70 Cinéma & DVD - novembre 2022 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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lundi 28 novembre 2022

La comtesse aux pieds nus / Sans filtre / Pasolini a 100 ans


Je ne me souviens pas avoir jamais vu La Comtesse aux pieds nus. Il aura donc fallu que Carlotta publie un de ses superbes coffrets Ultra Collector pour réparer cette lacune. Le film de Joseph L. Mankiewicz est une sorte de jeu de miroirs morbide où Humphrey Bogart tient le rôle du réalisateur-scénariste et Ava Gardner celui de la star glamour, Cendrillon perdue dans un monde qui n'est pas le sien. Le film commence sous une pluie battante, par l'enterrement de la diva, dans un petit cimetière italien où l'on reviendra après que chacun des principaux protagonistes ait tour à tour évoqué sa rencontre avec l'Espagnole Maria Vargas devenue l'égérie hollywoodienne Maria d'Amata, et plus tard la comtesse Torlato-Favrini, mais toujours sans chaussures comme elle vivait déjà dans le petit faubourg madrilène où elle a grandi. On ne peut s'empêcher de penser à Sunset Boulevard (Boulevard du crépuscule) de Billy Wilder sorti quatre ans plus tôt, en 1950. La machine broyeuse du star system convient au mélodrame où l'intimité des personnages n'est que faussement dévoilée. Le cynisme rivalise avec l'inéluctabilité, la fragilité avec l'acuité analytique. Les nouveaux riches à l'inculture crasse et l'aristocratie fin de race en prennent pour leur grade. Mankiewicz réussit un film à l'os, sans fioritures, cruel.


Un demi-siècle de cinématographie plus tard, le réalisateur de Snow Therapy et The Square ne fait pas dans la dentelle. La veille j'avais donc regardé Sans filtre (Triangle of Sadness) de Ruben Östlund, dernière palme d'or cannoise sujette à polémiques. J'ai adoré sa morgue buñuélienne, avec, comme dans tous ses films, la lâcheté comme moteur de l'inaction. S'il taille un costard piteux aux riches, c'est aux rapports de pouvoir qu'il s'attaque. Les sachant contagieux, il guette le moment révolutionnaire qui fera basculer les certitudes. J'ai beaucoup ri à cette farce macabre.


Pendant que j'y suis et pensant aux cadeaux de Noël qui ne sont heureusement plus d'actualité dans ma famille, sauf pour les petits, je tiens à signaler la sortie du gros coffret Pasolini a 100 ans, toujours chez Carlotta. Parmi les 9 films il y a mes préférés, La Ricotta, Uccellacci e uccellini (Des oiseaux petits et gros) et, parmi les suppléments, Cinéastes de notre temps : Pasolini l'enragé, dans sa version complète de 98 minutes, réalisé par Jean-André Fieschi. Mais les autres films, restaurés en 4K, 2K ou HD, sont tout autant indispensables. Je regrette seulement que ne figurent pas La sequenza del fiore di carta (La séquence de la fleur en papier) extrait de Amore e rabbia et surtout Que cosa sono le nuvole ? (Qu'est-ce que les nuages ?) extrait de Caprice à l'talienne, ce qui m'aurait permis de me débarrasser de mon vieux coffret DVD. La prochaine fois, ajoutez aussi un troisième fabuleux court métrage, La Terre vue de la lune ! J'avoue que le tandem Toto/Ninetto me fait fondre.

→ Joseph L. Mankiewicz, La Comtesse aux pieds nus, coffret Ultra Collector Blu-ray + DVD + Livre, Carlotta, ed. limitée et numérotée à 2000 ex., 53€ (sans le livre, DVD ou Blu-Ray 20€). Le livre, fortement illustré et commenté par de nombreux contributeurs, est passionnant !
→ Pier Paolo Pasolini, en 9 films : Accatone, Mamma Roma, La Ricotta, L'Évangile selon Saint Matthieu, Enquête sur la sexualité, Des oiseaux petits et gros, Œdipe Roi, Médée, Carnet pour une Orestie africaine, 6 Blu-Ray Carlotta, 75€
→ Ruben Östlund, Sans filtre, DVD M6/Warner, à paraître le 26 janvier 2023

