Par Jean-Jacques Birgé,
mardi 24 janvier 2023 à 01:16 ::Perso
Jeudi à 14h précises [l'article original date du 26 juin 2010] ma pâte à prout est officiellement entrée dans les collections du Musée des Arts Décoratifs et, par là même, dans les Collections Nationales. Passée devant la commission, je ne sais pas si c'est la petite ou la grosse, elle portera donc un numéro d'inventaire commençant par 2010 sous le nom de Noise Blaster (ou encore pâte à pet, boîte à pet, boîte péteuse). Je l'avais achetée chez Hanley's à Londres en 1995 pour 4 £. Elle avait été exposée l'année dernière pendant cinq mois à "Musique en Jouets" dans une des ailes du Louvre qui héberge les Arts Décoratifs. Je n'ai pas gardé de photographie et j'ai racheté la semaine dernière à Toronto une pâte à prout toute neuve intitulée cette fois Wind Breaker. Ce produit a tendance à se rétracter et à sécher au fil des années. Pour qu'elle fonctionne au mieux, il est nécessaire qu'il y ait un maximum de pâte lorsque l'on y enfonce les doigts après avoir créé une poche d'air au fond du gobelet. Mais la réputation de cette matière est parfois usurpée, sa mollesse l'empêchant de s'en servir comme cale. Sur la boîte de ma pâte fraîche, il est stipulé qu'elle ne peut être utilisée à l'église, ni en classe, ni en réunion de famille. Sous son nom, on peut lire "Hearing is Believing" (L'entendre c'est y croire !).
Le même jour, sont entrés dans les Collections Nationales un lapin Nabaztag, donateurs Antoine Schmitt et moi-même, ainsi qu'un piano Michelsonne de Pascal Comelade, plusieurs boîtes à musique, des Playmobil et leurs variations tchèques, des Igracek, soit une infirmière et un ouvrier. À côté de l'objet du délit j'ai photographié un coussin péteur bien que dégonflé, ce qui n'est certainement pas le cas de Dorothée Charles qui a soutenu avec passion la donation de ma pâte à prout, grâce lui soit rendue !
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 30 mai 2019 à 00:01 ::Multimedia
Ce n'est pas une blague. Le lapin connecté renaît de ses cendres. Pour Antoine Schmitt et pour moi, Nabaztag était resté d'actualité avec notre opéra Nabaz'mob pour cent de ces bestioles. Et pour les 150 000 acquéreurs du premier objet connecté destiné au grand public, né en 2005, l'icône de l'Internet des objets peut retrouver ses couleurs en 2019 grâce à un kit installable sur les anciens rongeurs. Olivier Mével, maman en chef de cette tribu lagomorphe, secondé par des anciens de Violet comme Maÿlis Puyfaucher (auteur des textes et la voix française) et les indépendants qui avaient travaillé sur l'original comme Antoine qui en était le designer comportemental, ou moi-même le designer sonore, réveille le clapier en novembre 2018 à l’occasion de Maker Faire Paris (le salon dédié aux “makers”). Une nouvelle architecture technique permet à Nabaztag de ne plus être dépendant de serveurs externes et donne la possibilité à toutes les personnes intéressées de contribuer à de nouvelles fonctionnalités, car l’ensemble du projet est Open Source.
"Un kit facile à installer sur un Nabaztag ou un Nabaztag:tag a été créé avec l'aide de la société Enero avec l'objectif de redonner vie à son lapin. Il permet de remplacer l’électronique de l’époque par une nouvelle carte qui utilise un Raspberry Pi (un petit ordinateur très populaire auprès des “makers”). Cette nouvelle architecture rend le lapin totalement indépendant. Il ne dépend plus de serveurs externes. Si l'Internet venait à disparaitre (remplacé par Facebook ou Compuserve par exemple), il continuerait à donner l'heure, faire son taïchi, dire des bétises et dispenser de précieux conseils de vie. Les services les plus emblématiques ont été re-développés par Paul Guyot (l’ancien Directeur Technique de Violet, fondateur de la société Semiocast) et une reconnaissance vocale effectuée sans serveur distant a été ajoutée. Beaucoup d'autres informations sont livrées sur le site de crowdfunding Ulule. Scrunch crunch !
Par Jean-Jacques Birgé,
mercredi 13 mars 2019 à 00:03 ::Pratique
Ce troisième épisode de notre série sur le fonctionnement des nouvelles technologies dans le cadre du programme des SNT à l'usage des classes de seconde décrit comment fonctionnent les objets connectés. Dès 2005 j'avais participé avec Antoine Schmitt à l'un des premiers de ces objets, le lapin Nabaztag qui délivrait quantité de services comme la météo, les embouteillages sur le Périphérique, la qualité de l'air, la bourse, les actualités, nos propres courriels, etc. Pourtant, ce que je préférais était l'expression de ses humeurs et ses exercices de taï-chi ! Mais cela c'est du domaine des objets comportementaux... Nous avions ensuite perverti l'objet en créant l'opéra Nabaz'mob pour 100 lapins !
C'est toujours très amusant pour moi de sonoriser ces petits films. Je commence par noter ce qu'il faut souligner ou animer par le son. Ensuite je place ceux que j'ai déjà utilisés dans les épisodes précédents. Mais avant tout cela j'ai circonscrit mes timbres à une charte sonore, un cadre de timbres qui donnent sa couleur à l'ensemble de manière à caractériser le projet sans partir dans tous les sens. L'étape suivante est donc de fabriquer les sons manquants. Je les classe en fonction de l'origine de l'enregistrement, ceux qui proviennent de ma sonothèque, ceux qui sont générés par mes machines électroniques ou ceux que je bruite ou que j'enregistre avec ma bouche, etc. Quand tout est en place, je mixe l'ensemble en dosant le volume de chacun. Ici Nicolas Le Du met une dernière touche au montage en les mixant avec les voix de Sonia Cruchon et Guillaume Clemencin.
