très proches, la recherche d'une pâte dramatique qui, remodelée, composera sa propre histoire, que j'espère suffisamment ouverte pour que l'auditeur puisse se l'approprier.
En fin de journée, nous avons hier rendu visite à Igor Juget, de la revue Sextant, qui a réalisé l'authoring du nouveau dvd de Franck. Igor nous pose la question du montage qui est déterminante. Qui s'y colle ? Mon camarade s'imagine mal abandonnant la phase 2 de nos compositions ! Je le comprends trop bien et lui confirme ma confiance. La confiance est l'élément essentiel de ma démarche de créateur. Je pourrais toujours lui exprimer mon opinion, mes critiques, tant qu'elles seront constructives, et réciproquement. Je ne me vois pas interdire telle ou telle manipe, car c'est de la liberté de création dont il est question, d'autant que notre investissement est partagé. À l'issue de nos quatre jours de jeu et de bidouillage, je ferai une copie de tous nos enregistrements pour que Franck les emporte dans sa Lozère et continue le travail de son côté. Du mien, je réfléchirai à comment les utiliser également. Le projet prend enfin tout son sens. Nous nous retrouverons probablement pour de nouvelles séances. Il est passionnant d'imaginer comment deux compositeurs travailleront à partir du même matériau, confrontant le résultat dans une forme de production qui reste à définir.

mercredi 25 juillet 2007

Des nouvelles de mon grand-père mettent 65 ans à me parvenir


Tout commence par une erreur de frappe. Marcel Berthier tape Berger au lieu de Birgé et tombe sur mon blog. Il a travaillé sous la direction de mon grand-père du 15 juin 1941 jusqu'à son arrestation par les Allemands à la Compagnie d'Electricité d'Angers et Extension. Le lendemain, Cyprienne Gravier, la secrétaire de Gaston Birgé, dont je porte le prénom en second, lui demande d'emmener mon oncle et ma tante chez des cousins à Maison-Laffite. La mère de l'aîné, Jean, mon père, est morte de la typhoïde lorsqu'il avait trois ans. La leur est séparée de mon grand-père depuis déjà quelques années. Mon père a quitté Angers pour vivre à Paris. Mon grand-père, directeur de l'usine d'électricité, était un notable de province avec chauffeur et cuisinière, loge privée au Théâtre d'Angers, il avait fait les Arts et Métiers. Mon père, qui avait eu une gouvernante, avait plus ou moins été élevée par Cypri chez qui je suis souvent allé en vacances rue Béranger. Dans la garage, il y avait de grands drapeaux français, anglais et américain qu'elle avait cousus pour la Libération. Je n'ai évidemment jamais connu mon grand-père puisqu'il fut déporté à Auschwitz et gazé à Buchenwald, à la suite d'une dénonciation.
J'ai toujours cru que c'était à cause de ses origines juives et que l'inscription "mort pour la France" sur la plaque du boulevard qui porte son nom à Angers était usurpée. C'est du moins ce que mon père pensait, car Gaston prétendait que Pétain protégerait tous les Juifs de France comme il l'avait promis. Ingénieur des Arts et Métiers avec la Légion d'Honneur, il n'a pourtant jamais accepté de porter l'étoile jaune. Mon père, très politisé, avait connu la montée du nazisme de 33 à 39 en Allemagne et n'était pas dupe une seconde. Lorsqu'il apprit l'arrestation de mon grand-père, il contacta Victor Chatenay qui était en liaison avec Londres et fit tout ce qu'il put pour le sauver. J'ai raconté tout cela. Mais le témoignage de Marcel Berthier éclaire cette époque d'un jour nouveau et me donne des informations précieuses sur mon grand-père dont je ne sais presque rien.
Gaston Birgé, dont on m'a plusieurs fois dit que je lui ressemblais, était né le 14 décembre 1890 à Neufchâteau dans les Vosges. Arrêté en juin 1942, il fut transféré à Drancy où mon père réussit à lui rendre visite une seule fois, mais en vain, puis à Compiègne. Le convoi 59 l'emportera à Auschwitz le 2 septembre 1943. Marcel Berthier raconte : Gaston Birgé a été détenu d'abord à la prison d'Angers dont le coiffeur, M. Girard, nous donnait des nouvelles. Le salon de M. Girard était rue Savary à côté du Café qui faisait le coin de la rue Pierre Lise et de la rue Savary, ce pouvait être le 16... Comme il avait été transféré à Drancy, Cyprienne Gravier m'a demandé un jour d'aller voir à Paris un journaliste de "Je suis partout" auquel M. Birgé avait rendu service, avec l'espoir que l'on pourrait par lui obtenir un droit de visite ou faire passer lettres ou colis. Je suis allé à Drancy avec lui mais en vain. En fait ce journaliste n'avait que le pouvoir qu'il se donnait et il nous a promenés !
Le 15 juin 1941, démobilisé des Chantiers de Jeunesse, j'ai commencé à travailler à la Cie d'Electricité d'Angers et Extensions dont Gaston Birgé était le directeur, à la comptabilité dirigée par Mlle L. Pendant ses congés en août, Gaston Birgé a décidé que je la remplacerais, "scandale" de C., l'ingénieur en chef, de P., un ancien CRS, le chef des encaisseurs. Gaston Birgé, lui n'était pas en vacances ! Il m'appelait pour un oui ou pour un non et c'est à cette époque que j'ai commencé à bien connaître Cyprienne Gravier, sa secrétaire, qu'il appelait "Gravier" et tutoyait comme il tutoyait tout le monde ou presque. Quand il arrivait le matin, à l'heure, s'il avait son chapeau sur le nez, l'humeur était mauvaise, s'il l'avait sur la nuque, tout allait bien. En octobre il m'a nommé chef du service des compteurs qu'on appelait le laboratoire... À son arrestation, Cyprienne Gravier n'avait pas le choix, j'étais le seul ou presque suffisamment "sûr", disponible immédiatement et capable d'accompagner les enfants sans gros risque, jamais les Allemands ne penseraient à moi, pour eux je n'existais pas. Il en allait tout autrement d'elle-même, du chauffeur, Jean Fonteneau, de leur mère ou des amis connus comme tels de Gaston Birgé. Pendant les jours qui ont suivi l'arrestation Cyprienne Gravier n'a pas dévié de son trajet rue Béranger-quai Félix Faure, et Jean Fonteneau pas plus du sien rue Saint-Laud-quai Félix Faure, ils étaient probablement surveillés encore qu'il ne soit pas certain que les Allemands s'intéressaient aux enfants, ni même qu'ils aient connu leur existence. Le motif de l'arrestation de Gaston Birgé était professionnel, il trafiquait les chiffres de production et de consommation d'électicité et les Allemands ne l'ont su que par une dénonciation venant de la Cie d'Electricité d'Angers. La famille n'avait aucune part dans cela. Mais nous ne le savions pas à ce moment.


