70 Cinéma & DVD - février 2009 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mardi 10 février 2009

Convoi de femmes

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Le titre original du film de William A. Wellman est Westward The Women, Les femmes en route vers l'Ouest. Tourné en 1951, il trouve sa source dans une aventure réelle un siècle plus tôt. Cet excitant western en noir et blanc est un des rares films féministes du genre, voire même tous genres confondus, ce qui explique peut-être sa confidentialité. On encense tant d'œuvres conventionnelles que la question se pose légitimement. Le scénario de Frank Capra, qui n'a pas pu le réaliser faute de temps, est d'une acuité exceptionnelle, fustigeant le machisme des cow-boys, des hommes qui n'ont rien de différent de l'homo sapiens qui court les rues de notre temps.


La sévérité du film lui confère une modernité inhabituelle pour l'époque où il fut tourné. Les ressorts dramatiques qui ne cessent de nous surprendre rivalisent avec un humour ravageur, dressant les portraits formidables des femmes qui composent le convoi. Cent quarante femmes traversent les Etats-Unis depuis Chicago pour aller épouser les célibataires d'un ranch à l'autre bout du pays. En conducteur de la caravane, Robert Taylor y tient un de ses meilleurs rôles avec celui de Party Girl (Traquenard) de Nicholas Ray, mais le casting recèle bien d'autres surprises comme sa bonne conscience interprétée par le Japonais Henry Nakamura ou la séduisante héroïne française Denise Darcel, sans compter tous les merveilleux portraits de femmes plus courageuses les unes que les autres. Convoi de femmes est un des meilleurs westerns de l'histoire du cinéma, un film qui mérite d'être redécouvert au même titre que les plus grands Capra.

mercredi 4 février 2009

Il Divo, pas vu pas pris


Je suis toujours sidéré par l'absence de jugeotte des professionnels de la critique qui ont l'art de passer à côté des œuvres qui sortent de leur ordinaire. Inféodés aux plans promo de l'industrie cinématographique américaine, les journalistes encensent des films plus stupides ou conventionnels les uns que les autres lorsqu'ils ne valorisent pas les plus ennuyeux sous prétexte que les images sont belles et les cadres "étudiés". On va nous pondre des pages sur les effets spéciaux ou le maquillage de Brad Pitt dans le dernier film de David Fincher, auteur de films fachos qui a déjà fait ses preuves, de quoi vous donner des Benjamin Button gros comme le bras, ou nous bourrer le mou avec les bons sentiments du dernier Clint Eastwood dont les ressorts de scénario sont cousus de fil rouge comme la plupart des films encensés, sans parler des films "du monde" qu'il est politiquement correct de défendre, mais dont ils semblent incapables de trier le bon grain de l'ivraie. Quand je pense que les Cahiers du Cinéma encensent ce mois-ci Z32 d'Avi Mograbi qui a eu l'idée de cacher le visage de ses protagonistes avec un masque numérique, occultant là son propos qui tourne laborieusement en boucle comme un disque rayé, j'en perds mon hébreu devant tant de lâcheté et d'esbroufe de pacotille ! On finirait pas croire que le cinéma n'accouche plus que de clones idiots issus de mariages industriels consanguins et de souvenirs pittoresques après avoir connu un âge d'or où les pépites brillaient au soleil à chaque parution de Pariscop. Les sorties en DVD rattrapent heureusement parfois les injustices faites aux meilleurs, devenus cultes par le décalage temporel qui les éloigne de leur exclusivité en salles et du ratage des annonces. À quoi sert la critique si ces professionnels gardent le nez collé à la vitre et défendent les mêmes films que le public irait voir de toute manière, attiré par la publicité dont nous inondent les services de communication, ou en contrepoint des maniérismes artificiels dignes d'universitaires pubères ignorant tout du cinéma expérimental ou des recherches apparues avec les nouveaux médias audiovisuels ? Cela devient tellement ennuyeux que je finirai par déserter les écrans au profit des pages, tout de même moins formatées.