Par Jean-Jacques Birgé,
mercredi 27 février 2019 à 00:01 ::Le son sur l'image
Machiavel, scratch vidéo interactif
En 1998, l’œuvre suivante, réalisée en collaboration avec Antoine Schmitt, est le complément audiovisuel de l’album d’Un Drame Musical Instantané, Machiavel. Il s’agit d’un scratch interactif de cent onze boucles vidéo. Chaque très courte boucle, de 0,5 à 4 secondes, affectée de son propre son, réfléchit tout ce qu’il y a de plus beau ou de plus terrible sur notre planète. Au départ, nous souhaitions faire une relecture poétique du Monde Diplomatique, regarder la Terre vue de la Lune comme filmée par un touriste extra-terrestre à qui l’on aurait confiée une petite caméra japonaise ! Qu’en reste-t-il ? Je ne sais pas. Du fait que la boucle sonore n’a pas tout à fait la même durée que la boucle vidéo, naissent des synchronisations mouvantes, multipliant les effets de sens. Synchronisme accidentel, quand tu nous tiens ! L’effet répétitif de la boucle produit une sorte de zoom psycho-acoustique dans le son comme dans l’image. Les vidéos abordant les thèmes les plus attractifs à l’espèce humaine (sexe, mort, argent), une bascule s’exerce parfois, suggérant au joueur que Machiavel s’adresse directement à lui, d’autant qu’Antoine en a fait un objet comportemental qui réagit au plaisir et à l’ennui. Nous l’appelons l’effet clébard : si on ne s’occupe pas bien de lui il vient coller son museau le long de notre jambe, si cela ne suffit pas il pose sa patte, excédé il ira jusqu’à nous lécher la figure. Il s’habitue au joueur, il le sollicite si celui s’arrête, il copie son comportement, il insiste et puis finit par aller se recoucher dans son panier ! Antoine ajoute : « plus qu’interactif, Machiavel est un objet physique. Il est impossible de ne pas le manipuler car tout mouvement de la souris l'influence. On est immédiatement et irrémédiablement dans son univers. C'est l'apport fondamental de la programmation comme matériau. Une des premières œuvres d'art programmé. » Machiavel se comporte donc différemment face à des gestes lents ou rapides, tendres ou brutaux. Les placides contemplent les vidéos les unes après les autres. Les jeunes gens et les DJ zappent comme des malades ! Certains comportements permettent de l’apprivoiser, d’autres le contrarient. Mais qui manipule qui ? Machiavel était annoncé pour un Power PC 100 MHz ou un Pentium 100 avec Windows 95. Avec le temps et la vitesse des processeurs, l’aspect comportemental est devenu plus capricieux. Pour en goûter tout le fruit, il est recommandé d’y jouer plutôt sur d’anciennes machines. Encore heureux que cela fonctionne toujours… Nombreuses œuvres de l’âge d’or du multimédia ne s’ouvrent déjà plus sous aucun système récent. L’incompatibilité cyniquement contrôlée des anciens supports chassés par les nouveaux lorsque le marché arrive à saturation laisse entrevoir un désastre culturel dans la mémoire de l’humanité. Il est plus difficile d’entretenir ou reconstruire les appareils électroniques que les systèmes purement mécaniques. Dans quelques années y aura-t-il encore des machines pour relire ce que nous aurons produit, enregistré, filmé, imprimé ? Dans combien d’années les fichiers s’effaceront-ils d’eux-mêmes ? Le livre a résisté au temps, mais cette course délirante à ce qu’il est coutume d’appeler le progrès, ces fantastiques archives se multipliant sans cesse de façon quasi logarithmique, pourraient sombrer dans l’oubli total, effacés, illisibles, immense trou noir dans l’histoire des hommes.
Machiavel est dédié à deux cinéastes, Michelangelo Antonioni et Ferdinand Khittl. On comprend aisément la dédicace à l’auteur de Blow-Up : le photographe joué par David Hemmings y découvrait un meurtre en agrandissant progressivement un cliché pris dans un parc. Ici la répétition des boucles, tant sonores que vidéos, fait remonter à la surface les détails à première vue et à première écoute invisibles ou inaudibles. Lorsqu’on fabrique une boucle sonore, il est intéressant de noter que plus longtemps on l’écoute, plus la moindre virgule, la moindre pétouille, prend le devant de la scène, et l’on finit par n’entendre plus qu’elle. C’est un zoom avant psycho-acoustique. Il s’ajoute aux décalages avec l’image qui produisent des effets de sens variés, glissements infimes ou catégoriques.
Le film de Khittl, Die Parallelstraße (La route parallèle), est une œuvre rare de 1964 que je n’ai eu l’occasion de voir qu’une seule fois à la Cinémathèque Française, il y a trente ans, en version originale allemande non sous-titrée ! (il est sorti depuis en DVD) Des individus sont réunis dans une pièce où leur sont projetés des petits films numérotés, courts-métrages sur des sujets extrêmement divers. Ils ne savent pas pourquoi ils sont là, mais ils comprennent qu’ils seront tués s’ils ne percent pas cette énigme…
Toutes les images de Machiavel, à quatre exceptions près, ont été tournées par Antoine, Agnès Desnos et moi-même. À la fin de sa réalisation, je deviens tellement obnubilé par notre concept que je rêve en boucle. C’est très angoissant.
Les sons sont presque tous issus des 33 tours d’Un Drame Musical Instantané, la partie musicale de cet album hybride, à la fois CD-Rom et CD-audio, obéissant également à un concept vinylique : réédition et remix d’anciennes pièces du Drame, nouvelles pièces faisant intervenir des DJ, puzzling à partir des disques 33 tours du Drame, et bien d’autres facéties où nos sillons abreuvent notre sang impur. Je recherche des effets parfois humoristiques ou légers, parfois dramatiques ou critiques. En sonorisant l’image d’un iguane avec une messe à l’envers, l’animal semble être l’objet de vénération d’un rituel païen. Un film 16 mm de touristes sur le lac de Constance accompagné par une musique de film symphonique grandiloquente fait penser à des immigrants dans un film d’Elia Kazan. La flamme du Soldat Inconnu prend des allures de pamphlet contre la guerre grâce aux sanglots d’une femme. Face à un match de football, on n’entend que les supporters qui hurlent et klaxonnent. Le placement d’une musique met l’accent sur un personnage qu’on ne distinguerait pas autrement, perdu dans la foule. Le son témoin d’un moine sur un pont au Japon met en valeur sa petite clochette si l’on patiente. Un rythme de rock donne une impression de décervelage programmé à des jeunes qui suivent le rythme en oscillant la tête. Le faux synchronisme d’une scène de skaters, sautant sur un tremplin devant la Fontaine des Innocents, donne sa véracité à l’action pourtant bouclée. Un violoncelle souligne la bonhomie machiste d’un petit oiseau qui ne cesse de faire sa cour, évidemment sans succès puisque c’est une boucle ! Le déclenchement d’un appareil photo dans le silence rappelle directement le film d’Antonioni, tandis qu’on devine des policiers emmenant de force un jeune manifestant. Un fax sonorise le filé d’un panoramique circulaire au cimetière du Père-Lachaise. Un zapping télé préenregistré brouille les cartes…
En scratchant avec la souris, on déclenche d’autres familles de sons. Il y en a une série pour les mouvements courts, une pour les mouvements amples, une troisième pour les va-et-vient. Les sons sont tirés aléatoirement.
D’autres n’apparaissent que si l’on s’arrête suffisamment longtemps sur une vidéo : ce sont des phrases clefs, en anglais et en français. Machiavel fait alors un insert répété à l’intérieur de la boucle répétitive liée à l’image et joue de la surprise. Le choix est à la discrétion du programme !