Pour que vous compreniez ce qui s'est passé il faut que je vous parle de l'environnement professionnel de Gaston Birgé.
Au sommet de l'organisation la Sté de Distribution d'Electricité de l'Ouest (SDEO), 8 rue de Messine à Paris, propriétaire du poste de transformation et d'interconnexion Haute tension/ Moyenne tension d'Angers. Ingénieur en chef : X. (Sup'elec). En dessous la Cie d'électricité d'Angers et Extension (CEAE) chargé du réseau Basse tension et de la distribution aux abonnés... Ingénieur en chef : C. (Centrale), à côté la Sté Auxiliaire d'Énergie Électrique (SAEE) en charge de la centrale thermique d'Angers, Ingénieur en chef : F. (Arts et Métiers).
Gaston Birgé coiffait le tout jusqu'au début de 1942. À ce moment la SDEO, appliquant les lois sur les Juifs de Vichy, a nommé un nouveau directeur, un Alsacien protestant, tandis que Gaston Birgé restait "conseiller technique" en titre et vis-à-vis de beaucoup le directeur de fait. Contre lui il y avait C., très jaloux, L., chef comptable et son subordonné, P., chef des Encaisseurs, ancien CRS, ces deux derniers très pro-Allemands. Avec lui il y avait Y., très encombré par ses histoires d'adultère, B., caissier depuis très longtemps et un dessinateur, poète, artiste, ancien lui aussi dans la maison, Jean Fonteneau et Cyprienne Gravier. Les autres pas hostiles mais "surtout pas d'ennuis". La dénonciation vient sans doute de L. qui a fourni les éléments avec, peut-être la complicité active de C., mais c'est P. qui l'a presque certainement réalisée en passant par les "copains CRS-Gestapo".
Quand il m'avait nommé chef du service des compteurs, Gaston Birgé m'avait aussi donné la gestion des restrictions d'électricité chez les abonnés, en me recommandant la modération. En 1942 chaque abonné ne devait pas dépasser la consommation moyenne d'une période précédente (1941, je crois), mais comme il n'y avait plus guère de gaz ou de charbon, les abonnés achetaient des plaques de cuisson et des radiateurs électriques (des petits, juste 1000 watts, disaient-ils, oui mais 1000 W = 50 lampes) et les consommations s'envolaient. Il fallait arranger les choses et cela scandalisait P. qui aurait volontiers mis les contrevenants en prison. Tant que Gaston Birgé était là il n'y avait rien à craindre, mais après son arrestation, P. a obtenu de C. que je sois muté avec X. comme répartiteur (trois ingénieurs et moi, travaillant 3X8 heures). Il s'est arrangé (comment ?) pour que je sois inscrit sur les listes du STO. Prévenu par M. Cons, chef de cabinet (?) du préfet, je suis parti à Toulouse en août 1943 grâce au Baron Reille, un ami de Gaston Birgé. À la même époque M. Cons est devenu Préfet de l'Ariège...
Gaston Birgé avait "roulé" de très hauts personnages et ils n'ont pas aimé quand ils l'ont su. Il ne faut pas oublier que le château de Pignerolles à Saint-Barthélemy abritait un important État-Major de la Marine. C'était l'échelon militaire le plus élevé de la région, grosse consommatrice d'électricité (les bases, les radars, etc.) avec un droit de regard particulier sur les chiffres et sur ce qu'elle payait. Le poste de répartition d'Angers couvrait la zone : Lannemezan (Pyrénées), Eguzon (centrale hydraulique), Distré (Poste de transformation près de Saumur), Le Mans (SNCF), Caen, Paris (Métro) et les répartiteurs communiquaient entre eux par la téléphonie Haute-Fréquence que les Allemands ne pouvaient contrôler. C'était donc un système sensible et important.
À la libération C., P. et L. ont été inquiétés, mais les enquêtes étaient menées par d'anciens flics ou CRS qui protégeaient efficacement leurs "amis". Ils ont été révoqués et frappés d'indignité nationale mais, à ma connaissance il n'y a pas eu de vrai procès. C. est mort très rapidement, les autres ? Les vrais coupables étaient à la SDEO, mais ils s'en sont tirés....
Le témoignage de Marcel Berthier, à qui je suis reconnaissant d'avoir ravivé ses souvenirs, me permet de renouer avec ma cousine Susy, la plus jeune des quatre enfants de mon oncle Roger, décédé d'un cancer il y a trente ans. Elle est musicienne et joue du steel drum. Susy m'envoie deux photos de mon grand-père, je n'en possédais aucune. Sur la seconde, la ressemblance avec mon père, frappé d'un cancer il y a vingt ans, est flagrante. Ma tante Ginette est morte il y a deux ans, et avec elle ont disparu toutes les archives de la famille dont il ne reste plus aucun protagoniste vivant. Je fais suivre toutes ces informations à ma sœur Agnès et à ma fille Elsa qui est très attachée aux histoires familiales. Je comprends enfin l'inscription de la plaque à Angers du boulevard qui porte son nom : "Gaston Birgé, mort pour la France".

mardi 24 juillet 2007

Beignets de courgettes


Une autre recette facile ! Râper les courgettes, les faire dégorger au gros sel, bien rincer, puis presser abondamment pour faire sortir toute l'eau. Mélanger avec des oignons coupés fins et du poivre. Faire frire en petits palets roulés dans la farine. C'est tout ! Alice passe trente secondes les oignons hachés au micro-ondes avant de les incorporer. Les fleurs de courgettes en beignets sont délicieuses, mais c'est plus difficile à réussir. Là on s'aventure sur le terrain des tempura, et c'est tout un art pour que cela reste léger.
Je tiens de ma famille une autre manière de consommer les courgettes lorsqu'elles sont petites. Les ébouillanter entières une minute sans les éplucher, les couper en deux dans le sens de la longueur et ajouter un filet d'huile d'olive et un peu de sel.

lundi 23 juillet 2007

Plein les mirettes


Si j'adore me baigner, je n'ai jamais aimé aller à la plage. Trop de bruit, de bousculade, d'épandage, et surtout, impossible de trouver une position agréable pour bouquiner sur une serviette de bain. Il y a longtemps que je ne m'allonge plus sur le sable pour bronzer. Je laisse faire le soleil sans m'en préoccuper. Si nous sommes nombreux à y aller ensemble, j'apprécie encore de jouer avec les vagues, mais je m'épuise vite. Mon père m'apprit à rentrer dans la mer en courant ; ensuite je m'ennuie et nage rarement très loin. En découvrant il y a une douzaine d'années l'émerveillement de la plongée sous-marine, j'ai du même coup compris les joies du masque et tuba. Équipé ainsi, je ne sens plus le temps passer et les distances s'allonger ; en quelques brasses (je n'ai jamais su nager autrement avec plaisir) je me retrouve au bout du monde. Il suffit que je suive un banc de poissons pour me laisser entraîner loin du rivage, sans qu'aucune fatigue vienne interrompre la baignade. Lorsqu'Olivia et Thierry m'apprirent que la plongée était interdite aux asthmatiques, même légers comme moi, le monde du silence s'écroula. J'aurais pu hurler avec les loups de mer pour noyer mon chagrin. Je ne suis pas certain que je serais capable de suivre leur prescription si l'occasion se représentait tant j'ai adoré me promener dans cette forêt inimaginable au milieu des animaux farceurs. En attendant, Françoise et moi nous adonnons à la nage en surface les yeux rivés vers le fond, admirant pageots, saupes, oblades et girelles.

dimanche 22 juillet 2007

Le cinéma américain censuré


This Film Is Not Yet Rated est un formidable documentaire d'investigation de Kirby Dick sur la MPAA (Motion Pictures Association of America), l'organisation qui classe les films selon 5 catégories, du G de "pour tous" aux R "Restricted" et NC-17 "Interdit aux moins de 18 ans". Cela nous rappelle quelque chose, sauf que l'identité des membres de la commission est secrète, que la classification est bigrement ésotérique et tendancieuse, que le classement affecte toute la culture américaine qui, première industrie du pays, s'exporte mondialement ! Le film est haletant, cousin de ceux de Michael Moore lorsque le réalisateur engage deux détectives privées pour démasquer qui se cache derrière la commission et qui la dirige dans l'ombre. On apprend que les films d'Hollywood et les indépendants ne sont pas traités équitablement, que les scènes homos (masculines et féminines) sont pénalisées, que la violence extrême passe mieux que le sexe, que les studios d'Hollywood bénéficient de passe-droits, et que le secret laisse les mains totalement libres aux censeurs. Astucieuse, l'équipe de Kirby Dick révèle finalement leur identité... Les témoignages sont captivants : les réalisateurs John Waters (A Dirty Shame), Kevin Smith (Clerks), Matt Stone (South Park), Kimberly Peirce (Boys Don't Cry), Atom Egoyan (Where the Truth Lies), Darren Aronofsky (Requiem for a Dream), Mary Harron (American Psycho), la comédienne Maria Bello (The Cooler), le distributeur Bingham Ray (co-foundateur de October Films and président de United Artists), des avocats, d'anciens censeurs et l'horrible Jack Valenti qui dirigea la MPAA pendant 38 ans avant de disparaître il y a quelques mois. C'est drôle, captivant et révoltant, évidemment !

samedi 21 juillet 2007

La police frappe une femme enceinte pour des safous


Voir le blog de Karl Laske, journaliste à Libération. Un témoin a filmé la scène.
C'est pourtant délicieux, les safous. J'en ai acheté récemment à ces femmes africaines assises sur le trottoir à la Goutte d'or. Elles étaient gentilles, elles m'ont expliqué qu'il fallait les cuire cinq minutes dans l'eau bouillante. J'ai trouvé ça bon même refroidi. On dirait de petits avocats, mais avec un goût acide. Il y a un gros noyau. On mange la peau.
Je me souviens de Jeannot qui vendait le poisson aux Halles à la sauvette. Il appelait ma mère de derrière une porte cochère. Parfois les marchands de quat' saisons prenaient leurs jambes à leur cou pour échapper aux rafles. J'en ai déjà parlé, mais cela m'a marqué. Les flics préfèrent cuisiner les femmes enceintes que les safous. Ils n'ont aucun goût.