Nous avons ainsi découvert par hasard un film italien que nous avons d'abord cru de l'engeance des esthètes à la plastique léchée, le genre qui cherche l'angle abracadabrant pourvu qu'il vous en fiche plein la vue. Mais le générique n'était pas encore terminé que l'on avait la puce à l'oreille. Le son ne ressemble déjà pas au sirop concertant pour piano et cordes. Les sous-titres qui parsèment le film et présentent succinctement les protagonistes semblent indiquer que ses deux heures ne sont que l'annonce d'une affaire beaucoup plus énorme que cette petite partie de l'iceberg émergée. Dans la première heure, sans l'aborder de front mais par petites touches intimes quasi buñuelliennes, Paolo Sorrentino réussit à faire le portrait de Giulio Andreotti, leader de la Démocratie Chrétienne italienne, sept fois président du Conseil, huit fois ministre de la Défense, cinq fois ministre des Affaires étrangères, deux fois ministre des Finances, du Budget et de l'Industrie, une fois ministre du Trésor, ministre de l'Intérieur et ministre des Politiques communautaires, sénateur depuis 1991, mais aussi probablement à l'origine de l'assassinat d'Aldo Moro par les Brigades Rouges, accusé d'être en relation avec des membres de Cosa Nostra, acquitté en première instance pour «faits non avérés» : la sentence d'appel émise en 2003 souligne qu'il a fait preuve «d'une disponibilité authentique, permanente et amicale envers les mafieux jusqu'au printemps 1980», délit prescrit par la suite. Andreotti a également été poursuivi pour le meurtre du journaliste Mino Pecorelli. Acquitté en 1999, il a été condamné à 24 ans de réclusion en appel en 2002, puis acquitté par la Cour de cassation en 2003. Actuellement, Giulio Andreotti est membre de la troisième commission permanente (Affaires étrangères, Émigration), de la commission spéciale pour la tutelle et la promotion des droits humains ; il est également membre de la délégation italienne à l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. On l'a suspecté d'être à la tête de la Loge P2 à laquelle appartenait d'ailleurs Silvio Berlusconi... Il Divo renouvelle le genre du film politique italien par son humour grinçant, une ironie permanente dont le réalisateur ne se dépare pas. Il construit un portrait attachant du monstre, interprété génialement par Toni Servillo, que la migraine permanente transforme en une sorte de Nosferatu monté sur roulettes. Ici les effets font sens, les ambigüités servent le sujet, les ellipses évoquent le secret et la manipulation. Par leur outrance plus proche du réel que le ton compassé des films français du genre ou les tics des blockbusters américains le jeu des acteurs rappelle Fellini et les "morceaux choisis" de la bande musicale accompagnent une chorégraphie meurtrière où l'on devine à peine les fils des marionnettes. Bien qu'il traite du pouvoir et des dessous de la politique comme on le voit rarement, Il Divo est un film onirique, le mauvais rêve que traverse l'Italie.

dimanche 1 février 2009

Cinéphiles, passez votre chemin


Pour les fadas de l'achat en ligne petite revue de DVD et pour les adeptes des sorties en salles des notes très succinctes sur des films récents, essentiellement des blockbusters de l'industrie cinématographique américaine dont nombreux ne sont pas encore sortis en France. Cinéphiles, passez votre chemin, c'est l'industrie lourde pour les soirs où l'on a envie de faire le vide. Lot de consolation, deux coffrets DVD qui enchanteront les rats de cinémathèque :

  • Touch of Evil (La soif du mal), édition définitive comportant trois versions du film d'Orson Welles, d'abord tel que sorti en 1958, une version améliorée de 1976 et enfin celle restaurée en 1998, le tout agrémenté d'une réplique du mémo de 58 pages que Welles rédigea à l'intention d'Universal lorsqu'il découvrit la version tronquée de 1958, plus les précieux commentaires de Charlton Heston, Janet Leigh, Rick Schmidlin, F.X. Feeney, Jonathan Rosenbaum, James Naremore selon les versions (2 DVD Zone 1 pour ce 50e anniversaire)...
  • Coffret de cinq films mexicains de Luis Buñuel, pas encore vus, mais j'en garde un bon souvenir du temps de mes études à l'Idhec, mélodrames avec quelques clins d'œil du maître, très intéressants même si c'est sa période la moins excitante... Ce ne sont ni Los Olvidados, ni El ou L'ange exterminateur... Juste Le grand noceur, Don Quintin l'Amer, La montée au ciel, On a volé un tram, Le rio de la mort, je me réjouis néanmoins d'avoir rentré ces biscuits pour la fin de l'hiver !
  • Le reste en cliquant sur la rubrique "Cinéma & DVD" dans la colonne de droite, puisque j'ai déjà évoqué les meilleurs...

