70 Cinéma & DVD - mai 2023 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 26 mai 2023

Waste Land, l'envers du gâchis


Les clichés de Vik Muniz pulvérisent ceux sur la pauvreté. Ses héros travaillent dans une décharge brésilienne où ils recyclent tout ce qu'ils peuvent. La réalisatrice Lucy Walker filme l'artiste au travail dans son œuvre de réconciliation avec son pays où il a grandi dans une favela avant d'émigrer aux États-Unis. Comme chez Michel Séméniako, JR ou Nicolas Clauss il s'agit d'images négociées (une expression de Séméniako), à savoir une collaboration entre les sujets et celui qui leur tire le portrait. La sociologie ou la psychologie sociale se montrent alors sous leur meilleur profil, celui de la création concertée. L'artiste, soliste d'un ensemble solidaire, réfléchit ce qu'il voit en prenant le temps d'apprivoiser les personnages qu'il filme ou photographie. À tel point ici qu'il s'imprègne du recyclage généralisé pour à son tour n'utiliser aucune autre matière que les ordures de notre société caractérisée par son gâchis. En réponse à cette absurdité ravageuse, chacun des protagonistes choisis est un modèle d'humanité et d'intelligence partagées. Leurs sourires valent ceux des "Nigériens" à la fin des Maîtres fous de Jean Rouch, sauf que dans Waste Land les Catadores (éboueurs) trouvent leur salut dans le travail, activité insalubre et honteuse pour les uns, utile et solidaire pour les autres.


Lucy Walker participe à cette aventure en poussant malgré eux les acteurs à une analyse, subtile, que la caméra induit automatiquement. Le succès du film (Prix du Jury et du Public à Sundance, Prix du Public à Berlin, nomination aux Oscars, etc.) après celui des photographies de Vik Muniz transforme la noirceur du récit en conte de fées. Les bénéfices des photos ont été reversés aux modèles, soit 12 000 dollars chacun, avec lesquels ils se sont achetés une maison, en plus de la création d'une bibliothèque et un centre de ressources avec ordinateurs. Par où qu'on le prenne, Waste Land est un film emblématique de notre époque, système D contre gâchis, l'art comme dernier rempart de la barbarie, bulles financières inhérentes avec répartition relative des richesses, urgence à trouver des solutions écologiques, identification à des modèles humains, etc. À voir absolument (en ce qui concerne l'écoute, la musique de Moby alourdit inutilement le propos, comme d'hab !).