Du tour d'écrou aux Innocents


Présenté comme un film d'horreur, Les innocents de Jack Clayton est plutôt une adaptation fantastique d'un drame psychanalytique où la sexualité hystérique du personnage de la gouvernante joué par Deborah Kerr est habilement suggérée dans un noir et blanc onirique, animé de courants d'air rappelant La chute de la Maison Usher de Jean Epstein. L'ambiguïté des fantasmes féminins d'Henry James dans Le tour d'écrou, dont c'est l'adaptation cinématographique, sont magnifiquement transposés par Clayton dans ce film étrange de 1962.
Ma première approche d'une adaptation du roman qu'Henry James écrivit en 1898 fut l'opéra de chambre de Benjamin Britten créé en 1954 à la Fenice de Venise, dirigé par le compositeur, où le rôle chanté du jeune Miles était tenu par David Hemmings, futur acteur du Blow Up d'Antonioni. Dans le film, l'interprétation des deux enfants, Flora et Miles, par Pamela Franklin et Martin Stephens, est d'ailleurs suffocante. Leur maturité flanque plus de frissons que les hallucinations de Miss Giddens. Le film à la trouble sexualité respire la souffrance jusqu'à sentir le soufre.
Les passionnants bonus du dvd (Opening) fournissent des pistes indispensables à la compréhension des enjeux du film, et la version historique de l'opéra, une des plus belles œuvres de Britten, existe en cd (London).

vendredi 20 juillet 2007

Pétition de soutien à La Rumeur


Nous artistes, intellectuels, et citoyens, nous déclarons solidaires du groupe de rap La Rumeur, poursuivi avec acharnement et malgré deux relaxes, depuis cinq ans par le ministère de l’intérieur pour avoir publié un texte mettant en cause les violences policières depuis plusieurs décennies en France. Nous le faisons au nom du principe fondamental de la liberté d’expression. Mais aussi parce que nous estimons qu’il est urgent que s’ouvre enfin un débat sans tabou sur les pages sombres de l’histoire de la police française. La justice doit reconnaître qu’il n’est pas diffamatoire de revenir sur les massacres d’octobre 1961, de Charonne, ou les bavures commises depuis les années 80.

Signez la pétition sur le site de La Rumeur.

Premiers signataires : Noir Désir (Serge Teyssot-Gay, Denis Barthe, Bertrand Cantat, Kristina Rady, Milo Cantat), Mouss et Hakim (Zebda), Kader Aoun, Jacky Berroyer, Benjamin Biolay, Cali, Maurice Rajsfus (historien), Esther Benbassa (directrice d'études à EPHE-Sorbonne), Denis Robert (écrivain), Olivier Cachin (journaliste), Christophe Honoré (réalisateur), Raphaël Frydman (réalisateur), Erik Blondin (gardien de la paix), Geneviève Sellier (universitaire)...

Le groupe de rap La Rumeur déplore que la vindicte se poursuive cinq ans après la plainte déposée par Nicolas Sarkozy, à l’époque ministre de l’intérieur. Compte tenu de son précieux attachement à la liberté d’expression (« Je préfère un excès de caricature à un excès de censure »), l’actuel président de la République aurait pu demander l’arrêt des poursuites contre le texte de Hamé.
Le tribunal correctionnel de Paris avait pourtant considéré en première instance que Hamé se bornait à présenter « des bavures commises par les représentants de l’ordre (…), dont la réalité n’est, en elle-même, pas contestable, puisque souvent à l’origine de rapports et de commissions officielles, comme plus fréquents dans les quartiers et cités de banlieue » et qu’une telle opinion relevait de la liberté d’expression.
La Rumeur ne renie rien, ni l’insécurité dont ont été victimes des générations d’immigrés, ni les discriminations et bavures dont ils font encore l’objet.
La Rumeur entend faire du procès devant la Cour d’appel de Versailles des états généraux d’une histoire trop souvent rejetée dans le silence. La justice reconnaîtra-t-elle les pages sombres de la police française ? Ou considèrera-t-elle diffamatoire d’évoquer les massacres d’octobre 1961 et Charonne, ou les violences mortelles commises depuis les années 80 ?
Dominique Tricaud (avocat à la Cour) - Hamé

Retrouver la raison


Je ne sais plus comment écrire sur la musique, comment faire partager mes coups de cœur, comment transmettre ce qui m'a été légué, comment me distinguer du vacarme ambiant. Aurais-je perdu le rythme des mots, à parler sur au lieu de versifier sûr ? Dois-je chanter les louanges pour qu'elles soient entendues ? La culture est-elle devenue une simple marchandise qu'on la relooke aux couleurs de la mode, faux-semblant faisant croire aux artistes en herbe qu'ils inventent lorsqu'ils ne font que répéter sans le savoir ce qui les constitue ? Les idées se rencontrent, mais que reste-t-il du style ? Je m'y perds, parce que je n'ai jamais voulu pondre un morceau de plus, ajouter mes sornettes au concert de klaxons, urinant dans cet océan d'informations dans lequel nous nous noyons tous. Je tape trop souvent plus de lignes que je ne frappe de touches, comme la justification d'une vie passée à produire, comme si c'était fini, comme si j'avais tout dit et qu'il fallait encore enfoncer le clou. À viser l'efficace, on se dilue. Retrouver la simplicité du cœur, participer à la chorale, la vacance est là pour remettre le compteur à zéro.

La raison, déjà un mauvais terme, est qu'à mon retour je devrai me remettre à jouer. D'abord de la musique avec Franck Vigroux. Avantage, je n'ai aucune idée, donc pas de préjugé, comme une nouvelle virginité dans un corps marqué par les années. On peut les compter comme les écailles de la tortue. Ne croyez pas qu'avec le temps il soit plus facile d'écrire. C'est le contraire. Peur de radoter. Sensation de déjà vu. Y aller alors, au lieu de râler, sans souci, tel ce bateau en papier flottant dans le caniveau rue de la Convention lorsque j'avais l'âge de raison, avant l'orage des saisons. Mais avec quel accompagnement ? Je n'ai jamais su ni plier ni rouler le papier. Chacun de mes mouvements est lié aux désirs de mes alter ego.
Je dois aussi rédiger plusieurs articles. Pour le prochain Muziq, Goaty me demande d'écrire chaque fois 1500 signes sur trois disques que j'ai usés jusqu'à la corde. Pour me pendre ? Trois filles, non des moindres. En ai-je connu d'autres ? Bien sûr. J'ai failli me la passer autour du cou tant elles étaient fatales. J'ai grandi et m'en voilà fort marri ! Les idées ne manquent pas, je m'y mettrai lorsque j'aurai trouvé le style. Idem pour les Allumés, je dois absolument sortir du cadre thématique que je m'étais imposé pour ma chronique dvd "Sur l'écran noir de vos nuits blanches". Laisser aller la plume en considérant les galettes comme les contrechamps de mes élucubrations. Retrouver la liberté. Le ton. Une illusion. Je m'entraînais devant la glace. C'est du travail. Beaucoup de travail.

jeudi 19 juillet 2007

À qui profite le crime ?


