70 Cinéma & DVD - décembre 2016 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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jeudi 15 décembre 2016

Toni Erdmann, un grand film initiatique


Les Cahiers du Cinéma nommant Toni Erdmann en numéro 1 de leur liste des meilleurs films de 2016, je l'ai regardé hier soir en DVD publié prochainement par Blaq out avec en bonus un entretien avec sa réalisatrice, Maren Ade. Le film, classique dans sa forme comme la plupart de ceux qui sortent sur les écrans, possède un charme particulier grâce au regard à la fois critique et tendre de la cinéaste allemande, évitant tout manichéisme malgré le message positif que porte cette comédie dramatique. C'est l'histoire d'un père inquiet pour sa fille, un père ayant vécu la révolution et la fantaisie des années 60, une fille emportée par le cynisme d'aujourd'hui. La jeunesse n'est pas une question d'âge, mais une manière de vivre et d'apprendre à vivre. Le jeu fait partie de la donne, chacun acceptant les rôles que la société nous impose, les refusant ou inventant les siens propres. Personnage en or pour le comédien Peter Simonischek, le père interroge nos us et coutumes en les raillant sans cesse par des plaisanteries plus brechtiennes que vraiment comiques. Sa fille, jouée par Sandra Hüller, en a honte comme souvent les enfants qui ne sont pas encore devenus parents à leur tour.


Car les contradictions sont déjà là, dans les rapports de classe, de sexe et de hiérarchie professionnelle. Plutôt qu'une leçon de morale, le philanthrope tente de réveiller sa fille, en s'immiscant lourdement dans sa vie, provoquant des situations absurdes, mais qui le sont moins que les pratiques du monde de l'entreprise, et autrement plus humaines. Bourré d'allusions au passé de l'Allemagne, au libéralisme actuel, à la société de consommation, au carcan familial, au machisme, le film de Maren Ade développe une dialectique qui rend "conte" des contradictions de chacun, de celles qui permettent de choisir chaque matin son chemin. Par son rythme irrégulier et les petites surprises qui émaillent sans cesse cette comédie de mœurs, les 2h42 passent comme une lettre à la poste, une lettre d'amour qui parfois trouve son ou sa destinataire. On peut voir Toni Erdmann comme un grand film initiatique, parce que nos enfants le resteront toujours et que nous avons tout autant à apprendre d'eux.

→ Maren Ade, Toni Erdmann, DVD/BluRay Blaq out, 20€, sortie le 17 janvier 2016

lundi 5 décembre 2016

Les banlieusards


Après Body Double, L'année du Dragon, Little Big Man et Panique à Needle Park, l'éditeur Carlotta publie un cinquième coffret Ultra Collector consacré au film relativement méconnu de Joe Dante, The 'Burbs (Les banlieusards). Amateur de DVD ou Blu-Ray pour le confort qu'ils apportent lorsqu'on a la chance de posséder chez soi un grand écran, cinéphile suite à mes études de cinéma, j'apprécie les éditions dont les bonus apportent un réel plus au film. Cette fois nous sommes servis : plus que les cinq études analytiques passionnantes de Frank Lafond, Florent Christol, Vincent Baticle, Christian Lauliac et Fabien Gaffez figurant dans le livre de 200 Pages abondamment illustré, apportant quantité d'informations sur l'histoire, le satanisme, le décalage comique, la musique ou les acteurs, j'ai surtout été intéressé par le témoignage de Joe Dante, la copie de travail, la fin alternative, les archives promotionnelles, etc. qui accompagnent cette comédie fantastique réalisée en 1989 avec le jeune Tom Hanks, Bruce Dern, Carrie Fisher, ici superbement remasterisée (ce qui n'est pas le cas de bande-annonce ci-dessous).


Comme tous les films de Joe Dante depuis Piranhas, Les banlieusards insinue une critique virulente de la vie américaine. Imitant avec quelques années de retard les dégâts produits par et aux États Unis, nous pouvons malgré tout nous y projeter sans difficulté avec nos manies xénophobes et nos réactions muées par l'émotion qui étouffent la réflexion ! Je reconnais l'amicale complicité de nos voisins contre les horribles sorcières du fond de l'allée et certains replis communautaires caricaturaux. Rien d'étonnant à ce que les Américains ne soient pas fans des films de Dante qui leur en envoie chaque fois plein les gencives, comme récemment Braindead, la série de Michele et Robert King... On peut lui préférer Matinée (Panique sur Florida Beach), Innerspace (L'aventure intérieure), Small Soldiers, The Second Civil War ou les Gremlins, mais The 'Burbs a quelques atouts, à commencer par son décor. Car Mayfield Place deviendra quinze ans plus tard Wisteria Lane, la série Desperate Housewives se passant dans la même rue des studios Universal, une autre histoire de banlieusardes avec ses ragots et ses histoires sordides. Le film de Joe Dante est une comédie pleine d'allusions cinéphiliques et de ressorts comiques liés au cinéma d'épouvante, le film parfait d'un samedi soir.

→ Coffret Les banlieusards (The 'Burbs), coffret ultra collector limité à 2.000 exemplaires numérotés en Blu-ray + DVD + 1 DVD de Bonus + Livre, 49€ / le DVD ou Blu-Ray seul, 14€