vendredi 25 novembre 2022

La sauvagerie de l'œil


[...] The Savage Eye, écrit, produit, réalisé et monté par Ben Maddow, Sidney Meyers et Joseph Strick est tout simplement un chef d'œuvre. Je n'en avais jamais entendu parler avant que l'éditeur Carlotta ne m'envoie copie du DVD [...], mais il est si rassurant de penser qu'il existe encore des joyaux dont nous ignorons l'existence. Dès le début du film, je suis happé par les deux voix off dialoguant dans la tête de la comédienne qui traverse ce "documentaire théâtralisé" et par la musique de Leonard Rosenman. J'hésite entre Varèse et Schönberg avant d'apprendre qu'il fut l'élève du second ainsi que de Sessions et Dallapiccola. La partition qui ressemble à un oratorio moderne où la voix masculine tient le rôle de l'ange, la conscience de l'héroïne, son double, son fantôme, préfigure Frank Zappa. Pour chaque collaborateur de cet ovni du cinéma indépendant américain, je suis obligé d'aller jeter un œil sur Wikipédia où je trouve des liens étonnants sur chacun. La monteuse son est Verna Fields, les opérateurs Haskell Wexler, Helen Levitt et Jack Couffer. Je les cite tous parce qu'il paraît évident que tous se sont investis corps et âme ou que Strick a réuni un casting de rêve : [Ben Maddow fut le scénariste d'Asphalt Jungle et Johnny Guitare avant de réaliser sous pseudo des docus d'extrême gauche en plein maccarthysme ; Sidney Meyers monta Film de Beckett, tandis que Joseph Strick, après avoir été nominé pour une adaptation d'Ulysse de Joyce, remporta l'Oscar du meilleur documentaire en 1971 avec un film coup de poing retraçant en interviews le massacre de My Lai, Interviews with My Lai Veterans, présent sur le DVD...] extrait biographique emprunté à Chronicart.
Le tournage se déroula sur plusieurs années, souvent pendant les week-ends. L'image est à couper le souffle, se passant de commentaire pour faire éclater en pleine figure le réel dont j'aime rappeler l'impossibilité. Dans l'un des excellents bonus (que Carlotta soigne mieux que n'importe quel autre éditeur français), Strick fustige les textes qui imposent au spectateur ce qu'il doit penser ; il suggère que dans un documentaire le commentaire pourrait être chanté, dialogué ou constituer une cacophonie, n'importe quoi plutôt qu'incarner la voix du tout puissant dictant au public une univoque manière de voir. The Savage Eye est un film expérimental qui se découvre au fur et à mesure qu'il fut tourné et monté, et qu'il sera vu et entendu, un poème symphonique en noir et blanc sur l'Amérique des années 50, violente et pitoyable, un cut-up dû à Myers swinguant mieux encore que ne le fera Shadows, un texte explosé et corrosif, le regard noir d'une femme divorcée et dépitée se baptisant elle-même Judith Ex et débarquant en avion à Los Angeles, avec ses matchs de catch où la caméra s'attarde sur le public, ses rombières en cure de beauté, ses stripteaseuses inventées par les hommes, ses brebis en larmes aux mains d'un prêcheur en action... Confronté à la beauté des images, à son contrepoint sonore, à l'intelligence des mots dits, à la sensibilité du montage, on pressent que rien n'a probablement vraiment changé depuis 1959. Tout juste peut-on transposer les cadres, pas les mœurs. Car persiste la question du statut des femmes dans notre civilisation... N'obéissant à aucun genre existant, ni fiction ni documentaire, ce film justifie le terme de 7ème Art où rien n'est prévisible et tout a un goût d'éternité. Mortel !

Article du 29 mars 2010

mercredi 23 novembre 2022

Résurrections


Le film réalisé par Serge Bromberg et Ruxandra Medrea à partir des essais et des plans tournés par Henri-Georges Clouzot pour son film inachevé L'enfer joue de la frustration comme Cet obscur objet du désir. C'est l'histoire d'une jalousie. Le duel finira en cauchemar par la mort de l'objet, incarné par Romy Schneider et par le film lui-même fantasmé par son démiurge, mais aussi par celle du sujet, infarctus du réalisateur quelques jours après la désertion de son principal acteur Serge Reggiani atteint de la fièvre de Malte ou d'une dépression. Le film s'arrête là. Clouzot tournera encore la cinquième symphonie de Beethoven et le Requiem de Verdi avec Karajan, puis La prisonnière... À cheval entre making of et film expérimental, le document exceptionnel, édité en DVD par mk2 sous le titre L'enfer d'Henri-Georges Clouzot, oscille sans cesse entre la fiction ébauchée et un documentaire s'interrogeant sur les raisons de son échec. Le résultat est aussi excitant que frustrant. L'enquête s'appuyant sur les témoignages de protagonistes de l'époque est classique et bien faite tandis que les extraits laissent penser que Clouzot aurait pu signer un chef d'œuvre. Si le jeu des comédiens et le montage du film avaient obéi aux mêmes lois psychédéliques du délire généré par la jalousie comme ces effets cinétiques et colorés sur le visage de Romy Schneider ou la pixélisation sonore réalisée par l'ingénieur du son Jean-Louis Ducarme et le compositeur Gilbert Amy, alors on peut rêver d'un film qui n'aurait ressemblé à rien de connu. Mais le sort en a décidé autrement.