Dans son commentaire d'un de mes billets sur le 11 septembre, Alain m'indique un nouveau film, Oil, smoke and mirrors (Du pétrole et des écrans de fumée) réalisé par Ronan Doyle, qui met en parallèle le futur choc pétrolier, estimé pour dans trois ans environ, et la stratégie politique et géopolitique des États Unis. La première partie du film aborde la crise de l'énergie et ses conséquences directes (récession, chômage, mouvements sociaux, répression, guerres, etc.), la seconde revient sur le 11 septembre qui a permis l'invasion nord-américaine de plusieurs pays producteurs. Ce film de 50 minutes n'apporte pas de nouvelles preuves sur le montage médiatique de toutes ces opérations, mais il livre les témoignages déterminants de personnalités telles que Michael Meacher, parlementaire et ancien ministre britannique de l'environnement, Andreas von Bülow, ancien ministre allemand des sciences et technologies, des économistes, journalistes, historiens, un ancien officier britannique du MI5, etc.
Comme d'habitude, ce film de 50 minutes ne convaincra que ceux déjà conscients de la supercherie dont le monde est victime, l'une des plus énormes de l'histoire de l'humanité. Il leur permettra peut-être de se sentir moins seuls et de ne pas se prendre pour de grands paranos. L'horreur est difficilement acceptable, la manipulation dure à avaler, et pourtant, l'Histoire est pleine de ces provocations... Un exemple parmi d'autres, rappelons que la grande majorité des Juifs n'ont pas voulu croire à ce qui se passait et se préparait en Allemagne dans les années 30 et 40.
Ce qui devrait mettre la puce à l'oreille de ceux qui doutent encore, c'est qu'aucune théorie ne s'oppose à celle du complot, aucun argument ne vient contrarier les allégations qui accusent le gouvernement Bush, fer de lance de la mafia pétrolière texane, d'avoir sciemment et cyniquement organisé le 11 septembre. Les témoignages s'accumulent (billets des 29 mars, 27 avril, 6 septembre 2006 et 17 avril 2007 avec liens vers les films accessibles sur Internet, ainsi que le site extrêmement documenté de Mike Rupert). Les preuves sont détruites, les arguments ignorés. La trahison est si énorme que personne ne veut y croire. Pour le gouvernement US et la presse occidentale qui s'en fait le relais, il n'y aurait que de vilains terroristes jaloux du succès étatsunien qui voudraient assassiner tous les mécréants qui ne sont pas musulmans ! On crée un méchant d'opérette, on désigne les coupables. Le rouge avec son couteau entre les dents est remplacé par le fou de dieu. Or l'économie américaine est dans une impasse, dépendant de plus en plus des investisseurs chinois et de ce fichu or noir qui permet à la planète de se chauffer (au delà de ce qui est raisonnable d'ailleurs !), de se nourrir, de faire voyager personnes et marchandises, de vivre au-dessus de ses moyens... De faire la guerre aussi !
L'adage est pourtant infaillible : "À qui profite le crime ?"

mercredi 18 juillet 2007

Le prêtre s'évanouit


J'aurais pu titrer Le jardin des délices (3) pour ce nouveau chapitre sur la plantation de Jean-Claude en plein La Ciotat, mais je veux cette fois rendre hommage à Rosette qui nous régale d'une recette arménienne d'une simplicité confondante. Elle la tient de sa mère, rescapée du génocide au début du siècle dernier.
Inciser des aubergines avec des gousses d'ail comme on fait d'un gigot. Saisir les fruits violacés dans l'huile cinq minutes de chaque côté, sans aucun autre additif, même pas de sel ! Réduire ensuite le feu en couvrant aux trois quarts. Au bout d'une demie heure, ajouter quelques tomates bien mûres. Attendez encore une heure pour savourer nature les aubergines Imam Baïle, un régal absolu qui fond dans la bouche et dont on ne peut se lasser. Son nom signifie d'ailleurs "Le prêtre s'évanouit" !
J'aime bien les recettes faciles qui font beaucoup d'effet...

mardi 17 juillet 2007

Suivant les rayons de Lumière


Nous sommes arrivés hier soir à la gare de Marseille. J'ai pris cette image des ors du sud l'été dernier en allant chez Pierre et Florence. Lorsque je ne sais pas quoi raconter, je vais jeter un coup d'œil dans le dossier "images en attente" où j'ai réuni des photographies qui me plaisent sans savoir ce qu'elles raconteront un jour, quel contrepoint elles dessineront. Scotch est venu partager la lumière du sud tandis que Jonathan est resté à la maison où le jardin explose de petites tâches jaunes, roses, mauves et fuschias sur canapé vert. Je lui ai préparé des ventilateurs, on se sait jamais. Serge nous embarque en voiture jusqu'à La Ciotat où j'espère respirer quelques jours avant de rempiler en studio...

lundi 16 juillet 2007

L'inconscient ignore les contraires


Lorsque Dominique Soto, présidente de SOS Racisme (une émanation de Parti Socialiste auquel d'ailleurs il appartient), défend Rachida Dati, ministre de la Justice (on dit aussi Garde des Sceaux), en affirmant qu'elle est attaquée "parce qu'elle est jeune, femme, et d'origine maghrébine", elle l'affuble de toutes sortes d'insignes dangereusement apolitiques.
Il me semble qu'en critiquant les projets politiques répressifs et réactionnaires de Rachida Dati, le discours est fondamentalement moins ségrégationniste que celui de ceux ou celles qui montent en épingle ses appartenances communautaires. En d'autres termes, le racisme ou le machisme vont parfois se nicher, certainement involontairement, dans des discours qui prétendent les attaquer.
Si le racisme est la haine d'une part de soi-même, si le machisme cache une fragilité fondamentale, si la haine des jeunes exprime un regret de ne plus l'être, si celle des homos souligne un refoulement de ses propres pulsions, alors on peut émettre un doute sur les idéaux de ceux qui réduisent les actes et les paroles des personnalités politiques à leur apparence ou appartenance communautaire, à leur vie privée ou à leurs racines.
Rachida Dati ne peut être jugée que pour ses propos, ses projets et ses actes, tous éminemment politiques. Hélas !

Illustration : Jean Bruller, dit Vercors

Robert Lepage au pays des merveilles


Il y a deux ans nous avions découvert le film de Robert Lepage, La face cachée de la lune, adaptée de l'une de ses pièces, qui, avec le temps, se révèle l'un de nos films préférés de ces dernières années. L'onirisme de Lepage n'y a d'égal que son intérêt pour les nouvelles technologies et les formes récentes d'expression qui ancreraient fondamentalement le théâtre dans une contemporanéité non coupée des arts populaires. Derrière lui, est réunie une équipe de chercheurs et d'artistes formant la troupe-laboratoire Ex-Machina. Le sérieux de ses recherches me rappellent la passion de Denys Arcand pour les manuscrits de la Mer Morte sur lesquels il s'appuya pour Jésus de Montréal dans lequel joue justement Lepage. Le metteur en scène cumule les rôles d'acteur, de scénographe et de réalisateur avec le même brio. Les acteurs québecquois bénéficient d'une direction exceptionnelle qui fait souvent défaut dans le cinéma européen. Ses personnages ont une profondeur analytique qui ne laissent jamais l'humour sur le bord de la route. Les raccords de montage de ses films sont toujours motivés à la fois par le sens et la beauté plastique des images. La machinerie de théâtre est renouvelée par l'apport de projections sur grand écran, Internet, les ombres et maintes trouvailles scénographiques, travail exemplaire qui devrait en inspirer plus d'un. La magie est au service des grandes interrogations et émotions humaines, elle nous fait plonger dans un émerveillement permanent, nous offrant de voir le monde avec des yeux d'enfant et une distance d'adulte.
Outre La face cachée de la lune, on peut trouver, en cherchant un peu (amazon.com ou fr ou ca), les dvd de Possible Worlds tourné en anglais (Lepage interprète ses pièces indifféremment dans les deux langues), Le confessionnal, et, last but not least, celui qui accompagne le texte de La création Andersen, une de ses dernières créations. La conférence de presse de 40 minutes, les extraits et les autres compléments sont absolument superbes d'intelligence et de sensibilité (la voix et la diction de Robert Lepage sont de plus envoûtantes). C'est la première fois que je vois les nouvelles technologies totalement maîtrisées et justifiées dans l'espace théâtral.
Ne manquez sous aucun prétexte La création Andersen du 14 au 28 décembre prochains au Théâtre National de Chaillot. Pour cette biographie habitée et illuminée, le rôle du conteur danois sera tenu par Yves Jacques, un autre formidable comédien vu chez Arcand, qui a l'habitude de remplacer Lepage en tournée. In-dis-pen-sable. Je pèse mes syllabes.

