Même si le titre est juste il n'incite pas à regarder le documentaire de Nicolas Gayraud, trop flou si l'on ne sait rien. Et si l'on sait, le sujet me ferait plutôt fuir, surtout à comparer Le temps de quelques jours aux films de Cavalier et Depardon. Fausse route, ce n'est pas Thérèse et le filmage s'attache à des personnes qui se marrent tout le temps. D'autant que la religion et moi, ça fait deux, ce qui ne m'empêche pas d'adorer les films de Buñuel ! Le réalisateur a passé quelques jours avec les bonnes sœurs de l'Ordre cistercien de la Stricte Observance à Bonneval. Contrairement à ce que Françoise, qui connaît mes goûts, prédisait, nous accrochons dès la première image et nous restons fascinés pendant les 77 minutes passées avec ces femmes drôles, intelligentes et sensées qui ont choisi de vivre recluses dans la contemplation. La légèreté de ton sur un sujet aussi grave que le temps de vivre n'a rien à voir avec les modèles dont on le rapproche.


Et puis ces moniales fabriquent des chocolats dans les ateliers de leur abbaye, tradition depuis 1878, sans autre graisse végétale que le pur beurre de cacao ! Cela dit tout, même si leur vie est essentiellement consacrée à la prière. Gayraud ne reste que quelques jours, mais il prend son temps. Le temps de vivre, oui, c'est ce que ces femmes indépendantes, dégagées des contingences quotidiennes et de la mode, nous transmettent. Le réalisateur n'insistant pas particulièrement sur la foi chrétienne, leur philosophie ressemble un peu au bouddhisme. Les questions absentes sur leur économie ou la sexualité m'intriguent parce qu'elles semblent si libres que l'on a l'impression qu'elles peuvent parler de tout. Elles le font certainement en notre absence. Gayraud nous épargne aussi les bondieuseries, parce qu'il ne viole jamais leur intimité. Leur retraite ressemble à une communauté de féministes plongées dans la réflexion et le décalage. Il fait bon et frais sur les contreforts du plateau de l'Aubrac. La nature sauvage qui entoure l'abbaye est attirante. On ressort de la projection comme en élévation. Si vous aimez les projets positifs, la joie de ces vingt-six femmes qui ont aujourd'hui entre 35 et 94 ans est franchement communicative. Il n'y a pas que dans leurs propos qu'elles sont incroyablement modernes. Elles ont un site web et maintenant un film formidable est consacré à ce qu'elles représentent, du moins sous l'angle ouvert d'une écologie réelle. La caméra en propose une image personnelle sous la forme paradoxale d'un sybaritisme de l'ascète.

Le temps de quelques jours de Nicolas Gayraud, DVD Éditions Montparnasse sortie le 3 février, 15 euros