Article du 4 avril 2011

mardi 23 mai 2023

Les scénarios de John Sayles donnent du goût


Depuis quelque temps Carlotta publie des séries B, films dits d'exploitation, d'action ou d'épouvante, en plus des grands classiques de la cinéphilie dont il s'est fait en France le spécialiste. L'éditeur soigne chaque fois la présentation, que ce soit dans l'ajout de passionnants bonus ou dans la présentation des emballages. Certains DVD ou Blu-Rays sont ainsi insérés dans de volumineux livres luxueux, d'autres accompagnés de memorabilia, d'autres sous boîtier métal, etc. Les ventes d'objets physiques se raréfiant au profit du téléchargement et surtout des sites de streaming, Carlotta mise donc sur des produits de niche qui attirent les aficionados et les collectionneurs. J'avoue avoir parfois du mal à regarder ces films mineurs alors que je suis tiraillé entre la découverte des pépites du passé et les sorties contemporaines.
Pourtant j'ai été emballé par le film de gangsters Du rouge pour un truand (The Lady in Red) de Lewis Teague dont l'héroïne interprétée par Pamela Sue Martin tire son épingle du jeu, traversant la grande dépression de l’Amérique des années 1930 en étant successivement couturière, danseuse, prostituée et serveuse, jusqu'à la prison et sa liaison avec le célèbre Dillinger. Le film prend évidemment quelques libertés avec la réalité, en particulier un glissement de personnage en ce qui concerne la femme en rouge qui était en fait la mère maquerelle. Produit par Julie Corman (épouse de Roger Corman), le film a la particularité d'être accompagné par la première musique de James Horner, et les acteurs Robert Conrad (James West dans la série Les mystères de l'ouest) et Louise Fletcher (l'infirmière de Vol au-dessus d'un nid de coucous). Mais il doit surtout son originalité au scénario de John Sayles qui avait déjà écrit Piranhas pour Joe Dante, génial pastiche des Dents de la mer qui m'avait fait éclater de rire. Jonathan Buchsbaum m'indique alors le film suivant du tandem League-Sayles, Alligator que j'avais momentanément laissé de côté.
Je n'ai jamais été fan des films d'épouvante, même si mon père m'emmenait aux séances du samedi minuit au Napoléon, avenue de la Grande armée. Je me souviens qu'à la projection de La Vierge de Nuremberg les spectateurs du balcon n'arrêtaient pas de lancer des quolibets pour se rassurer. Ce soir-là mon père m'avait présenté à Jeanne Moreau qui faisait la queue avec deux petits minets. J'étais gêné, car je le prenais un peu pour un ringard qui avait quitté le métier. Mais pour un gamin de quinze ans cette sortie était une véritable aventure.
Et là encore je suis conquis par le scénario d'Alligator (1980) qui est plus un film de monstres qu'un film d'horreur, avec un humour corrosif distillé par John Sayles, un homme de la gauche américaine qui passera plus tard à la réalisation avec Return of the Secaucus 7, The Brother from Another Planet, Matewan, Lone Star, tous toujours intéressants. On ne compte plus le nombre de flics qui se font dévorés tout crus. Comme avec The Lady in Red, les rebondissements et les détails astucieux vont bon train. Alligator s'appuie cette fois sur une légende urbaine : des reptiles rejetés dans les égouts de New York auraient muté après avoir ingurgité des hormones produites par l'industrie pharmaceutique. Les bonus révèlent, entre autres, les trucages astucieux quoique sommaires.
La mutation de 1991 d'Alligator est hélas un remake totalement nul, et Cujo un film d'épouvante assez banal de Lewis Teague de 1983, l'adaptation d'un best-seller de Stephen King équivalant à un régime sans Sayles !

→ Lewis Teague, Du rouge pour un truand (The Lady in Red), Blu-Ray Carlotta, 20€
→ Lewis Teague, L'incroyable Alligator / Jon Hess, Alligator II : La mutation, 2 Blu-Ray ou 4K Carlotta, 35€
→ Lewis Teague, Cujo, DVD / Blu-Ray Carlotta, 20€

jeudi 18 mai 2023

Chez Borzage même la mort ne peut séparer les amoureux


À l'Idhec je n'avais jamais entendu parler de Frank Borzage avant de voir Strange Cargo. La présence de Joan Crawford que j'avais adorée dans Johnny Guitar, un de mes dix films préférés, ne suffisait pas à expliquer ma fascination pour la passion qui traverse l'œuvre où je sentais pourtant quelques relents mystiques auxquels j'étais habituellement allergique. J'utilisai même sa bande-son en février 1977 pendant l'enregistrement de He has been bitten by a snake, improvisation collective avec Un Drame Musical Instantané ! À chaque nouveau film de Borzage que je découvrirai je serai surpris par la force et l'originalité des émotions, et étonné que son œuvre soit si peu connue. La censure et les aléas de production ont dressé tant d'obstacles sur sa route.


La publication de ses films muets par Carlotta [confirma] mon sentiment. L'heure suprême (Seventh Heaven, 1927) me laisse sans voix ! L'amour fou salué par les surréalistes est partout présent. Ses mélodrames vont à l'inverse du renoncement chez Douglas Sirk qui s'en est pourtant largement inspiré tant dans le traitement dramatique que dans le soin porté à l'image. Les films de Borzage exaltent la passion entre deux êtres que rien ne peut séparer, ni la misère, ni la guerre, ni la mort. J'ignore pourquoi le noir et blanc, d'une beauté inimitable, me rappelle les illustrations d'antan, gravures de Gustave Doré ou peintures de Caspar David Friedrich. Seuls les films de F.W. Murnau me font cet effet. Le coffret DVD, Prix du Syndicat Français de la Critique de Cinéma, rassemble trois autres chefs d'œuvre jusqu'ici inaccessibles, L'ange de la rue (Street Angel, 1928), L'isolé (Lucky Star) et ce qui reste de La femme au corbeau (The River, 1929), complété par une foule de suppléments, entretiens avec Hervé Dumont, biographe de Borzage qui a supervisé l'ensemble, courts-métrages de la série Screen Directors Playhouse, entretien radiophonique avec le réalisateur, livret de 72 pages, etc. La frêle Janet Gaynor et l'indestructible Charles Farrell sont les héros des trois premiers, l'érotique Mary Duncan incarnant l'héroïne du quatrième.