dimanche 15 juillet 2007

Répression et solidarité


Sur son Glob, Jean Rochard publiait hier un billet intitulé Rendez-vous à l'enterrement de la liberté d'expression suscité par l'annulation, par la chambre criminelle de la Cour de cassation, de la décision de la cour d'appel de relaxer Mohamed Bourokba, dit Hamé, du groupe La Rumeur (page de Wikipédia détaillant toute la procédure), inculpé pour "diffamations publiques envers la police nationale". Ce délire rappelle la condamnation du livre Tous coupables sauf que, cette fois, le Président de la République s'acharne personnellement contre un artiste. La Cour de cassation a l'habitude de juger la forme, pas le fond, c'est très inquiétant !
Pendant ce temps, le garde des Sceaux Rachida Dati se désolidarise de ses deux frères inculpés pour trafic de stupéfiants. Récidiviste, Jamal Dati écoperait d'une lourde peine sous le coup de la loi des peines plancher promues par sa charmante sœur dont les collaborateurs démissionnent les uns après les autres à cause de son autoritarisme. Des fonctionnaires du Ministère de la Justice qui n'ont pourtant pas été débauchés du Parti Socialiste ! Son autre frère, Omar Dati, n'est accusé que pour quelques centaines de grammes de hasch... Mais je suis mauvaise langue, la solidarité s'exerce pleinement puisque la Licra et SOS-Racisme se sont portés au secours de Rachida Dati qui "paie, dès son arrivée, le prix fort d'être la première personne issue de l'immigration maghrébine à accéder à une telle responsabilité gouvernementale".
Il serait maladroit de diaboliser Nicolas Sarkozy qui n'a encore pas fait grand chose si ce n'est une excellente opération médiatique allant de paire avec l'anéantissement du Front National, du Parti Socialiste et des velléités des jeunes loups de son propre parti. Pourquoi être brutal lorsqu'on peut faire cela en douceur et avec le sourire ? C'est tout de même plus élégant qu'une nuit des longs couteaux ou deux tours qui coûtaient une fortune à ses propriétaires, non ? Il faudra attendre prudemment la rentrée et le prochain cabinet pour constater les ravages de sa politique et ce qu'il reste de ses promesses qui, pour nombre d'entre elles, on préférerait qu'il ne les tienne pas.
Comment s'opposer à cette vague conservatrice et réactionnaire si l'opposition reste divisée ? Il paraît que la jeunesse est de plus en plus sarkoziste, mais la gauche l'a fait-elle encore rêver ? Les nantis de l'Europe ont émoussé toutes les utopies. La démocratie bourgeoise est au comble de son cynisme. Ceux qui condamnent mai 68 aimeraient effacer quarante ans d'histoire, revenir avant... Cela se fait couramment. L'occident est à bout de souffle, le reste du monde est sur les genoux. Alors, si la révolte vient de l'extérieur, il semble urgent de voyager.

Photogramme d'Un chant d'amour de Jean Genet

samedi 14 juillet 2007

Les musées m'usent et m'amusent


On pouvait tout voir, rien n'entendre. Tant mieux. Les audioguides empêchent l'évasion. Impossible de s'approprier le tableau de Kiefer avec un casque sur les oreilles. La photographie permet de retrouver une intimité avec l'œuvre. Les visites se font en plusieurs étapes. D'abord au pas de course, dans le catalogue, en revoyant les photos s'il est autorisé d'en prendre (il m'est arrivé d'en voler en comptant le nombre de secondes d'inattention d'un gardien), en revenant pour l'une des œuvres qui le mérite à nos yeux, une seule, le luxe, pour y pénétrer ; enfin en parler, écrire ou y penser. Alain me dit que Kiefer vit dans le sud de la France où il détruit progressivement et avec art sa demeure-atelier, 35 hectares, comme le château qu'il a transformé en Allemagne. Le gisant représenterait-il un autoportrait de l'artiste livré en pâture au public ?

vendredi 13 juillet 2007

Comme un poisson dans l'eau


On dit que d'abord il va faire chaud, puis qu'un jour il fera beau. L'instabilité de la météo offre des surprises, volte-face soudaines et inattendues. Cela ne me déplaît pas. Rien n'est éternel, rien n'est immuable. Pourquoi se plaindre du temps ? Tous les climats ont leurs avantages et leurs inconvénients. Mais si "il n' y a plus de saisons" ?
Lorsqu'il pleut, je pense aux cultivateurs, je reste à la maison ou j'enfile ma cape imperméable pour chevaucher mon vélo pliant. S'il pleut trop, je ne bouge plus, ça me calme ! Le soleil donne le sourire, mais je suis plus souvent qu'on ne le croit dans la lune et il ne me voit pas. Qu'il m'attende, le temps que j'émerge de mon laboratoire... On sait bien que les beaux jours reviendront, pluie ou soleil. Pas de catastrophe. Je regarde souffler le vent tant qu'il plie les hauts bambous à l'horizontal, Scotch se fait dorer le poil au soleil, je n'ai pas besoin d'arroser, la neige rappelle l'enfance, le tonnerre ravit le musicien...
En 1999, la tempête a emporté la cheminée. Ses cent kilos sont tombés dans le chemin de terre, à quelques mètres de mon voisin qui s'était réveillé plus tôt que moi. Je débouche régulièrement l'évacuation du jardin et les gouttières pour ne pas reproduire d'inondation. J'entretiens la chaudière. J'ai des ventilateurs. Si j'en ai marre, je change d'atmosphère ou d'hémisphère. Nous grimpons dans la montagne lorsque la canicule terrasse les habitants de la vallée. Tant que j'aimerai le temps, il se laissera apprivoiser et je vivrai. Ici aussi j'applique la formule de Cocteau énoncée par Phono Un dans Les Mariés de la Tour Eiffel : "Puisque ces mystères me dépassent, feignons d'en être l'organisateur..."

jeudi 12 juillet 2007

Octuor pour 27 nations


Deuxième journée aux Studios de la Seine pour le clip L'Europe 1907-2007 avec Eric Echampard et Ronan Le Bars. Eric commence par choisir ses fûts et surtout les peaux qui vont dessus. Comme je n'aime que les batteries accordées, je suis comblé. Eric passe deux heures à s'accorder, retrouvant le grave de la grosse caisse en la refermant par une seconde peau et harmonisant la tonalité de l'ensemble. Les prises elles-mêmes ne durent que quelques minutes. Lorsque tout est intelligemment préparé et les motivations claires, il n'y a plus qu'à le faire ! Il accompagne la valse jazz avec son propre swing et la solea en jouant à mains nues, se rapprochant de notre idée première de percussion ethnique. Un élégant roulement de caisse claire introduit la batterie bretonne du bagad.


Après un déjeuner de sushis sur le pouce et pouf du studio, Bernard et moi accueillons Ronan qui aura fait sept heures de train pour quelques mesures de uilleann pipes. Le son de la cornemuse irlandaise nous fait dresser les poils sur les bras. Tricotant l'hymne européen avec la guitare wah-wah d'Hervé, elle ferme le ban en donnant l'impression qu'au finale se retrouvent les vingt-sept Etats de la Communauté Européenne.


La musique va maintenant permettre à Pierre-Oscar Lévy de monter son film. Un siècle d'histoire de l'Europe défilera tandis que derrière les notes, sous les mots, d'autres réflexions germeront. Nous reprendrons le mixage fin septembre lorsque les documents d'archives audiovisuels auront été calés.

mercredi 11 juillet 2007

La griffe du passé


Le mercredi de 9h à midi et le samedi de 10h à 17h, l'appartement-atelier de Le Corbusier, 24 rue Nungesser et Coli à Paris, est ouvert aux visites moyennant un droit d'entrée de 3 euros. Comme lors de notre passage à la Cité Radieuse à Marseille, nous sommes surpris par les astuces de l'architecte (utilisation maximale de l'espace, fonctionnalité, simplicité des lignes, circulation fluide entre les espaces, lumière partout présente) et dans le même temps tout semble étriqué (plafond bas, petitesse du salon et de la cuisine ; la fonctionnalité annonce déjà Ikea...). On n'a pas l'impression que l'ensemble mesure près de 240 mètres carrés. Je pense que Le Corbusier s'est inspiré des cabines de bateau où l'astuce doit contrebalancer le volume. Si l'on compare l'immeuble, dont il acheta les 7ème et 8 ème étages pour y vivre et travailler, aux constructions mitoyennes datant aussi du début des années 30, on se rend compte de sa modernité. Son système de voûtes, une coque renversée plutôt que la nef d'une église, lui évite de rajouter des piliers au centre de l'appartement, de grandes portes pivotent entre les pièces offrant la possibilité de morceler l'espace ou de l'ouvrir complètement, et l'on n'a jamais fait aussi confortable que sa chaise
longue !
Par la baie vitrée, j'aperçois mon ancien lycée (photo) où j'ai effectué toute ma scolarité. Au coin du Stade Jean Bouin et du Parc des Princes, le Lycée Claude Bernard est une énorme bâtisse comme nombreux de ces édifices, donnant l'impression d'une caserne. Je me revois parquer ma mobylette grise devant la grande entrée ou faire la queue pour entrer en classe dans les immenses couloirs derrière les hautes fenêtres. Je prends conscience à quel point rien n'est fait pour donner envie d'y pénétrer. Massif, autoritaire, sa réflexion est à sens unique. Les classes donnent sur l'immense cour intérieure. Je ne crois pas que la concentration nécessite d'être coupé du monde à ce point. Il existe probablement des lycées conçus avec plus de lumière, où respirer avec les yeux et les oreilles est devenu possible, mais je n'ai connu que celui-ci, un lycée de garçons à une époque où la mixité n'était pas encore acquise. Ma libération marqua un point de non-retour.
À l'ouest, vers Boulogne-Billancourt, depuis le petit toit-jardin du Corbusier, j'aperçois l'appartement de mes parents couronné par la terrasse couvrant toute sa surface. C'est là que nous nous sommes libérés de la pesanteur des études, projetant sur les façades des immeubles voisins les diapositives géantes du light-show, allongés sous la lune complètement défoncés au son de musiques psychédéliques devenues le sésame d'un paradis magiquement accessible et qui n'avait rien d'artificiel, la fin des années 60.