Normalement, il n’est nul besoin de cliquer pour jouer, mais, si on cède à cette tentation, on entre dans un autre monde : les vidéos disparaissent, une porte s’entrouvre laissant apparaître un rai de lumière et de nouvelles boucles interviennent, cette fois plus musicales. Cette manipulation peut permettre au joueur d’atteindre une vidéo désirée, numérotée de 1 à 111, sans avoir besoin de scratcher.
Au démarrage, on entend le son de la petite horloge du préchargement. Tout aussi discret, une aiguille gratte la surface d’un disque qui tourne sans fin sur son plateau tandis que défile le déroulant du générique de fin.
Après Machiavel, Antoine se consacre à une carrière solo d’artiste multimédia. Il glisse du Web aux installations et aux spectacles vivants, fabriquant ses propres sons pour ses nanoensembles. Son site gratin.org est dédié aux formes d'art utilisant les programmes comme matériau central. Parlant une quantité de langues informatiques, amateur de Philip K. Dick, Antoine s’est passionné pour les objets comportementaux : « Dans mon travail artistique comme plasticien, je tâche de trouver les contextes et les conditions pour traquer sans relâche la nature de la réalité et la nature humaine : mon questionnement, d'ordre philosophique, est celui du « pourquoi ça bouge - comme ça ? » J'utilise la programmation comme matériau artistique principal pour recréer algorithmiquement l'origine du mouvement. Dans le champ des arts plastiques, je crée des situations ou des objets qui confrontent leur semi-autonomie à celle des visiteurs. Dans mes performances, c'est le performer (parfois moi-même) qui est placé dans une situation délicate. La notion de contrôle est centrale, tout comme celle de sensation. C'est à dire que je me place délibérément à un niveau infra-langage. »
Une de nos dernières collaborations aborde une nouvelle sphère d’intervention sonore. Antoine a lancé avec Adrian Johnson un site de sonneries de téléphone portable originales composées par près d’une vingtaine de créateurs sonores, sonicobject.com. Tous les lieux sont devenus publics. Partout, sans cesse, nous devons subir la pollution sonore. J’ai pensé aux autres, à ceux qui sont autour de nous lorsque notre portable se met à hurler son secret impudique. Alors, pour rendre notre quotidien plus doux ou plus hirsute, j'ai composé des formes courtes et bouclées en pensant à la poche ou au sac d'où elles émettent, identités uniques, moments privilégiés. Des sonneries délicates qu'on entend à peine, juste pour soi, dans l'intimité de l'appel attendu. Des sonneries brutales, affirmations de sa différence, revendications affirmées d'un pluralisme des sources. Des sonneries qui font sens, qui toquent à la porte, qui marquent les heures, qui font rêver d'un ailleurs, des sonneries rien qu'à soi… Les compositions musicales trop complexes conviennent mal à la courte durée de ces séquences en boucle comme à leur médiocre diffusion par un minuscule haut-parleur. Bien choisir la gamme de fréquences. Sérénité de la flûte, variété de timbres de la guimbarde dont les fréquences sont privilégiées par les codes de compression, comme avec la voix humaine. Mon souhait est de redonner un peu de chaleur humaine aux froides machines communicantes, d’y ajouter une pointe d'humour, de les apprivoiser plutôt qu'elles ne nous dévorent. C’est encore avec Antoine que je travaille sur Nabaztag, le lapin de Violet. Antoine programme l’objet communicant tandis que j’en assure tout le design sonore.
L'opéra pour 100 lapins Nabaz'mob fera le tour du monde après que nous l'ayons créé au Centre Pompidou le 27 mai 2006 . Nos clapiers sont en hibernation, mais prêts à repartir sur la route si vous êtes lagomorphes !
Par Jean-Jacques Birgé,
mardi 18 décembre 2018 à 00:39 ::Le son sur l'image
Casting
J’ai néanmoins un regret sur Seurat. Pour le dialogue entre l’adulte et l’enfant qui tient lieu de commentaire du CD-Rom, nous ne pûmes engager une vraie petite fille pleine de toupet. Faute d’avoir prévu en temps et en heure de demander l’autorisation à la DASS, Hyptique engagea une comédienne spécialisée dans ce genre de rôle. C’est pour moi une faute grave, car nous avions besoin de tempérer le ton pontifiant de l’adulte en lui opposant un ton frais et insolent. Nous ne fîmes pas la même erreur avec Domicile d’Ange Heureux où un petit garçon donne toute sa crédibilité au titre en donnant la réplique aux acteurs qui tiennent le rôle de ses parents, Daniel Laloux et Dominique Fonfrède.
Le critique André Bazin suggérait de faire l’expérience de fermer les yeux pendant Citizen Kane ou La Splendeur des Amberson d’Orson Welles pour « apprécier la coloration des voix qui se répondent et l’individualité de chaque son. Le son qui n’est habituellement à l’écran que le support du dialogue ou le complément logique de l’image, fait ici partie intégrante de la mise en scène. » Le casting est d’une importance cruciale. S’il est rare que le designer sonore puisse avoir dessus son mot à dire, le timbre d’une voix, l’âge, le sexe, peuvent pourtant être déterminants dans le mixage final. Le plus couramment, le casting est réalisé par le studio d’enregistrement loué, à partir d’une liste de comédiens spécialisés. Un bon acteur coûte le même prix qu’un mauvais, et si on sait présenter un projet on peut convaincre les meilleurs de se risquer au jeu. Hélas, aucune école de multimédia n’apprend la direction d’acteurs. C’est pourtant décisif. Au cinéma, c’est la tâche principale du metteur en scène. Admirons l’exquis travail des voix dans le film de Marguerite Duras, India Song, conçu à l’origine pour la radio, où se mêlent les voix de Delphine Seyrig, Michael Lonsdale et de tant d’autres avec la musique de Carlos d’Alessio. Dans le multimédia, les chefs de projet devraient être formés à la direction d’acteurs, et il n’est pas de meilleure école que de se prêter soi-même à l’exercice. Il est souvent pénible d’entendre sa propre voix, et sa révélation sur un enregistrement est parfois difficile à accepter, car le son que l’on entend à l’intérieur du crâne ne ressemble pas à celui qui est entendu par des tiers.
Lorsque le texte des dialogues est imposé, il reste encore la manière de les dire pour sauver, détourner, améliorer le projet. J’eus ainsi à superviser un catéchisme interactif, Le Grand Jeu, annoncé comme une sorte de You don’t know Jack, un Trivial Poursuit doublé d’un jeu de plateau, dont le ton décalé (c’est sur ce terme que j’avais accepté ce travail) glissait doucement mais sûrement vers une démagogie somme toute prévisible. Ne pouvant intervenir sur les dialogues eux-mêmes, je confiai le texte à trois acteurs critiques qui les jouèrent en leur donnant des intentions particulières. L’objet mériterait de devenir culte ! Il fallait être humoristiques, nous le fûmes. Pour le site Numer, j’enregistrai des bribes de dialogue parfois à peine compréhensibles pour donner un effet nébuleux, déconstruction moderne de notre univers quadrillé.