Voici donc des blockbusters plus ou moins récents, en vrac et sans ne jamais rien révéler des scénarios, des fois que vous soyez tout de même tentés, malgré mes notes expéditives à l'emporte-pièce (une fois n'est pas coutume) :

  • Slumdog Millionnaire, film anglais accumulant tout ce qu'il faut pour récolter une moisson de prix, mix de critique de mœurs, de trépidation moderne et de bouquet floral à la Bollywood, misère et épanouissement...
  • The Reader (Le liseur), belle histoire, très tendre malgré son interrogation essentielle sur la barbarie. J'ai pleuré... Le film du britannique Stephen Daldry me rappelle un amour de jeunesse qui ne s'est heureusement pas terminé ainsi. Kate Winslet y est nettement plus intéressante que dans le film paresseux de Sam Mendes, Revolutionary Road (Les noces rebelles) avec Di Caprio, un genre de "Desesperate Housewife" aux ressorts trop attendus... L'un et l'autre ont valu à l'actrice un Golden Globe.
  • Un autre joli film est The Secret Life of Bees (Le secret des abeilles) avec Queen Latifah, Alicia Keys et la jeune Dakota Falling. Dommage que, comme d'habitude, la musique mielleuse banalise les émotions qui n'en ont nullement besoin.
  • Milk est l'intéressante biographie d'Harvey Milk, premier homme politique ouvertement gay à se faire élire en 1978, hélas assassiné, mais la réalisation est bien plan-plan pour du Gus van Sant. L'interprétation de Sean Penn est époustouflante.
  • Gomorra, le film de l'italien Matteo Garrone est beaucoup mieux que je ne le craignais, à voir, oui oui, même si j'ai déjà tout oublié.
  • Cloverfield, grande mode des films à gros budget simulant un tournage amateur tels Rec, des bouts de Redacted, etc. Bon film d'action, mais le scénario est quasi inexistant, style course poursuite et voilà ! J'aime bien le monstre.
  • Gran Torino, le dernier film réalisé par Clint Eastwood, plein de bons sentiments sur le racisme, ça se laisse voir...
  • Lakeview Terrace, aussi sur le racisme, film complètement raté de Neil LaBute, dommage, ça fait deux fois, on regrette tous ses premiers. Mieux vaut attendre Towelhead, premier long métrage d'Alan Ball, au moins ça laisse des traces !
  • Doubt, poussif malgré de bons acteurs.
  • Defiance (Les insurgés), style héroïque, un pan d'histoire ignoré, la Résistance juive dans une forêt en Biélorussie, un beau rôle pour Daniel Craig. Moins énervant que Spielberg.
  • The Strange Case of Benjamin Button, le principe est intéressant, mais son application systèmatique accouche d'un bébé d'un conventionnel achevé. Si on aime Brad Pitt, il est nettement plus surprenant dans le dernier des frères Coen, la comédie Burn After Reading, très agréable divertissement qui raille avec humour et rebondissements les films d'espionnage.
  • Pineapple Express, ça plaît beaucoup à la branche potache des Cahiers du Cinéma, mais cela me fait penser à du Wes Anderson. Quitte à évoquer les fumeurs de pétards je préfère la série Weeds dont je me suis pourtant vite lassé.
  • Eagle Eye, film d'action dont le "plot" se résume à une phrase indépendante. La majorité de ces films sont du scenic railway (attachez vos ceintures).
  • Taken : dès qu'une jeune fille américaine arrive à Paris elle est enlevée par une bande de gangsters albanais spécialisée dans la traite des blanches, c'est bien connu ! Film d'action français qui fait tout pour ressembler à un film américain, préjugés inclus à pisser de rire, peut-être pour faire plus américain ! C'est produit par Besson, c'est tout dire, creux à toucher le fond ! Enfin, c'est tout de même le lot de presque tous ces films... Idem pour le scénario pas crédible, car tous ces films où l'on tue des dizaines de personnes en pleine rue le sont-ils plus ?
  • Au début de Mesrine, l'instinct de mort, j'ai pensé que ça allait être bien et puis j'ai déchanté. Ces films français qui copient les américains me font penser aux jazzmen de l'hexagone. Si c'est bien, c'est que ce n'est pas du jazz. Je préfère quand c'est "autre chose".
  • Quitte à voir une grosse machine autant regarder The Dark Knight, ça ne pisse pas loin, mais ça rebondit et c'est vrai que le méchant clown Heath Ledger est génial.
  • Miracle in Santa Anna, le dernier Spike Lee, est un film de guerre, ça peut se voir, mais comme d'habitude depuis longtemps trop démonstratif, on est si loin de Do The Right Thing...
  • Pour les miracles, j'ai préféré le documentaire satirique Religulous de Larry Charles avec Bill Maher, ça part dans tous les sens, mais au moins j'ai bien rigolé. Cela m'a rappelé mon récent billet sur la collusion de l'Église et de l'État, en particulier aux USA.
  • Je n'ai plus de souvenir de The Duchess, j'ai dû m'endormir. Je me suis réveillé pour Kurosawa, Demy, Rozier, Powell, Straub, Fuller, Varda, Sirk, Fleischer. Mais ce n'est pas le sujet.