Après ses démêlés salariaux avec la Fox, on retrouve Janet Gaynor aux côtés de Farrell dans la première version parlante de Liliom (1930), antérieure de quatre ans à celle de Fritz Lang. L'ascétisme des décors stylisés fait paraître naturelle l'intrusion de l'au-delà, images hallucinantes d'un train, très borzagien, entrant dans l'image comme une attraction foraine qui serait sortie des rails. L'amour, toujours, vaincra la bêtise et la mort.

N.B.: les séquences YouTube sont très loin de la qualité exceptionnelle des remasterisations éditées par Carlotta à l'époque de cet article du 28 février 2011.

Et deux chefs d'œuvre de Murnau


Carlotta [avait] aussi édité L'aurore et City Girl de F.W. Murnau, toujours sublimement remasterisés et rassemblés en un coffret rempli de suppléments formidables dont la version tchèque, dite européenne, du chef d'œuvre absolu que représente L'aurore, malgré son insuccès à sa sortie (avec Janet Gaynor !), en plus de la version américaine dite movietone. City Girl, avec les deux acteurs principaux de La femme au corbeau, est le dernier film de Murnau avant Tabou et son accident mortel. Le réalisateur montre déjà son inclinaison pour le naturalisme magique et son rejet d'Hollywood, même s'il réussit un généreux portrait de l'Amérique des grands espaces. Beaucoup plus cruel, direct et essentiel, Murnau peint pourtant au scalpel quand Borzage dessine au fusain.
Le muet ne doit pas rebuter les jeunes cinéphiles. Le noir et blanc y est symphonique, l'action universelle, la force poétique inégalée. Autant que possible, j'essaie d'évoquer dans cette colonne des films rares ou méconnus, abusivement réputés difficiles ou simplement redécouverts grâce au travail des éditeurs DVD. Comme tout chef d'œuvre, leur modernité est inaltérable parce qu'ils bravent le temps.

lundi 15 mai 2023

Cinq films exceptionnels de Stéphane Breton


On a beau avoir des connaissances, des pressentiments, des a priori positifs, des antipathies profondes, des goûts éclectiques, sait-on jamais d'où viendra la surprise, l'émotion qui vous chamboule et remet les pendules à l'heure ?
Dans l'après-midi nous nous étions ennuyés ferme en regardant Nénette de Nicolas Philibert, soit les commentaires des visiteurs devant la vitrine du zoo du Jardin des Plantes derrière laquelle une vieille orang-outang de quarante ans fait la moue. Les compléments de programme (La nuit tombe sur la ménagerie et La projection du documentaire à Nénette) relèvent de la même absence de point de vue que le film. C'est tourné sans grâce, monté sans raison, relaté par la presse parce qu'il est convenu d'apprécier le travail du palmé, sélectionné par les festivals avec toujours la même paresse, absence de curiosité et perte de l'essentiel. On aurait pu imaginer que l'animal renverrait au regard des autres, que les visiteurs feraient les singes et que Nénette interrogerait notre humanité, que nenni ! Dans le documentaire les sujets cachent souvent le style, cette affaire de morale, ou son absence, alors qu'en fiction le public reconnaît très bien la différence entre une machine à faire des entrées et un film d'auteur.
Le soir tombé, comme j'attendais mes invitées, j'ai glissé dans le tiroir du lecteur un DVD qui ne me disait rien. Entendre que je n'avais aucun préjugé, qu'il aurait pu aller rejoindre la masse des usurpateurs sur mes étagères comme générer l'étonnement, recherché trop souvent en vain. L'accroche disait que cela se passait dans les plis et les ourlets du monde, dans ces endroits où l'on ne va jamais, et revendiquait l'absence quasi-totale de voix off, assez pour m'intriguer.