Tandis que je cherchais la voix de Nabaztag, objet communicant relié à Internet en wi-fi et ressemblant fortement à un lapin, je remarquai les essais de Maÿlis Puyfaucher qui avait écrit les dialogues. Pour moi c’était déjà évident que le lapin devait être une lapine : tant les filles que les garçons le préfèreraient (de nombreux admirateurs mâles de Nabaztag réclamèrent d’avoir le choix entre une voix masculine ou féminine pour le lapin ! C’est étrange, je doute que l’inverse eut été demandé. Nous avons tant l’habitude que les héros soient des hommes. Les rares héroïnes, lorsqu’elles n’obéissent pas à la normalité féminine, sont sacrifiées sur le bûcher, passées par les armes, livrées aux lions, vilipendées…). C’est marrant, dans les dessins animés, les lapins sont presque toujours des mâles avec un petit défaut de prononciation, écoutez Bugs Bunny, le lapin d’Alice ou Roger Rabbit ! Peut-être à cause des dents ? Je cherchais une voix qui ne soit ni caricaturale, ni trop réaliste. Suivant ses propres dialogues absurdes à la lettre, Maÿlis avait les parfaites intonations. Il suffit que je la convainque de se prêter au jeu, au jeu d’actrice, pour que Nabaztag prenne corps. Et ce fut, comme avec Le Grand Jeu, une grande partie de rigolade ! Parce que l’on n'est jamais aussi efficace que dans la détente et la liberté d’inventer. Tant de talents s’ignorent…
Il n’y a rien de plus agréable que de travailler avec de bons comédiens. Je me souviens d’André Dussollier que j’accompagnai pour l’inauguration du Mois de la Francophonie. Après nous avoir honnêtement avertis qu’il n’avait pas préparé son texte, André demanda à s’isoler deux heures dans sa loge. Lorsqu’il fut prêt, nous filâmes le texte. J’étais aux anges. Quelle intelligence, quelle finesse ! André se retourna vers nous pour nous demander de tout reprendre, s’excusant de n’avoir pas assez écouté la musique lors de ce premier essai. Le résultat fut à la hauteur de nos espérances. Chaque fois que je pus collaborer avec André Dussollier, le miracle se produisit, mais il est certain qu’un comédien doit savoir son texte pour l’interpréter correctement.
Jean Renoir a réalisé un court-métrage passionnant où il dirige la réalisatrice Gisèle Braunberger qui se prête au jeu (La direction d’acteurs par Jean Renoir, réalisé par Gisèle Braunberger. Présenté dans un coffret DVD où figurent La chienne, On purge Bébé, Tire au flanc…). Renoir dit utiliser la méthode à l’italienne, comme Molière et Jouvet. Il fait lire le texte comme si c’était l’annuaire du téléphone (Quel pouvait bien être son équivalent du temps de Molière ?), sans aucune intention dramatique, de la manière la plus neutre possible. Toute intention préalable ne produirait que poncifs et banalités. Donner le ton à la première lecture, c’est à coup sûr aboutir à un cliché. À force de répéter le texte, le ton vient tout seul, petit à petit, malgré soi, petits inflexions, gestes imperceptibles, c’est ainsi que naît un rôle… Évidemment, c’est un peu plus complexe, Renoir fait croire à ses acteurs que les idées émanent d’eux-mêmes alors qu’il les leur suggère très discrètement ! Il y a bien d’autres façons de travailler un texte. Gisèle Braunberger aurait souhaité faire le même travail avec Robert Bresson, dommage ! Stanislawski conseillait de ne pas jouer en pensant « je suis tel personnage… » mais en imaginant « si j’étais tel personnage… ». Les acteurs américains qui ont suivi les cours de l’Actor’s Studio s’investissent corps et âme. Certains réalisateurs miment tous les rôles, d’autres dirigent les acteurs pendant les prises avec des oreillettes camouflées ! Il existe mille manières de diriger des comédiens, cela dépend des directeurs comme des acteurs…
Par Jean-Jacques Birgé,
mardi 31 octobre 2017 à 00:01 ::Multimedia
Tandis que je dévore Boulevard du stream de Sophian Fanen publié par Le Castor Astral, je me rends compte que mon site, drame.org, a déjà 20 ans.
Fin 1995, comme nous venions de terminer le CD-Rom Au cirque avec Seurat pour la R.M.N., Pierre Lavoie, patron de Hyptique, me propose d'ajouter une partie interactive à l'album de chansons que j'avais fini d'enregistrer avec Bernard Vitet. Il ne se doutait pas qu'avec mes deux acolytes, Étienne Mineur et Antoine Schmitt, alors respectivement directeur artistique et directeur technique, nous allions nous prendre au jeu et dépasser le budget qu'il comptait lui allouer. En proposant au photographe Michel Séméniako d'illustrer la douzaine de petits théâtres interactifs, nous avons transformé le CD Carton en CD-Extra, un format rassemblant un secteur audio, nos 14 chansons, et un CD-Rom d'auteur hyper créatif comme personne n'en avait encore jamais réalisé en France. En plus d'entretiens mis en scène dans une sorte de photomaton inventé par Séméniako où chacun pouvait composer sa lumière, d'une discographie sonorisée, "chaque pièce devint un théâtre interactif, les images agissant comme un filtre magique." L'équipe se composait également d'Olivier Koechlin, conseiller technique, d'Arnaud Dangeul pour le graphisme et de Valéry Faidherbe pour la vidéo, quasiment la même que pour Seurat, sauf que nous jouissions d'une liberté totale vouée à la création et à l'inventivité. Si les facéties de mes camarades Étienne et Antoine étoffèrent le scénario, je signai l'objet et j'avais évidemment en charge le design sonore. Dans les années qui allaient suivre les budgets pour réaliser un site Web ou un CD-Rom étaient 4 à 10 fois plus importants que ce qui se pratique à l'heure actuelle, et 80% d'Internet étaient de la création. Nous pouvions ainsi faire de la recherche et du développement pour les commandes ou les faire profiter de nos recherches personnelles. Aujourd'hui la Toile affiche presque exclusivement du commerce, des services et des échanges sur les réseaux sociaux. Il faut toujours investir les nouveaux médias avant que le Capital s'en empare ! On peut ensuite le détourner, mais ça c'est une autre histoire...