mardi 10 juillet 2007

L'Europe, l'Europe, l'Europe


Hier, l'enregistrement aux Studios de la Seine est passé comme une lettre à la poste. Après le Balanescu String Quartet pour Sarajevo Suite avec Dee Dee Bridgewater, c'est la seconde fois que nous enregistrons avec un quatuor à cordes. Le Quatuor IXI composé de Régis Huby et Irène Lecoq (violon), Guillaume Roy (alto) et Alain Grange (violoncelle) a été simplement parfait, interprétant la partition pour L'Europe avec une sensibilité toute viennoise tandis que les stations annonçaient Swing Waltz, Solea andalouse ou Finale celtique. Bien que le quatuor soit un travail d'équipe, il est amusant de voir Régis diriger à notre place. Nous avons commis une énorme erreur de copie en préparant la séance, oubliant un changement de tempo. L'ingénieur du son, Fabrice Maria, rattrape le coup par une astuce de montage qui rend le verse encore plus dramatique. Canaliser les erreurs et les maladresses produit des surprises miraculeuses.
Déjeunant chez Paul au carrefour des rues de Charonne et de Lappe, nous apercevons par la fenêtre une plaque commémorative en hommage à Francis Lemarque né en face. Coïncidence émouvante puisque nous débutons l'après-midi avec l'accordéoniste David Venitucci et le guitariste Hervé Legeay qui l'accompagnaient sur son dernier disque. Bernard raconte qu'à la même adresse, il y avait en bas un restaurant où il avait l'habitude de venir manger du couscous et acheter du hasch avec Chet Baker. David swingue comme un fou, Hervé passe de la guitare manouche au flamenco et termine par un Hymne à la Joie hendrixien tandis que résonnent les tambours incisifs du bagad breton. Suite mercredi avec Eric Echampard à la batterie et Ronan Le Bars aux uillean pipes !

lundi 9 juillet 2007

Houellebecq-Birgé, la presse (2)


Après la revue Sextant qui me consacre 34 pages dans son numéro 3, c'est au tour de Jazzosphère, dans son numéro 32 intitulé "Musique et littérature", de publier 5 pages d'entretien sur ma collaboration avec Michel Houellebecq, agrémentées de nombreuses photographies. Après une première revue de presse il y a quelques jours, voici un petit article paru dans ce même Jazzosphère, augmenté de deux chroniques du Net.

Établissement d'un ciel d'alternance,
Jean-Jacques Birgé/Michel Houellebecq
Texte et musique. Cette savante alchimie qui lie un auteur et un musicien ne révèle que très rarement son essence. Le musicien écoute l'auteur lire et exprimer son texte, lui donner une signification qu'il n'avait peut-être pas ressentie comme telle mais qui, dans ce lieu, avec ce public et à ce moment-là prend toute sa force.
Les rencontres mêlant la musique à d'autres formes artistiques sont toujours fragiles. Fragiles car la musique est avant tout vecteur d'émotion. Son rôle dans les œuvres cinématographiques n'est plus à montrer. Une scène prendra ainsi une couleur différente selon le son qu'on lui prête.
Cette relation intime se retrouve entre la musique et le texte. Quelle gageure de porter musicalement un texte sans se limiter à de simples illustrations des mots écrits par l'auteur. Quelle gageure pour un auteur de se prêter à l'exercice impudique de livrer au public son texte et de lier son entreprise à celle d'un musicien.
Jean-Jacques Birgé et Michel Houellebecq s'engagent, au travers d'Établissement d'un ciel d'alternance, dans cette voie périlleuse. Le musicien retient son souffle, se met au service d'un texte ; l'auteur partage ses mots, les délivre au goutte à goutte comme pour savourer encore plus ce moment magique. Publiée plus de dix ans après son enregistrement, cette œuvre suscite une émotion spéciale et conserve intacte sa force d'expressivité.
Sabine Moig (Jazzosphère n°32, juillet 2007)

Pour ceux que la Présence humaine houellebecquo-burgalesque avait laissés sur leur fin, se précipiter dans l'univers sonore "dynamiquement léthargique" de Jean-Jacques Birgé accompagnant notre slameur mou lors d'une performance à la Fondation Cartier (novembre 1996) que les disques GRRR nous restituent en une version studio sans perruches, sous le titre évocateur : Etablissement d'un ciel d'alternance. Hormis les retrouvailles avec la poésie délicieusement spleenétique de l'auteur, c'est une belle occasion de découvrir le travail d'orfèvre d'un musicien contemporain on ne peut plus farouche - le résultat (notamment la plage III extraite de La Poursuite du bonheur) est bouleversant et lyrique en diable.
Marc Bruimaud

Disque ami : Jean-Jacques Birgé nous fait prendre une cuite…
Mais une cuite de Jupiter ! Le voilà qui s’est mis en tête (et en corps) de nous faire aimer Michel Houellebecq par son nouveau disque : Etablissement d’un ciel d’alternance co-signé avec l’écrivain. Et par un tour de passe-passe olympien, il y parvient. La diction de Houellebecq est seyante et intime. Elle est portée en confiance par la musique chaleureusement incisive (l'écrivain offre ici son meilleur, ses livres nous indiffèrent). Les photographies et le livret sont de beaux compléments d’objets directs. Un coup réussi du type de l’illustration du Voyage au bout de la nuit par Tardi (si vous voyez ce qu’on veut dire).
Et en conclusion surprise, et pas des moindres, une pièce intitulée "Tchernobyl" co-signée et co-réalisée avec Bernard Vitet qui pourrait être la bande musicale de l’excellent album de Chantal Montellier : Tchernobyl (éditions Actes Sud).
Jean Rochard

dimanche 8 juillet 2007

Anselm Kiefer, dernier jour


Sous la nef, les sculptures de fin du monde de Kiefer se dressent au milieu des vestiges d'un ancien temps. Les édifices tapissés de tôle ondulée abritent la croûte terrestre et des restes d'une nature en décomposition. Les cargos échoués sont attaqués par la rouille. Le public profite d'une dernière après-midi dominicale pour arpenter la plage.
Il ne reste donc plus qu'aujourd'hui dimanche pour découvrir l'artiste Anselm Kiefer au Grand-Palais, première exposition de Monumenta 2007 sur le principe "Un artiste, un lieu, une œuvre". Les prochaines seront consacrées à Richard Serra en 2008 et Christian Boltanski en 2009.

samedi 7 juillet 2007

Version censurée en ligne sur Free TV perso


J'ai raconté l'histoire du film de Françoise, Si toi aussi tu m'abandonnes, le 16 avril et annoncé le lancement de TVPerso sur le canal 13 de la FreeBox dimanche dernier. En voici une application, la version censurée par la télévision est accessible sur VideoClub en tapant le code 33642 ou en cherchant dans Divers. Cinquante deux minutes pour apprécier la différence si vous êtes abonnés à Free et que vous avez vu la version formatée produite par Image et Compagnie, la société de Serge Moati, lorsqu'elle est passée sur France 3. Une occasion exceptionnelle de voir le film tel que Françoise Romand l'a réalisé, avant les coupes et les ajouts, avant que tout ce qui concerne la religion, les Scouts d'Europe (liés au Front national) et la famille adoptive du jeune Colombien soit censuré, avant que le film ne devienne un portrait à charge... L'idéal serait de pouvoir comparer les deux versions, ce qu'a rapporté Poptronics lors de la projection aux Beaux-Arts programmée par Addoc... L'Humanité d'hier vendredi consacre une page sur le documentaire en danger dont un article sur l'histoire de ''Si toi aussi tu m'abandonnes'' signé Marie Barbier.