Et soudain, dès la première image, on sait que l'on est en face d'un grand film ! La vitre qui s'interposait entre le sujet et l'objet explose pour laisser la place au dialogue. Plus on avance dans les montagnes de Nouvelle-Guinée plus on est subjugué par le ton du commentateur, pas de voix off en effet, mais un cameraman hors-champ dont l'objectif ne triche jamais en faisant semblant de ne pas exister comme dans la plupart des films du genre, Jean Rouch compris. Stéphane Breton dirige la collection dont fait partie le coffret L'usage du monde vol. 2 réunissant cinq films qu'il a tournés, aussi exceptionnels les uns que les autres. Cet ethnologue, commissaire au musée du quai Branly, ne cherche pas la différence chez les peuples qu'il filme, mais où nous sommes et, par extension, qui nous sommes, lui le premier, retournant sur les lieux de ses crimes, année après année.
Eux et moi (2001) est aussi drôle qu'une comédie burlesque tant Stéphane Breton sait prendre le temps qu'il faut pour apprivoiser ses sujets. Sa complicité est telle que l'on se demande si tous les documentaires du genre que l'on a vus jusqu'ici n'étaient pas en fait chargés malgré eux d'une certaine forme de racisme ou de colonialisme, un ostracisme bienveillant. Sa caméra est un médium qui dresse un pont entre eux et nous, fuyant tout exotisme. Les sous-titres qui traduisent du papou ne cherchent pas arrondir les angles, ils piquent comme des flèches. Peinant à approcher ces hommes d'un autre monde, Breton tente d'éveiller leur curiosité en les attirant sur son terrain pour constater qu'ils sont du nôtre et réciproquement ! En renversant les rôles il ouvre une brèche qui va lui permettre de pointer ce qui tient de l'humain quelle que soit notre histoire, jusque dans la nuit des temps.
Son second film, Le ciel dans un jardin (2003), qu'il sait le dernier car le gouvernement indonésien ferme désormais ces territoires aux étrangers, est plus nostalgique, mais on rit tout autant avec les femmes et les hommes de cette tribu qui ont souvent le sourire aux lèvres. En 2007, à partir de ses nombreux voyages chez ses amis Wodani, Breton effectue un montage d'images fixes noir et blanc dont le grain produit un effet magique, Nuages apportant la nuit, composant une sorte de poème symphonique sur des musiques pré-existantes de Karol Beffa, un conte mystérieux et féérique où l'auteur se laisse aller à la rêverie comme une écriture automatique qui dicterait la succession des plans. Un tout petit bémol : pourquoi avoir ajouté de la musique classique, redondante et inutile, en deux courts endroits des autres films ?
Un été silencieux (2005) ne comporte aucun commentaire. Le conflit entre le patron et son employé tourne à la tragédie. Filmant l'estive des troupeaux kirghizes dans les Monts Tian Shan, près de la Chine, Breton suit les disputes des bergers où l'orgueil des mâles fait irrémédiablement monter le ton. On se fait tout petit.


Rentré chez lui et et filmant les rues de Paris comme Le Monde extérieur (2007), l'ethnologue-cinéaste montre à quel point son regard est précis et acéré. Les cadres sont justes, la partition sonore aussi riche que l'on puisse le souhaiter, d'ailleurs souvent post-synchronisée. Breton filme les gens et leurs traces en cherchant le trou par lequel s'écoule le trop-plein. Le monologue s'adresse à son ami des montagnes de Nouvelle Guinée, comme s'il regardait avec ses yeux. De film en film la comparaison est fatale.
Si vous aimez les documentaires, [...] cherchez [...] ce double DVD [qui ne semble plus distribué. C'étaient] les plus beaux, les plus drôles, les plus bouleversants que [j'avais] vus depuis longtemps. En filmant "ailleurs", dans des endroits où ne vont pas les touristes, avec un goût du détail invraisemblable, Stéphane Breton réfléchit mieux qu'un miroir. Il révèle que les choses ne sont pas comme elles sont, mais comme nous ne voulons pas les voir. [Quelques années plus tard j'ai vu d'autres films de lui qui m'ont beaucoup moins plu, et sa rencontre fut décevante, allez savoir...]


Pour plus d'information, [...] entretien radiophonique pour Télérama.

