70 Cinéma & DVD - avril 2016 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mardi 19 avril 2016

Meet The Patels, une comédie documentaire


Les bonnes comédies sont rares. Les bons documentaires aussi. Les bonnes comédies documentaires, n'en parlons pas. Ou plutôt si, parlons de Meet the Patels, Prix du Public dans différents festivals dont celui de Los Angeles. Les parents de Ravi V. Patel, il a bientôt trente ans, souhaitent qu'il se marie, mais à une Patel (les Patel en Inde ce sont les Smith aux USA), du moins à une indienne, hindoue comme lui. Sa sœur, Geeta V. Patel tient la caméra. Le film, tourné volontairement chaotiquement, bénéficie d'un montage extrêmement soigné et d'une mise en scène astucieuse où nombreux passages sont en dessins animés. Le personnage de Ravi rappelle Woody Allen ou Albert Brooks, version indienne, sauf qu'il a grandi à Los Angeles. L'humour, omniprésent, n'efface pas les contradictions culturelles et communautaires, bien au contraire, il leur tord le cou avec une sensibilité bienveillante.


Les coutumes doivent faire face aux migrations. Les ségrégations cèdent devant les mœurs du pays d'accueil. La famille passe à la question. C'est un peu The Wedding Banquet (Salé Sucré) d'Ang Lee, façon Indian cooking avec l'ambiguïté d'un documentaire extrêmement dirigé. Portrait croisé de l'Inde et des USA, des nouvelles générations qui tentent de préserver leur culture en adoptant celle de leur nouveau pays, Meet the Patels soulève les questions de la fidélité et du mensonge, du désir et de son inaccessibilité, de la famille et de son affranchissement.

Disponible sur Netflix avec sous-titres français. Pas de sortie prévue en salles ? On se demande comment les distributeurs font leur travail...

mercredi 13 avril 2016

Les plus belles années de notre vie / La septième victime


J'ai groupé ces deux films parce que l'un et l'autre m'avaient échappé alors que Jonathan Rosenbaum ne cesse de souligner leur intérêt. Comme je suis avec assiduité son blog qui rassemble critiques anciennes et récentes j'ai fini par regarder The Best Years of Our Lives (Les plus belles années de notre vie) de William Wyler (1946) et The Seventh Victim (La septième victime) de Mark Robson (1943). Affublé de ses sept Oscars le premier reçut un succès populaire phénoménal, classé parmi les 100 meilleurs films américains par l'American Film Institute tandis que le second est passé plutôt inaperçu bien que Rosenbaum le classe 27ème de son Panthéon et le seul film d'épouvante de ses cent préférés. Les deux sous-entendent des mœurs ou des idées plutôt rares dans le cinéma américain des années 40


The Best Years of Our Lives (Les plus belles années de notre vie) raconte la difficulté de se réinsérer dans la société civile pour trois anciens combattants du Pacifique. Ce thème sera plus tard souvent traité avec les vétérans du Vietnam, mais Rosenbaum l'encense plus qu'aucun autre. À côté du travail de Gregg Toland sur la profondeur de champ, les trois heures du film soulignent l'humanité profonde des personnages servie par un jeu d'acteurs formidable, en particulier Dana Andrews et Harold Russell, comédien non-professionnel handicapé des deux mains. Ici et là le doute s'installe sur l'American Way of Life et des idées pacifiques pointent à une époque où l'on n'y risquait pas encore d'être accusé de communisme.


J'imagine que c'est l'incroyable mélange de genres qui plaît à Rosenbaum dans The Seventh Victim (La septième victime). Enquête policière, film d'épouvante, complot ésotérique, ce court long métrage de 71 minutes effleure également l'homosexualité féminine. Dans certaines scènes Jacques Tourneur n'est pas loin. Le scénario auquel beaucoup de spectateurs n'ont rien compris ressemble à un collage où la psychanalyse met le pied dans la porte...


S'il y en avait sept et un secret derrière on pourrait aussi penser au Barbe-Bleue de Lang retourné comme une chaussette. Même le titre nous oblige à compter sur nos doigts à un moment inattendu. Allant de surprise en surprise, d'énigme en suggestion, l'asile d'aliénés où nous évoluons est une ouverture vers le rêve, évocation cinématographique de nos interrogations métaphysiques.

N.B.: Les deux films sont trouvables en DVD. La septième victime est aussi sur Vimeo, mais sans sous-titres.

dimanche 3 avril 2016

Jonathan Rosenbaum sur "Baiser d'encre"


Le plus exquis de "Baiser d'encre", le nouveau film de Françoise Romand (DVD multizone disponible sur romand.org avec bonus et sous-titres anglais, français et espagnols), est comment le travail et la vie d’Ella et Pitr, un couple d’artistes hippie très inspiré qui «peint leur amour et leurs fantasmes sur les murs du monde" (leur propre site web ellapitr.com est là pour le prouver, vous pouvez en apprécier les effets), ont poussé un autre couple - Romand elle-même à l’image et Jean-Jacques Birgé au son - à développer une quantité égale de fantaisie critique pour nous les faire connaître. Le site web de Romand présente la bande-annonce ainsi qu'un lien vers un livre éponyme du couple filmé que je n'ai pas encore vu.
Jonathan Rosenbaum, Cinema Scope #66, Mars 2016
Global Discoveries on DVD: Niche Market Refugees

Depuis six ans je n'écris en général plus le week-end, mais si c'est pour laisser la parole à Jonathan Rosenbaum dont le blog est le seul consacré au cinéma que je suis régulièrement, alors... D'autant qu'il a l'oreille de me citer pour la partition sonore aux petits oignons que j'ai composée pour Françoise avec le soutien de la chanteuse danoise Birgitte Lyregaard, du multi-instrumentiste Sacha Gattino, du saxophoniste Antonin-Tri Hoang, du violoncelliste Vincent Segal, de l'ici-contrebassiste Hélène Sage et du batteur Edward Perraud ! Je n'aurais jamais assumé ce rôle où les bruits, la musique et les voix participent d'un même ensemble sans Aimé Agnel et Michel Fano qui m'apprirent à écouter lors de mes études à l'Idhec au début des années 70. Pendant que j'y suis je salue la mémoire de Frank Zappa qui déclencha ma passion pour la musique, Jean-André Fieschi qui me donna les moyens de continuer à apprendre jusqu'à aujourd'hui et Bernard Vitet qui, entre autres, m'enseigna le silence... On dirait que je répète un discours à une remise de prix, mais si cela se produisait encore, je crois que mon intervention serait autrement plus politique, en particulier pour affirmer que sans le statut d'intermittent je n'aurais jamais eu la liberté de faire ce qui me chante en toute indépendance.