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vendredi 6 juillet 2007

Nabaztag prolifère


Petit reportage de quatre minutes sur notre lapin préféré réalisé par Lens von Larcher dans le cadre du programme Euromaxx de la Deutsche Welle TV diffusé dans le monde entier. Les vues de Paris me font bizarrement penser à Samuel Fuller qui aimait caractériser les villes où il tournait par des images d'Épinal. Ainsi le 11ème arrondissement est considéré comme chic par nos cousins d'outre-rhin et j'y apprends que Violet aurait déjà vendu 150 000 Nabaztag et que 13 versions étrangères seront bientôt sur le marché. Youpi ! Scrunch scrunch... La fin du film nous montre travaillant au Studio GRRR, Maÿlis, Antoine et moi, avec un petit extrait de l'opéra Nabaz'mob. J'avais sorti ma boîte à ouvrage où je range tous les petits instruments. Si les sons d'interface sortent du synthétiseur midi caché dans le ventre du lapin, les jingles et les identifiants sont réalisés exclusivement avec des instruments acoustiques.

P.S.: La Deutsche Welle bloque cette petite vidéo pour raisons de droits d'auteur, mais ce ne sont certainement pas les nôtres. Il y en a qui se foutent du monde !

jeudi 5 juillet 2007

À la mode de chez nous


Le "nouveau" Président de la République est un malin. Il ferait croire à la population qu'il incarne la révolution face à l'immobilisme des socialistes, sur le mode "nous, nous ferons ce que nous disons, les autres n'ont fait que des promesses". La gauche incarnerait la réaction et la droite les forces de progrès. Cela rappelle les détracteurs du vélo à Paris qui vous suggèrent les carrioles à cheval ou les chars à bœufs, ou encore les défenseurs du mp3 contre la qualité réelle des CD. À admettre qu'il y ait ici et là révolution, il en existe toutes sortes qui ne vont certainement pas dans le sens de l'amélioration des conditions de vie. La révolution islamiste iranienne, le développement métastasique automobile, la compression audio montrent alors ce qu'est en réalité le progrès, une manière de vendre la modernité, étymologiquement "à la mode"... À la mode de chez nous on nous plante avec les coûts, à la mode de chez nous on nous plante avec les fous, à la mode de chez nous on nous plante avec le goût, à la mode de chez nous on nous bourre vraiment le mou. J'aurais pu choisir d'autres rimes en sous, en tout, que ça n'y changerait rien, le progrès est un leurre que brandit le pouvoir chaque fois que les arguments idéologiques font défaut. Je ne m'étendrai pas sur la faillite de la démocratie bourgeoise, le lobby automobile et les ressources planétaires, mais l'on peut s'inquiéter d'une population à qui l'on fait avaler n'importe quoi sous couvert de modernité ou de progrès. Une révolution est un mouvement cyclique qui nous fait revenir à notre point de départ, un tour complet, un tour de passe-passe, mais c'est ainsi que les hommes vivent, s'enfonçant tous les jours un peu plus dans l'ignominie et l'aveuglement. La révolte est tout autre. On y reviendra... Il fait des bonds, il fait des bonds, il fait des bonds...
L'extrême-gauche se désespère donc du tour que prennent les choses. On confond Mai 68 à la réaction qui n'a eu de cesse de revenir sur ses acquis. Sarkozy a toujours rêvé de revenir à l'état d'avant, on le comprend, tout était clair, chacun à sa place, les femmes, les prolos, l'ordre. Mais il ne faudrait pas pour autant le diaboliser en découvrant une France glissant radicalement à droite. Elle l'a toujours été et nous n'avons jamais représenté qu'une frange marginale attachée à une morale héritée des Lumières, de la Révolution française, de la Commune et de 1917 ou 1936. Il est sain de rêver et de développer de nouvelles utopies lorsque la classe politique s'affole à en perdre tout repère. Né en 1952, je ne me souviens pas d'avoir connu autre chose que la droite au pouvoir. Peu de souvenir de la IVème République avec René Coty, mais la mémoire de la Vème, pom pom pom pooom. D'abord 1958 et la Guerre d'Algérie avec De Gaulle, jusqu'en 69, puis Pompidou qui incarnait la puissance des banques, Giscard d'Estaing le faux aristo arrogant, petite accalmie mitterrandienne d'un ou deux ans au lancement mais la social-démocratie montre vite son vrai visage, cohabitation, Chirac... Y voyez-vous autre chose que la droite aux rênes du pays ? Moi pas. Alors on s'y fait, d'appartenir à la résistance. La lutte continue, parce qu'on n'a pas le choix. On refuse les accords stratégiques qui détruisent ce pourquoi nous combattons, des idées qui nous permettent de nous regarder dans la glace sans honte de ce que nous avons été et de ce que nous sommes devenus. La route est longue.

mercredi 4 juillet 2007

Tradition familiale


Il est de tradition familiale que nous fêtions les anniversaires dans un bon restaurant, invités par mes parents. Mon père étant mort il y a vingt ans, Maman perpétue cette délicieuse habitude qui veut que l'on tente chaque fois une nouvelle expérience gastronomique. C'était hier l'anniversaire d'Elsa à L'Avant-Goût, une occasion de nous retrouver, avec Michèle, sa maman, et Yann-Yvon. Le jeu consiste à dégoter de bonnes tables pour un coût raisonnable. Maman et ma sœur Agnès sont expertes à cette gymnastique. Nous nous laissons porter par le flot. Elsa et moi imaginons difficilement de terminer un repas sans dessert au chocolat. Pour le reste, nous avons tendance à choisir ce qui paraît le plus extraordinaire. Ça marche parfois. La frime de mon père, qui était du genre à faire appeler le chef pour le féliciter, me manque, même si cela nous flanquait chaque fois la honte. Il est devenu rare que nous ayons des étoiles dans les yeux quand nous évoquons les restaurants pourtant souvent délicieux et inventifs. J'ai l'impression que nos prouesses domestiques, aux un(e)s comme aux autres, valent largement ces bonnes tables. Maman a arrêté de faire la cuisine lorsque ma sœur et moi avons quitté le domicile parental. Lorsque j'étais petit, je me flattais de ne jamais manger deux fois le même plat pendant un mois. Les mayonnaises et les sauces étaient l'apanage de mon père. Les cocktails aussi. J'ai appris de lui à marier les alcools, mais je n'ai jamais osé faire monter une seule mayonnaise. Du Luft, disait-il, de l'air. Au début, les finances de mes parents ne nous permettaient que le restaurant chinois. J'ai appris à manger avec des baguettes en même temps que le maniement de la fourchette...

mardi 3 juillet 2007

Houellebecq-Birgé, la presse (1)


Il n'est ni agréable ni efficace de faire sa promotion soi-même. Je me suis épuisé à contacter les journalistes littéraires (sans le moindre succès, semble-t-il) et musicaux, à les harceler parfois. J'ai eu de temps en temps la surprise de longues et passionnantes conversations, mais il faut savoir être patient face aux promesses de publication. Aujourd'hui, je cède la place à trois journalistes qui ont écrit sur Établissement d'un ciel d'alternance, cd en duo avec Michel Houellebecq que j'ai composé, réalisé et produit (distribution Orkhêstra). Leur prose me repose et m'honore :