Jusqu'où faut-il savoir aller trop loin ? se demandait Cocteau. Tout avait commencé comme un rêve, budget illimité et un scénario basique offrant une liberté plastique où l'expérimentation n'avait plus de limites. La rigueur de Clouzot se retourna contre lui. Ses méthodes de direction brutales firent s'enfuir Reggiani, l'absence d'interlocuteur à la production engendra le gâchis, la profusion du matériel tourné entraîna l'alchimiste dans un tourbillon, comme le jaloux du scénario, jusqu'à la catastrophe. Romy Schneider n'a jamais été aussi belle, les contrariétés de Reggiani servent son personnage, tous les acteurs sont à leur place, la scène où le jeune Bernard Stora, alors stagiaire, court jusqu'à l'épuisement est très émouvante et la musique originale de Bruno Alexiu donne à la reconstitution le ton de 1964 quand Clouzot, brocardé par la Nouvelle Vague comme le reste de la "qualité française", espéra révolutionner le cinéma.


Certains films n'auront jamais existé que dans l'imagination de cinéastes aujourd'hui disparus. D'autres réapparaissent quand on les croyait perdus. Il existe probablement des boîtes rondes en métal dans un grenier ou encore un archiviste pour vérifier ce qu'il y a tout en haut de ces étagères...
En 2008, on a bien retrouvé une copie complète de Metropolis au Musée du Cinéma de Buenos Aires, 25 minutes des scènes manquantes et l'ordre des séquences dans le montage d'origine de ce chef d'œuvre du 7e art, même si le film de Fritz Lang développe une idéologie douteuse, critiquée par le réalisateur lui-même. Dès 1927, Lang ne pouvait plus cautionner les penchants nazis de sa femme Thea von Harbou, scénariste du film, dont il divorcera en 1933 en fuyant l'Allemagne. La nouvelle copie de 145 minutes a été projetée simultanément au Festival de Berlin et sur Arte, accompagnée par un orchestre symphonique jouant la partition originale composée par Gottfried Huppertz.


Ou encore... D'Invasión de l'Argentin Hugo Santiago je ne connaissais que la musique d'Edgardo Cantón. Réalisé en 1969, le film dont les co-scénaristes ne sont autres que Jose Luis Borges et Adolfo Bioy Casares, fut interdit en 1974 et huit bobines de son négatif original volées. Restauré en 2000, ce film qui ne ressemble à nul autre [était ressorti] en DVD hors circuit traditionnel. Dans un magnifique noir et blanc extrêmement contrasté, l'intrigue énigmatique est une politique-fiction où un petit groupe d'hommes défendant une ville assiégée tombent les uns après les autres, chacun dans des circonstances liées à sa personnalité. Le tango le plus noir accompagne cette tragédie à mi-chemin entre l'Antiquité et un futur déjà passé, puisque ses auteurs n'imaginaient pas qu'ils anticipaient sur l'Histoire. On peut sentir son influence sur Out 1 que Jacques Rivette tourna peu après ou sur les films de Raúl Ruiz. Il faut aimer s'y perdre.