Ainsi, pour lancer Carton, qui sera abondamment salué par la presse, Pierre Lavoie suggère que nous l'accompagnons d'un site Web. Comme Un Drame Musical Instantané est alors ma principale activité, je dépose le nom drame.org, à une époque où les margoulins n'avaient pas accaparé tous les mots du dictionnaire ! Les mp3 n'existant pas encore sur le Net, je sonorise toutes les pages du site historique d'Un D.M.I. et des Disques GRRR avec des fichiers midi. Encore une fois, Étienne Mineur assisté d'Arnaud Dangeul assure le graphisme. Le plasticien Nicolas Clauss lui donnera un petit coup de frais en 2002 à partir de parchemins qu'il me fait écrire sur de très vieux buvards, en 2010 le vidéaste Jacques Perconte le transformera de fond en comble en indexant une gigantesque base de données pour une version V2 du site et Patrick Joubert en révisa le back office il y a deux ans.
J'avais monté un des premiers home-studios en acquérant mon synthétiseur ARP 2600 en 1973, créé les Disques GRRR en 1975, cofondé l'orchestre du Drame l'année suivante, j'étais passé du vinyle au CD en 1987, j'avais travaillé au design sonore interactif pour les CD-Rom dès 1995, et il y a donc 20 ans mis en ligne mon site Web. J'ai continué à investir les nouveaux médias, sur Internet d'abord, puis en installations, pour des objets connectés comme Nabaztag, et plus récemment avec les tablettes. Depuis 2010 j'ai choisi de partager gratuitement une grande partie de mes créations musicales, soit 140 heures de musique inédite, en marge de ma production discographique. Parallèlement à tout cela, je continue à participer à des expériences immersives et interactives dans les espaces muséographiques. Enfin je blogue quotidiennement depuis maintenant 12 ans, en miroir sur Mediapart pour les sept dernières années. Youpi !
Par Jean-Jacques Birgé,
lundi 8 février 2016 à 00:02 ::Musique
Non, ce ne sont pas les oreilles des cent lapins de notre opéra Nabazmob, mais 9oualab, une installation du Collectif Pixylone composé de Younes Atbane, Zouhair Atbane et Omar Sabrou, exposée en 2014 à l'Institut du Monde Arabe dans le cadre du Maroc Contemporain dont le commissaire était Jean-Hubert Martin. C'est incroyable comme les six cents pains de sucre (l'équivalent de 300 paires d'oreilles de Nabaztag !), éclairés en 3D et sonorisés, m'ont immédiatement fait penser à notre opéra, deux regards parallèles sur nos sociétés, même si les intentions des uns et des autres sont très différentes.
Mais si je l'évoque aujourd'hui, c'est pour une autre coïncidence, musicale cette fois. En créant Nabazmob nous avions inexplicablement oublié le Poème symphonique pour 100 métronomes de Ligeti de 1962. L'hommage aurait pourtant été clair. La surprise vient de ma réécoute de la Symphonie de l'Univers de Charles Ives, œuvre inachevée mais libre de la continuer si de futurs compositeurs voulaient s'y atteler. Cette "sixième" symphonie de mon compositeur de prédilection est probablement sa plus ambitieuse. Conçue de 1911 à 1928 pour plusieurs orchestres elle présente trois parties sans pause : Le passé (du chaos à la formation des eaux et des montagnes), Le présent (la Terre et le firmament, évolution de la nature et de l'humanité) et L'avenir (le paradis, l'élévation de tout vers la spiritualité). Or, en écoutant les vingt percussionnistes de la version complétée par Larry Austin, j'ai cru reconnaître les prémisses du premier mouvement de notre opéra !
Je me suis souvent demandé comment nous en étions arrivés là avec Antoine Schmitt. À quoi pouvait ressembler cette musique composée pour 100 synthétiseurs midi de pacotille hébergés dans les estomacs de nos rongeurs wi-fi ? Je suis aux anges de constater aujourd'hui ce cousinage involontaire ou inconscient avec Ligeti et Ives. De quels ancêtres pouvais-je rêver de mieux ?! Si l'indétermination de l'ensemble doit beaucoup à John Cage, le second mouvement, glissement d'accords tuilés, se réfère forcément à Ligeti et le troisième, citations d'extraits opératiques se superposant, explicitement à Ives. Mais je n'aurais jamais imaginé cette coïncidence incroyable du premier mouvement, voire du 2bis, un petit plus rythmique que nous jouons parfois en concert lorsque l'envie nous prend ! De même, l'œuvre collective des artistes marocains m'apparaît comme une suite improbable. Je ne sais pas si les lapins aiment le sucre, mais cela ne m'étonnerait pas !
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 14 novembre 2013 à 00:15 ::Pratique
J'étais certain qu'un jour ou l'autre on y viendrait ! L'association inattendue des termes renvoie Nabaztag à nos méfaits précédents. En m'envoyant la photo qu'elle a prise lors de son passage hier à Paris, Valérie n'a pas précisé de quelle boutique il s'agissait. Il n'empêche que huîtres, gingembre, ginseng, galanga, bourrache, romarin, basilic, ail n'ont jamais rien prouvé. Certains auteurs prétendent aussi que cannelle, ciboulette et vanille stimulent le plaisir féminin tandis que les hommes ont recours à l'avoine, au céleri, au cordyceps ! Quelques mouches cantharides dorment au fond d'un tiroir depuis 1972 ! Mais un lapin ? Ou alors très chaud, à la moutarde !
Par Jean-Jacques Birgé,
lundi 26 mars 2012 à 00:09 ::Multimedia
La crise économique oblige à inventer de nouveaux modèles de financement pour les entrepreneurs audacieux. La souscription n'est pas nouvelle, mais sa dernière déclinaison semble porter ses fruits. Les internautes sont ainsi invités à apporter leur obole avant que le projet ne se réalise, mais ils ne sont débités de leur carte de paiement que si le montant minimum est atteint par la somme des contributions. En France, le site KissKissBankBank, signalé par Lucien Alfonso pour son projet de disque avec le Toukouleur Orchestra, propose de mettre en ligne ses projets (artistique, créatif, innovant, audacieux, humaniste, scientifique, sportif, écologique, etc.) en en conservant 100% de la propriété intellectuelle, et au public de soutenir ces initiatives en s'investissant personnellement. Des avantages sont évidemment offerts par les entrepreneurs à leurs soutiens si le but est atteint. KissKissBankBank perçoit 10% de l'argent récolté, rien du tout si la somme totale est en dessous du seuil choisi. Le système est très clairement expliqué ici.