Alors que la cinématique génère de nouveaux chantiers musicaux, où l'on observe l'influence des BOF (Bandes Originales de Film) sur le jazz mâtiné d'electronica, sur le hip-hop échantillonné de dialogues cinématographiques, il convient de rendre à César ce qui appartient à César et à l'invention hélicoïdale ce qui appartient à Birgé. Car Birgé est un nom pionnier. Il est la source de toutes les aventures traversières actuelles, celles gui font fusionner les serpentements du son et les images qui refusent de ramper devant les impératifs du cliché. Réalisateur de spectacles multimédia à partir de 1965, fondateur, en 1976, du groupe Un Drame Musical Instantané, avec Francis Gorgé et Bernard Vitet, Birgé a montré avant tout le monde le parti que la littérature pouvait tirer de l'improvisation sonique (et réciproquement) en créant des évènements autour d'œuvres de Dino Buzzati, d'Edgard Poe ou encore de Zola. Cette capacité d'invention qui le fit composer pour le théâtre, le cinéma, la radio, un orchestre symphonique, un jazz band justifiait qu'on le sollicite afin d'accompagner une lecture de Michel Houellebecq lorsqu'il était ce poète prometteur adoubé par Michel Bulteau, l'homme du "Manifeste électrique aux paupières de jupes". Sous l'impulsion d'André Velter, naguère associé aux secousses transformatiques de la revue Change, il effectue l'exploit de combiner un traitement sonore sur la voix véritablement envoûtante de Michel Houellebecq lisant des fragments du "Sens du combat" (1996) et de "La poursuite du bonheur" (1992). Le spectacle eut lieu à la Fondation Cartier, en première partie de Patti Smith et à l'occasion du 10e anniversaire des Inrocks. Enregistré le 4 novembre 1996, en une seule prise, sans coupure ni mixage, "Établissement d'un ciel d'alternance" est ainsi salué par l'auteur de "La possibilité d'une île" : voici "quelque chose d'assez rare dans ma vie : une collaboration avec un musicien réussie ". Spécialiste des instruments de synthèse, Birgé parvient ici, talentueusement, à porter une écriture marquée par l'errance en rendant distinct le climat fuligineux et cette lumière tremblante qui éclaire le décor de guerre mis en voix par Houellebecq. Nul assemblage bricolé dans la recherche d'un effet, "Établissement d un ciel d'alternance" joue parfaitement son titre, un équilibre de tension entre l'harmonie du désastre et la grammaire des sons sinusoïdaux dont Jean-Jacques Birgé est l'oracle parfait. Signalons que l'opus, présenté sous etui DVD (un clin d'œil à l'image-mouvement) est post-scriptumé d'une pièce instrumentale signée Birgé-Vitet. Conclusion explosive au "poème symphonique" de Michel Houellebecq, elle s'intitule éloquemment Tchernobyl.
Guy Darol (Jazz magazine, mai 2007)

Pour sa collaboration avec Bernard Vitet, son ancien compère du Drame Musical Instantané, Jean-Jacques Birgé suggère un dynamisme léthargique proche du "poème symphonique" Établissement d'un ciel d'alternance qu'il co-signe avec l'écrivain Michel Houellebecq. L'expression synthétise avec goût cette lecture suffocante, comme happée par le vide, qui rebondit et s'embrase dans le fourmillement électronique - contrepoint idéalement visqueux à la voix lasse et quasi-désincarnée de Houellebecq, pour une musique d'un noir d'encre où l'écrivain chante des "territoires de la terreur" aux confins de Pierre de Mandiargues et d'Alain Robbe-Grillet...
Franck Mallet (Classica répertoire, mai 2007)

Ça se passe le 9 novembre 1996 à la Fondation Cartier pour le dixième anniversaire des Inrockuptibles. On attend Patti Smith et on patiente avec Houellebecq-Birgé. Des perruches (mais que faisaient-elles là ?) donnent de la voix, piaillent leur néant.
Ça se passait aussi quelques jours plus tôt au studio GRRR de l'ami Birgé. Sans les perruches, les deux hommes se soudaient d'une inconsolable fatalité ; celle de l'après chaos, celle du requiem des mondes. Celles de mécaniques obsessionnelles, répétitives, explorant l'étouffement des hommes, la fatalité des haines. La nuit est presque rouge dit l'un ; le cri ne sera bientôt plus capitonne l'autre. Mais lequel est le stalker de l'autre ? Lequel invente le récit ? Houellebecq est satisfait de la rencontre et le dit dans le livret ; Birgé parle de confiance... Le courant est passé qui mériterait de repasser.
Tout se termine avec Tchernobyl, composition du tandem Birgé-Vitet. Éloge du métallique et du fuyant, la peur s'en est allée, laissant au loin les stigmates de l'incertain.
Une musique recommandée et recommandable.
Luc Bouquet (Improjazz, juillet-août 2007)

Sur ce blog plusieurs billets abordent l'album sous des angles variés :
- Sortie chez GRRR de mon duo avec Michel Houellebecq (avec la pochette originale)
- Les chiffres à livre(t) ouvert
- Les pochettes auxquelles vous avez échappé
- Étienne Auger commente son travail (la photo ci-dessus est issue du verso du livret)
- Houellebecq Malentendu

lundi 2 juillet 2007

Le coup de bambou


J'ai voulu faire le malin, contenir les bambous sans enterrer de plaque de métal dans le sol, en arrachant simplement les rhizomes au fur et à mesure. Seulement voilà, c'était un leurre. Les feuilles mortes recouvraient l'action. J'ai laissé passer l'été dernier sans creuser le sol et les bambous se sont étalés partout sans que je m'en aperçoive. Ils ne sont pas profond du tout, mais leur force est inimaginable. Ils s'accrochent par une multitude de petites radicelles tout le long de leurs racines. Lorsqu'ils rencontrent un obstacle, ils se tordent jusqu'à faire des nœuds et poussent dans tous les sens, faisant tout exploser. Entendre pousser (pas le gazon, je déteste les pelouses) comme on pousse lorsque sa voiture est en panne. De toute leur force. J'ai commencé par creuser, tentant d'arracher ce que je dégageais, avec une pelle, avec mes mains... J'ai des ampoules d'un centimètre carré et j'arrive à peine à taper ce texte tant c'est douloureux et brûlant. J'ai remis la terre en place et déclaré forfait après trois heures d'acharnement sous le soleil matinal, à poil pour ne pas continuer à me salir. J'avais tenté d'humidifier la terre, mais ça n'a rien changé si ce n'est m'asperger de boue jusqu'à la racine des cheveux ! Si j'en reste là, et je ne vois pas comment faire autrement, les bambous étoufferont le palmier, le photunia et le bouleau pleureur, mais ils ne pourront s'étendre plus loin. À mon tour de m'étendre... Je suis perclus de courbatures.

dimanche 1 juillet 2007

La télé libre est née vendredi


"Avec TV Perso, Free offre sur le canal 13 de FreeboxTV un espace de liberté et de création unique à ses abonnés, leur permettant de devenir acteur, producteur et éditeur de leur propre émission, de leur propre chaîne et de partager ce contenu avec tout ou partie de la communauté freenaute." Suivent quelques explications augmentées du manuel.
Mon ami Jean-Pierre Mabille m'appelle vendredi soir pour tester le nouveau service que Free offre aux possesseurs d'une v.5. La FreeBox dite HD permet déjà de regarder des dizaines de chaînes ainsi que la TNT, d'enregistrer le flux sur son disque dur interne de 40Go (on peut ajouter un disque dur externe classique), et évidemment de se connecter à Internet et de téléphoner gratuitement.
C'est une petite révolution que nous vivons en direct. Chaque abonné devient le patron de sa propre chaîne. Il suffit de brancher une caméra ou un lecteur à l'arrière de la FreeBox et le tour est joué. Sur le canal 13 (attention cela ne marche pas en multipostes, la formule utilisée pour regarder les chaînes sur son ordinateur ; il faut connecter un écran à la prise Péritel de la boîte, sinon le canal 13 diffuse la Chaîne Parlementaire - excellent choix, si je me fis à Éric Échampard, spectateur assidu de ce canal politiquement passionnant), donc sur le canal 13 vous sélectionnez l'image qui vous convient et vous entrez chez les uns et les autres par le biais de ces webcams sophistiquées (l'image et le son sont excellents), vous donnant en spectacle à la France branchée Free. Il y a moyen de contrôler ses spectateurs si on le désire, par un système de mot de passe, sinon vous émettez tous azimuts.
Ne possédant qu'une v.4, je n'ai pu que regarder, mais je me suis posé de multiples questions. Comment l'État (de plus en plus policier) va-t-il réagir à cette déréglementation ? Il n'est plus question de licence, chaque abonné devenant un émetteur en puissance. Comment les sociétés d'auteurs vont-elles pouvoir contrôler la diffusion des films mis en partage comme sur YouTube ou DailyMotion, mais en temps réel ? Si cette pratique se propage, les débits des connexions vont-ils en être considérablement affaiblis ? Passé l'engouement pour ce nouveau jouet technologique, quels types d'émission sont susceptibles de se développer ? On sait que les blogueurs s'épuisent vite. On soignera la qualité de son exhibitionnisme, mais quel nouveau voyeurisme naîtrea de cette prolifération d'images et de sons ? Il faut bien comprendre également que tout va aller très vite. Les espaces de liberté ne le restent jamais longtemps. La radio libre est devenue la radio privée. Elle est massivement passée de libertaire à commerciale. De même, Internet devient un lieu de service et de commerce. Si la télévision perso peut produire d'inédites œuvres de création, les artistes vont devoir tirer plus vite que leur ombre avant que la loi ne rattrape cette fantaisie technologique.