Article du 25 mars 2010

dimanche 20 novembre 2022

Jean-Marie Straub a rejoint Danièle Huillet


Jean-Marie Straub est parti retrouver Danièle Huillet. Je n'avais jamais imaginé l'un/e sans l'autre. Il avait pourtant continué seul. Je me souviendrai toujours des jours et des nuits passés avec eux et Jean-André Fieschi lorsque j'étais jeune homme... Restent les films, heureusement ! Pour un musicien c'est énorme. Tristesse.

mardi 15 novembre 2022

Séries policières du monde entier


Il y en eut, il y en a, il y en aura beaucoup d'autres, mais j'ai récemment picoré quelques séries télé relativement récentes, communément appelées thrillers. Si elles obéissent souvent à des règles communes de suspense et de plongée sociale, elles permettent d'approcher des cultures différentes. Par exemple Tokyo Vice m'a semblé très proche de ce que j'avais vécu au Japon, en termes de relations humaines, sans que mon séjour ait quoi que ce soit à voir avec le banditisme ! En tout cas, plus juste que l'ennuyeux Lost in Translation d'il y a vingt ans... Octobre (Kastanjemanden) est dans la lignée des palpitants serial killers danois comme The Bridge (Bron) ou The Killing. Que Don't Leave Me (Non mi lasciare), réalisé par les auteurs de Gomorra et ZeroZeroZero, se passe dans une Venise déserte m'attirait, mais sa lenteur et son mélo m'ont vite ennuyé. J'ai préféré Dogs of Berlin qui oppose mafia turque et néo-nazis en Allemagne, même si on retrouve comme presque partout des ressorts scénaristiques identiques. Mon préféré de cette petite sélection tirée de la liste Télérama des 302 séries produites par Netflix (accessible uniquement pour les abonnés) est Le Seigneur de Bombay (Sacred Games) réalisé par Anurag Kashyap (auteur du chef d'œuvre Gangs of Wasseypur, ainsi que de Dev.D et Ugly que j'avais tous les trois chroniqués) et Vikramaditya Motwane (Udaan). Impossible de prendre le temps de développer mon article et de binge-watcher (visionnage boulimique) ces projections chronophages. Juste quelques suggestions parmi l'offre pléthorique et leurs bandes-annonces.











P.S.: Ce n'est pas tout ça, je reprends les enregistrements du disque rock sur lequel Nicolas Chedmail et Fred Mainçon travaillent depuis plusieurs années ! Aux morceaux bien chargés et totalement azimutés nous devons en ajouter quelques uns plus sobres comme ce morceau sur la lenteur ou La preuve est dans le poudingue qui pourrait donner son nom au groupe...