Je suis moi-même indirectement associé à une expérience de crowdfunding avec le lancement de reaDIYmate sur KickStarter, site mondial le plus couru, soutenant des projets ayant réussi à réunir des millions de dollars dans des domaines aussi variés que la musique, le cinéma, les arts plastiques, la technologie, le design, l'alimentation, l'édition, etc. Olivier Mével pour qui j'avais réalisé le design sonore de son lapin Nabaztag et des autres objets communicants de Violet, et Marc Chareyron lancent ainsi leur nouveau projet d'objets connectés à Internet en wi-fi, reaDIYmate. DIY signifie Do It Yourself, en français Faites-le vous-même, le nom complet fait référence au readymade de Duchamp et un ready mate est ce copain tout prêt ! Leurs petits compagnons en papier sont des robots miniatures réagissant aux informations transmises par vos Gmail, Facebook, Twitter, Foursquare, flux RSS, SoundCloud, If This Then That, et toutes sortes d'autres applications du monde des réseaux existantes ou restant à inventer. Assemblés en moins de dix minutes, on peut aussi les diriger depuis son iPhone. Le corps de ces charmantes bestioles contient un minuscule servomoteur et un haut-parleur tandis que le cerveau électronique est moulé dans un boîtier plastique avec la connectique wi-fi et un seul bouton ! Le papier permet de varier à faible coût les formes et les graphismes à venir. C'est hypersimple pour l'utilisateur lambd et les inventeurs chevronnés pourront construire leurs propres applis, Arduino aidant, et les proposer en ligne sur le site de reaDIYmate. Il ne reste plus qu'à rassembler suffisamment d'argent pour lancer la production et je me mettrai au travail, soit inventer quantité de sons qui nous signaleront tel ou tel évènement, accompagnant les mouvements de ces drôles de petits compagnons.
Par Jean-Jacques Birgé,
vendredi 4 novembre 2011 à 00:20 ::Perso
On ne peut pas toujours faire semblant. Ma compagne me dit que j'ai l'air triste. Si l'on me demande ce que je fais en ce moment je prends un petit temps avant de répondre. Je ne sais plus. Je me disperse.
S'il faut faire bonne figure j'évoque La chambre de Swedenborg, excitant projet avec Birgitte Lyregaard et Linda Edsjö qui sera créé au Musée d'Art Moderne de Strasbourg le 26 janvier, ou la récente publication de mon roman La corde à linge, en numérique avec images et sons. Les beaux projets mettent un temps fou à démarrer : design sonore des nouveaux objets Internet Readiymate avec le papa du lapin Nabaztag, Olivier Mevel, ou des jeux/jouets iPad/papier des Éditions Volumiques avec Sacha Gattino pour Étienne Mineur, participation à une équipe finaliste pour le concours du Mucem, voyage en Asie avec les petits rongeurs, sans compter mon second roman pour lequel j'accumule du matériel, idem pour mon hypothétique disque chez Signatures et une adaptation de L'astre en web-fiction. Je patiente en numérisant mes archives sonores (mise en ligne des meilleures sur drame.org, deux nouveaux albums inédits cette semaine !) et iconographiques (scan diapos), et je ponds un article par jour, sans compter mes commentaires passé ces frontières. Pas de quoi se plaindre a priori. Une vie bien chargée. Françoise est en résidence à Tourcoing / Le Fresnoy pour quatre mois où elle présente son travail et envisage un nouveau film, Elsa cherche à faire tourner Odeia dans lequel elle chante avec un trio à cordes (premier concert hier soir avec succès), plus un projet avec Linda et sa mère et plein d'autres trucs. Pourquoi s'inquiéter ?
Paragraphe pour le verre à moitié vide. Les beaux projets mettent un temps fou à démarrer. 2011 fut financièrement catastrophique. Si j'étais un cas isolé, je m'en moquerais, je saurais que ce sera bientôt mon tour, mais trop de camarades tirent le diable par la queue. Les festivals à qui je propose le trio El Strøm avec Birgitte et Sacha ne répondent pas ; ou bien pour annoncer leur suppression en 2012, ou encore me demandent de rappeler en juin 2012 pour juin 2013. J'ai l'impression que rien ne bouge, je dois supporter les mêmes revers qu'il y a quarante ans lorsque je débutai. Mes derniers albums n'ont pas généré les ventes escomptées, ni la réédition magnifique de Trop d'adrénaline nuit, le premier disque d'Un Drame Musical Instantané en 1976, ni mon duo avec Michel Houellebecq, Établissement d'un ciel d'alternance, enregistré vingt ans plus tard. Aucun journaliste n'a relaté l'énorme travail que j'ai réalisé avec la mise en ligne de 33 albums inédits sur le site du Drame, même les copains font la sourde oreille, pas même une petite news (sauf Dominique Meens sur assezvu.com), alors qu'ils m'apparaissent comme une aventure incroyable, et qu'individuellement ils recèlent plus de merveilles que les sempiternelles scies musicales encensées par les journaux spécialisés. Je suis mal placé pour m'extasier, avec le risque de passer pour un mégalo ou un parano. Il faut bien que je justifie ma dépression molle. Le film de Pierre Oscar Lévy, dont nous avons fait la musique avec Vincent Segal et Antonin-Tri Hoang, sera-t-il diffusé par Arte ou les pressions politiques le rangeront-elles au placard ? Et puis Bernard, mon acolyte du Drame, trente-deux ans de collaboration quotidienne, est en très mauvaise santé et déprime sec. Il a du mal à manger et n'est pas bien gros. Ma maman continue de critiquer tout et n'importe quoi sans n'être plus capable d'en discuter calmement, un mal courant chez les débatteurs.
Le monde part en gidouille. La planète est piétinée. L'indignation est-elle un premier pas vers la révolte ? Les inégalités de classe sont accompagnées d'une telle arrogance. La colonisation se perpétue. L'exploitation est plus monstrueuse que jamais. Qu'ils soient de notre monde repu ou les laissés pour compte du tiers les pauvres ne se laisseront pas berner éternellement. L'inquiétude réside dans les choix politiques que feront les révoltés. Les extrémismes sont toujours bien placés dans les périodes de dépression. La peur et la misère sont mauvaises conseillères. Nous vivons une époque transitoire où le pire devient probable, sans abandonner définitivement l'espoir, mais aujourd'hui j'ai le moral gris. Est-ce plus banalement le spectre de la mort qui rôde sous le fallacieux prétexte que j'aurai 59 ans demain ? Il y a mille explications. Aucune n'est juste. Un rien peut me faire basculer d'un paragraphe à l'autre, bilan pipeauté par un simple coup de téléphone, un sourire dans la rue, un rayon de soleil, la caresse d'un chat, tes baisers...
Par Jean-Jacques Birgé,
mardi 6 septembre 2011 à 00:44 ::Voyage
Les draps qui les recouvrent transforment les œuvres en fantômes. Des murs semblent suinter des fresques inachevées. Se promener dans les salles fermées du Musée Départemental de l'Oise a la magie des coulisses, comme si le lieu était constitué de chausse-trappes, de portes dérobées, de couloirs secrets. Le mystère hante ces lieux fermés depuis douze ans au public et bientôt en rénovation.