Article du 18 février 2011

jeudi 11 mai 2023

Cochon qui s'en dédit


Cochon qui s'en dédit est un film gore si j'en juge par la définition qu'en donne le Petit Robert, « qui suscite l'épouvante par le sang abondamment versé ». Il ajoute « La drôlerie du gore vient de l'excès ». Le film est infesté de gorets à en vampiriser le jeune éleveur breton enfoncé dans un cauchemar de productivité dont les cadences infernales le mènent forcément à la catastrophe. L'allégorie porcine renvoie à l'aliénation de l'homme dans la société industrielle qui l'aspire dans une spirale où règne la confusion jusqu'à lui faire perdre ses repères. Il finit par faire corps avec la machine qui le broie, avec ses bêtes qu'il nourrit et saille dans un cycle pasolinien où le sexe et la merde finissent par tout submerger. En compléments de programme de ce remarquable DVD Jean-Louis Le Tacon filme L'homme-cochon, 20 ans plus tard dans les ruines de la porcherie avant que le cancer ne l'emporte. Un atelier pédagogique à l'EESI de Poitiers avec Patrick Leboutte lui permet de revenir sur sa démarche, empruntée à Jean Rouch, ici plus ethnographie partagée que cinéma-vérité au vu des libertés qu'il s'octroie en filmant en Super 8 l'éleveur qu'il aide activement pour le rembourser du temps qu'il lui vole avec son tournage. Cochon qui s'en dédit participe pleinement à la collection éditée par les Éditions Montparnasse [actuellement 10€ !] qui ont déjà publié de passionnants coffrets sur le cinéma militant de mai 68, mais, par cette folie qu'il mit en scène en 1980, dépasse l'imaginable pour atteindre à la banalité cruelle de ce qu'est devenue notre époque. En comparaison, ses Bretonneries pour Kodachrome représentent une satire gentillette des us et coutumes folkloriques de la Bretagne. Le Tacon montre une forte compassion pour les sujets qu'il filme de la manière la plus critique. N'empêche que les images démentes, réelles ou fantasmées, resteront longtemps gravées dans notre mémoire comme autant de signes terribles de ce qu'a pu produire l'absurdité économique et sociale du capitalisme.

Article du 3 février 2011

mardi 2 mai 2023

Zhang Yimou enfonce le clou


J'ai beau avoir tenu les 2h38 du nouveau film de Zhang Yimou et lu ensuite plusieurs résumés je n'ai pas compris grand chose à ce labyrinthe de trahisons à tiroirs. Mais peut-être me manque-t-il les connaissances historiques ? Comme pour Everything Everywhere All at Once dont Sonia me dit qu'il est truffé de références au Bouddhisme qui rendent le film particulièrement drôle, ce qui m'échappe. Full River Red est une sorte de peplum chinois dont la majorité des scènes sont plutôt intimistes, sorte de thriller humoristique à l'ère de la dynastie des Song du sud (1127–1279). L'intrigue se passe quatre ans après la mort du général Yue Fei, suite à la trahison du premier ministre Qin Hui qui ne semble pas en être resté là. Ce n'est donc pas ce qui m'a le plus intéressé dans ce flux un peu indigeste et répétitif, pas plus que la propagande sous-jacente concernant Taïwan, sujet épineux et bombe à retardement, mais l'utilisation du son dans certaines scènes. Le film se termine explicitement sur le célèbre poème Man Jiang Hong souvent attribué à Yue Fei : « Ce n’est qu’en récupérant les territoires perdus que nous répondrons à la demande du peuple ». Effet plaqué, mais résumant bien le film qui évoque essentiellement la loyauté et la trahison.


L'utilisation des instruments de percussion de l'orchestre traditionnel chinois m'a par contre énormément plu, voire m'a donné des idées ou les a confortées. Ils soulignent ou remplacent des bruitages au point de composer une sorte de musique varésienne aux timbres riches et variés. Les intermèdes récurrents accompagnant les déambulations dans le corridor extérieur sont particulièrement épatants, un rap chinois hystérique hurlé dans une haute tessiture, soutenu par les percussions, une basse électrique et, de temps en temps, des instruments traditionnels à cordes. En dehors de ça ce n'est certes pas le meilleur film du réalisateur des films à grand spectacle que sont Épouses et concubines, Hero ou Le secret des poignards volants...