70 Cinéma & DVD - août 2011 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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jeudi 4 août 2011

Deep End, je pourrais mourir ce soir


Jusqu'au coup de théâtre final, Deep End est un film de faux-semblants où les apparences rivalisent d'ambiguïté. La comédie initiatique révèlera un drame de l'adolescence et les personnages dévoileront une cruauté inattendue. Si Jane Asher et John Moulder-Brown sont à croquer ils finiront dévorés par un monde sans scrupules qui tranche avec les représentations de l'époque. Tourné en 1970 par Jerzy Skolimowski, cinéaste rare à la filmographie toujours surprenante (Le départ, Travail au noir, Essential Killing…), Deep End explose de couleurs vives et franches comme chez Demy, s'accompagnant des musiques composées par le chanteur pop Cat Stevens et le groupe expérimental Can, références extrêmes à un Swinging London qui restera à jamais hors-champ. Pourtant le film n'a pas d'âge, comme les plus belles réussites de son auteur. Les émois du jeune éphèbe sont filmés avec humour et sensibilité sans sombrer dans les poncifs, le désir et la frustration de l'âge ingrat mariant le sexe et la mort en un ballet nautique suffocant. La chanson de Cat Stevens qui accompagne le générique à la peinture saignante du début s'appelle But I Might Die Tonight (Je pourrais mourir ce soir). Nous ne pensions pas atteindre 30 ans. On oublie facilement que les contes de fées sont souvent cruels et tragiques.
Ressorti récemment au cinéma, le film sera publié fin novembre en DVD, accompagné d'un documentaire inédit comme Carlotta en a le secret.

mardi 2 août 2011

Projetés sur un drap blanc


Malgré quelques invraisemblances scénaristiques Code Source (2011) de Duncan Jones (fiston de David Bowie) avec Jack Gyllenhaal se laisse regarder. Dans un mois on l'aura oublié, mais le suspense de cet exercice de science fiction, cousin de Memento, nous aide déconnecter d'avec le monde réel et ses tracas.
Pour continuer dans l'ordre de programmation soir après soir, Gone Baby Gone de Ben Affleck (2007) est un polar social que les ultimes rebondissements rendent plus intéressant que le vulgum americanum filmum ; personnages attachants joués par Casey Affleck (le petit frère), Michelle Monaghan, Ed Harris, et climat torve à souhait, avec le mérite de nous poser une question quand les lumières se rallument.
L'espagnol Même la pluie de la réalisatrice Icíar Bollaín (2010) qui, par l'astuce du tournage d'un film en Bolivie, déroule en parallèle la résistance des Indiens à la conquête de Christophe Colomb et à une multinationale accapareuse de l'eau vitale est plein de bonnes intentions, mais la tension permanente et la musique hollywoodienne empêchent une pleine adhésion ; à force de vouloir éviter le manichéisme des personnages l'ultime volte-face en devient peu crédible.
Aucun d'entre nous n'avait jamais vu Gueule d'amour du sous-estimé Jean Grémillon. Tourné avec les remarquables Jean Gabin et Mireille Balin, ce film de 1937 est une énième démonstration du refoulement de l'homosexualité masculine sous couvert de jalousie, femme fatale et différence de classes ; copie rénovée aux noirs et blancs superbement contrastés.
À la sortie du coffret Pierre Etaix personne n'a semblé s'étonner de l'absence de L'âge de Monsieur est avancé tourné pour France 3 en 1987 dans le cadre de l'excellente collection Cinéma 16. Film bavard en hommage à Sacha Guitry, cette brillante comédie tranche avec le comique d'observation quasi muet des films sonores d'Etaix. Les longs plans séquences entrecoupés de contre-champs sur la salle du théâtre où est censée se passer l'action offrent au réalisateur accompagné de Nicole Calfan et Jean Carmet un formidable terrain de jeu où fusent les mots d'esprit sans oublier les artifices que permet le cinématographe. Certaines VHS enregistrées il y a fort longtemps, ici 1987, autorisent le tour de magie de découvrir quelque film aujourd'hui introuvable, en attendant la résurrection créée par les DVD.
Franche rigolade pour You Don't Mess with the Zohan (Rien que pour vos cheveux) de Dennis Dugan (2008) avec Adam Sandler et John Turturro, dans la lignée des films de Judd Apatow qui a cosigné le scénario avec Sandler et Robert Smigel. Ce comique potache est supportable lorsqu'il est équilibré par un scénario délirant qui pousse la situation dans ses extrémités. Le criminel conflit israélo-palestinien en devient absurde, l'humour ravageur apportant un message de paix salutaire.
Lorsqu'ensuite nous nous sommes retrouvés seuls au milieu de nulle part, la brume nous emprisonnant pendant sept autres jours, nous avons regardé plusieurs épisodes de Nurse Jackie (2010), David Golder (1930) de Julien Duvivier d'après Irène Némirovsky avec Harry Baur (critique cinglante de la bourgeoisie au moment du passage au parlant), Capitalism: a Love Story (2009) de Michael Moore (fouillis édifiant), un documentaire passionnant sur Boris Vian, le dramatique Funny People (2009) de Judd Apatow, et, seul, j'ai regardé les rushes inédits de Cinéastes de notre temps avec Capra, Mamoulian et Kazan, et me suis avalé la série In Treatment qui m'a fait plonger dans les méandres analytiques de mon enfance et dans celle de ma fille, suscitant des rêves qui m'empêchèrent de dormir en attendant que les étoiles refassent leur apparition.