Hier matin nous avons donc fait un saut à Beauvais pour repérer la salle Thomas Couture où sera représenté notre opéra Nabaz'mob du 5 au 23 octobre prochains. Chaque lieu impose une scénographie différente. Ici le public limité à dix-neuf visiteurs à la fois, pour raison de sécurité, assistera à la représentation du haut d'une petite estrade tandis que le clapier s'étalera à ses pieds dans l'obscurité. L'acoustique de la salle autorise la diffusion acoustique, soit cent petits haut-parleurs, un dans chaque estomac lagomorphe.
Après le déjeuner, nous visitons la cathédrale gothique dont la mégalomanie lui fut fatale tout au long de son histoire. Première de son espèce au Xe siècle, la Basse-œuvre fut détruite après d'innombrables incendies. Elle est remplacée par l'actuelle au XIIIème, la Haute-Œuvre, qui s'écroulera plus d'une fois. Après la nef, la flèche "la plus haute de toute la Chrétienté", cent-cinquante-trois mètres, y passera avec le clocher. Aujourd'hui encore, à l'intérieur, les chutes de pierre ont obligé partout l'installation d'étais en bois pour que le ciel ne tombe pas sur la tête des fidèles. Le résultat de cette démesure est franchement tarte et risible.
Nous préférons admirer les magnifiques sirènes musiciennes situées sous l'une des tours de l'entrée du Musée, découvertes dans les années soixante alors que le XIXe siècle les avait enfouies derrière la chaudière ! Il en reste quatre, sur les huit probables, qui jouent de la cornemuse (une pipasso ?), d'un flageolet et d'un tambourin, de la viole (viola da braccio) et d'un instrument à cordes étrangement appelé trompe marine. En admirant ici les fresques, ailleurs les bas-reliefs comme dans l'Égypte ancienne, j'adore imaginer la musique que l'on pouvait jouer alors, puisqu'aucune trace ne nous est parvenue. Des os de mammouth retrouvés en Russie m'avaient laissé perplexe sur la musique qui avait pu en germer. C'est pareil avec les instruments contemporains les plus bizarres dont je fais couramment l'acquisition et qui me laissent libre d'inventer tout ce qui me passe par la tête !
Par Jean-Jacques Birgé,
vendredi 8 octobre 2010 à 01:42 ::Voyage
Nous ne sommes pas venus en touristes, encore qu'habituellement je n'accepte de jouer à l'étranger que si j'ai autant de jours off que de travail. Comme les dernières représentations ont été des voyages éclairs, il ne nous reste que le shopping alimentaire pour prolonger le rêve. Nous faisons donc une razzia sur les tubes de poisson, les charcuteries d'élan et de cerf, le fromage de chèvre marron et le réglisse à toutes les sauces. Les restaurants de Trondheim servent très peu de cuisine locale. Il faut attendre le plantureux petit déjeuner pour goûter aux harengs marinés, saucisses fumées et pains aux graines. Sinon nous nous en sortons très bien entre Setchouan et Penjab en évitant le lapin pour ne vexer personne.
En arrivant au Dokkhuset qui longe le canal, nous sommes surpris de découvrir Frank Zappa, seule image dans la salle où nous allons faire jouer notre opéra. Son œil donnant l'impression de me suivre où que je me promène, je décide de poser devant lui avec le plus dissipé de notre clapier. Il ne suffisait pas du regard moral de mon géniteur, voilà que l'initiateur de mon récit s'y met aussi. C'est tout de même étrange pour un club de jazz d'accrocher le portrait de celui qui faisait malicieusement remarquer : "Jazz is not dead, it just smells funny! (le jazz n'est pas mort, mais il distille une drôle d'odeur)". Ce n'est pas grave ; si encore c'était des singes ou des éléphants, mais nos lapins ne swinguent pas une cacahuète. Cela n'empêche pas cette bande de blasés de récolter tous les suffrages.
La soirée avait bien commencé, le duo Cellulose ayant inauguré le premier tiers de l'exposition avec un didgeridoo et un dispositif digeridesque imaginé par Arnfinn à partir de Pure Data et d'une sorte de monstre à réinjection. La biennale pour l'art et la technologie Méta.morf semble avoir choisi des artistes plasticiens dont les œuvres sont sous-tendues par une véritable réflexion. Cela change de ce à quoi nous sommes habitués et qui en général me fait pester. Fish, Plant, Rack d'Andy Gracie met en scène un éco-système transparent, Henryk Menné postillonne une barbe à papa géante et jaune pour fabriquer 114L entre hasard et contrôle, les lignes de crête des montagnes de Michael Najjar suivent les cours de la Bourse, Erik Olofsen filme depuis son wagon avec une caméra à grande vitesse pour saisir l'instantané de chaque usager sur un quai du métro qui semble infini... Mais nous devons repartir en nous contentant du catalogue pour découvrir le reste de ce qui est présenté. Heureusement, juste avant nous, nous nous laissons bercer par les Waterbowls de Tomoko Sauvage, une Japonaise de Paris qui joue avec des gouttes d'eau dans de grands bols amplifiés grâce à des micros sous-marins. Ses hydrophones composent un très joli programme avec nos bestioles que nous découvrirons en seconde partie derrière le rideau de scène. Leur prochaine étape sera Augsburg en Allemagne, mais Antoine et moi sommes contents de rentrer à Paris après une succession d'aller et retours éreintants, mais ô combien délicieux.
Par Jean-Jacques Birgé,
mercredi 29 septembre 2010 à 09:40 ::Multimedia
Escale bruxelloise. Je ne suis pas revenu depuis les années 50 ! Mes parents m'avaient acheté un Manneken-pis avec une poire. Je prends quelques photos de murs peints inspirés de bandes dessinées et fais le nécessaire pour comparer les chocolats de Laurent Gerbaud et de Marcolini.
Les Galeries Royales St Hubert ont été fermées au public pour la soirée d'ICT 2010. Nos lapins se plaisent bien dans la belle salle du Théâtre du Vaudeville. Je les ai tellement pris en photo que dorénavant je cadre plutôt les décors dans lesquels ils s'ébattent et qui sont souvent étonnants. Nouvelles options aidant, il faut voir les centaines de téléphones portables filmer la scène toute la soirée. Les spectateurs conditionnés par les applications interactives sifflent ou se déhanchent vainement devant notre clapier impassible, exécutant inexorablement leur partition ORL (Oreilles Roucoulade Lumière). Nous dédicaçons le Nabaztag que l'organisateur offre au Ministre bruxellois de la recherche scientifique et de l'innovation, et après un sandwich frugal en guise de dîner officiel, nous terminons la soirée dans un hôtel automatique design où tout est en supplément sauf le savon épais comme un chewing-gum et friable comme une ardoise. Pour les moules frites et la gaufre, c'est tintin, autre spécialité locale. Je souris en me rappelant la devise de notre régisseur londonien : "Smile and invoice !".