mardi 8 novembre 2022

19 courts métrages de la Nouvelle Vague


Dans 24 heures de la vie d'un clown la voix off de Jean-Pierre Melville rappelle les effets de Sacha Guitry doublant ses comédiens, enregistrés muets dans leur quotidien, alors que le son est présent sur la piste, probablement resynchronisé. Mais ici le sujet du film que le cinéaste réalise et produit lui-même en 1946, un an avant Le silence de la mer, est le clown Béby revenant sur ses souvenirs. Ce n'est pas encore la Nouvelle Vague, pas plus que Van Gogh ou Guernica d'Alain Resnais offerts en bonus, mais il la préfigure. Il faut bien des pères à ces jeunes cinéastes que Françoise Giroud rassemblera malgré eux en 1958 sous le terme de Nouvelle Vague. La fiction s'invite explicitement dans ce documentaire. On comprend que le cinéma vérité usurpe évidemment son nom. Dès qu'on pose une caméra et qu'on pratique le montage, il y a mise en scène. Ici le style est déjà melvillien.
Le générique du court métrage de Jacques Rivette, Le coup du berger, tourné en 1956, fait apparaître Jean-Claude Brialy, acteur fétiche de la bande, coscénaristes Claude Chabrol producteur délégué et Charles Bitsch qui signe les images, Jean-Marie Straub assistant-réalisateur ! Mais c'est surtout la renaissance du producteur Pierre Braunberger qui lancera tous ces "Jeunes Turcs" des Cahiers du Cinéma. Dès 1927 il produit Alberto Cavalcanti et les premiers films de Jean Renoir, fait tourner son cousin François Reichenbach, présent dans ce double DVD avec l'étonnant À la mémoire du rock, témoignage d'une époque (1962, foules de jeunes en délire avec Eddy Mitchell, Vince Taylor et Johnny Hallyday, mais aussi d'intéressants décalages musicaux avec Boccherini !) et Le petit café (1963), mais aussi Truffaut, Godard, Rouch, etc. Je me souviens de lui à la fin de sa vie, c'était très émouvant de voir ce tout petit monsieur dont le visage était entièrement recouvert de poil blanc comme un oisillon tombé du nid et de penser qu'on lui doit La chienne, Partie de campagne, Tirez sur le pianiste, Cuba si, Vivre sa vie, Petit à petit, etc.
On retrouve Brialy dans deux autres vaudevilles, Tous les garçons s'appellent Patrick de Jean-Luc Godard, scénario Eric Rohmer et Une histoire d'eau que Godard cosigne avec Truffaut. La drague, très mal vue aujourd'hui, et les histoires d'alcôve travaillent ces jeunes cinéastes, pour la plupart des petits bourgeois qui rêvent de coucher avec des actrices. Ils ont condamné les vieux réalisateurs qui traitaient de sujets sociaux et certains, tel François Truffaut, reviendront même au classicisme qu'ils fustigeaient. La différence tient au style, tournage en extérieurs, dialogues enlevés voire improvisés, lumière naturelle, montage rock 'n roll, économie de moyens, complicité d'une jeunesse dorée de l'après-guerre qui veut s'amuser... Ces courts métrages leur permettent de faire leurs armes avant leurs premiers longs. Pour Charlotte et son Jules Godard double Jean-Paul Belmondo, monologue critiquement machiste inspiré par Le bel indifférent de Jean Cocteau.
En 1956 Alain Resnais possède déjà une maîtrise incroyable (c'est son vingt-et-unième court métrage) lorsqu'il filme la Bibliothèque nationale pour Toute la mémoire du monde sur un scénario de Rémo Forlani... Un chef d'œuvre. Lumière, angles et mouvements de la caméra, montage, choix du texte comme dans l'autre film présenté, une commande, Le chant du styrène, deux ans plus tard... Cette fois le commentaire, un hymne à la matière plastique tout en alexandrins, est de Raymond Queneau et la musique de Pierre Barbaud, inventeur de la musique algorithmique !
Musique jazz composée par André Hodeir pour le documentaire plus classique Ô saisons, ô châteaux d'Agnès Varda qui, contrairement aux autres a déjà réalisé un long métrage, La pointe courte, probablement le premier film de la Nouvelle vague.
Plus original, commencé comme un documentaire, Les surmenés de Jacques Doniol-Valcroze, glisse d'abord vers la critique sociale par le texte, puis vire à la comédie avec Brialy et Jean-Pierre Cassel. À noter la musique de Georges Delerue, un habitué du groupe, entre électronique et jazz.
Bien qu'il ne se reconnaisse pas dans la Nouvelle Vague, mais produit par Braunberger, Maurice Pialat est représenté ici par deux courts métrages, L'amour existe, un très beau documentaire mélancolique sur la banlieue parisienne tourné en 1961, et l'année suivante Janine, sur un scénario de Claude Berri qui rappelle un peu Tous les garçons s'appellent Patrick, deux types évoquant la même fille sans savoir qu'ils parlent de la même. Musique de René Urtreger.
Dans Chanson de gestes de Guy Gilles on retrouve la poésie du quotidien propre à la Nouvelle Vague. Jeanne Barbillion fait partie des rares femmes qu'on a laissées réaliser ! Pour L'avatar botanique de mademoiselle Flora elle choisit Bernadette Lafont (dont je ne reconnais pas la voix), Raoul Coutard à la lumière, Michel Legrand et Jacques Loussier pour la musique, mais qui est le trompettiste ? Miles ?). Les tambours accompagnent les chants et danses de La goumbé des jeunes noceursJean Rouch tient la caméra à l'épaule. Pour la fiction Les veuves de quinze ans il a choisi les jazzmen Gérad Gustin et Luis Fuentes pour suivre deux petites bourgeoises yéyé. L’une est sérieuse, l’autre pas. Encore un film sur la jeunesse des années 60, avec la question du bonheur, sujet de Chronique d'un été quatre ans auparavant...
Deux versions de La sixième face du Pentagone, extraordinaire document réalisé en couleurs par Chris Marker et François Reichenbach, sont proposées. Française ou anglaise. Le film relate la marche sur le Pentagone organisée en octobre 1967 par la jeunesse américaine en opposition à la guerre du Viêt-Nam. Passionnant évidemment.
On termine avec La direction d'acteur par Jean Renoir où "le patron" donne une leçon magistrale à Gisèle Braunberger. Confronté à des comédiens, j'ai toujours suivi à la lettre les conseils de Renoir ! Indispensable.

19 courts métrages de la Nouvelle Vague, Double DVD Doriane, 6½ heures, avec un livret illustré de 16 pages rendant hommage au travail du producteur Pierre Braunberger, 25€, sortie le 14 novembre 2022