Après une nuit très courte et agitée, probablement due à un mélange alcoolisé, je poste mon blog depuis le Thalys, agréablement équipé d'Internet en wi-fi.
Par Jean-Jacques Birgé,
samedi 26 juin 2010 à 00:18 ::Perso
Jeudi à 14h précises ma pâte à prout est officiellement entrée dans les collections du Musée des Arts Décoratifs et, par là même, dans les Collections Nationales. Passée devant la commission, je ne sais pas si c'est la petite ou la grosse, elle portera donc un numéro d'inventaire commençant par 2010 sous le nom de Noise Blaster (ou encore pâte à pet, boîte à pet, boîte péteuse). Je l'avais achetée chez Hanley's à Londres en 1995 pour 4 £. Elle avait été exposée l'année dernière pendant cinq mois à "Musique en Jouets" dans une des ailes du Louvre qui héberge les Arts Décoratifs. Je n'ai pas gardé de photographie et j'ai racheté la semaine dernière à Toronto une pâte à prout toute neuve intitulée cette fois Wind Breaker. Ce produit a tendance à se rétracter et à sécher au fil des années. Pour qu'elle fonctionne au mieux, il est nécessaire qu'il y ait un maximum de pâte lorsque l'on y enfonce les doigts après avoir créé une poche d'air au fond du gobelet. Mais la réputation de cette matière est parfois usurpée, sa mollesse l'empêchant de s'en servir comme cale. Sur la boîte de ma pâte fraîche, il est stipulé qu'elle ne peut être utilisée à l'église, ni en classe, ni en réunion de famille. Sous son nom, on peut lire "Hearing is Believing" (L'entendre c'est y croire !).
Le même jour, sont entrés dans les collections un lapin Nabaztag, donateurs Antoine Schmitt et moi-même, ainsi qu'un piano Michelsonne de Pascal Comelade, plusieurs boîtes à musique, des Playmobil et leurs variations tchèques, des Igracek, soit une infirmière et un ouvrier. À côté de l'objet du délit j'ai photographié un coussin péteur bien que dégonflé, ce qui n'est certainement pas le cas de Dorothée Charles qui a soutenu avec passion la donation de ma pâte à prout, grâce lui soit rendue !
Par Jean-Jacques Birgé,
mercredi 3 février 2010 à 01:39 ::Humeurs & opinions
Traverser héroïquement la route nationale pour acheter le journal ne laissait rien présager de la journée qui venait de commencer. L'installation de Nabaz'mob s'était passée comme une lettre à la poste. Équipe diligente et efficace. Intendance délicate et prévenante. Nous étions choyés. Installés dans les anciens abattoirs de Billère près de Pau, les lapins, pourtant peu friands de ce genre d'endroit, semblaient heureux de se retrouver tous ensemble après un mois d'hibernation. Nous les avions disposés cette fois en arc de cercle sur sept podiums en pyramide dans un espace acoustique pendrillonné agréable, face à des gradins en bois. Tout l'après-midi, nous enchaînâmes interview sur interview, presse papier, télévision, radio, webTV, etc. Les questions avaient beau être toutes aussi motivantes, je tentai d'éviter la répétition en inventant sans cesse de nouvelles facéties, jeux de mots lagomorphes et références philosophiques de plus en plus profondes. Entendre par là une plongée dans les abysses de la nature humaine. Car si notre opéra évoque le contrôle et le chaos, la parabole démocratique devenait de plus en plus épineuse, dévoyée de son sens par la manipulation médiatique. Je ne pouvais m'empêcher d'interroger la question du pouvoir et les abus inévitables qu'il engendre. Remontant jusqu'à des temps immémoriaux, j'évoquai la fâcheuse habitude de notre espèce à asservir toutes les autres. Notez au passage que chaque fois que l'un des cent lapins est tombé (momentanément !) en panne, le public pense que s'il ne fait rien, c'est qu'il doit être le chef d'orchestre, le patron !
La lecture de L'enquête, tome 2 de L'affaire des affaires, bande dessinée de Denis Robert scénarisée par Robert et Yan Lindingre et illustrée par Laurent Astier, a certainement aiguisé mon sens critique. Loin derrière l'écran de fumée des rivalités Sarkozy-Villepin que la presse nous vaporise en gaz anesthésiant, la BD me permet enfin de comprendre ce qu'est une chambre de compensation, depuis sa vitrine légale jusqu'à son rôle occulte de blanchisseur. Banque des banques, intermédiaire pour tractations secrètes, une société de transit comme Clearstream (son nom est explicite !) en sait plus que quiconque sur la marche des affaires et, plus grave, sur celle des États. Au faîte du marché de l'armement comme de celui de la drogue, deux commerces sans lesquels les États-Unis ou la France s'écrouleraient corps et biens, susceptible d'en révéler le pire, elle est quasi intouchable. Un journaliste pugnace vivra-t-il assez longtemps pour prouver l'escroquerie politique et sociale et acceptera-t-on de le croire tant le scandale bouleverserait l'équilibre du monde ? Si vingt personnes le contrôlent, ce ne sont pas des individus, mais des postes dont les titulaires sont remplaçables. Les véritables marionnettes ne se produisent pas sur Canal +, elles incarnent leurs propres rôles au plus haut sommet des États. Notre silence nous rend par ailleurs complices de ce qu'il est coutume d'appeler le complot, mais qui n'est rien d'autre qu'une gigantesque arnaque à l'échelle de la planète. Plus c'est gros, plus ça passe ! On comprendra donc que nos réponses débordèrent largement le cadre d'un spectacle dont le succès populaire ne faisant que grandir nous laisse pantois. Très jeune, j'avais bien imaginé que la notoriété et le propos de mon travail me permettraient de prendre la parole sur les sujets douloureux qui me révoltaient...
À peine notre dernière pirouette effectuée devant l'interviewer zélé que le public se pressait au vernissage organisé par le Pôle Culturel Intercommunal et Accès(s). Des jeunes filles qui avaient glissé leurs propres Nabaztag parmi notre centurie pour les prendre en photo nous demandaient de dédicacer leur animal de compagnie. Des amateurs d'art nous sollicitaient pour des soirées privées. Des élus évoquaient les projets en devenir. Des enfants gambadaient. Nous regardions et écoutions notre œuvre l'œil attendri, l'oreille dressée. Je me demandais bien de quoi j'allais parler, épuisé et frigorifié.
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 21 janvier 2010 à 00:12 ::Perso
J'aurais bien aimé écrire un article rigolo ou évoquer les films d'Albert Dupontel dont nous venons de voir le court-métrage et ses trois premiers longs métrages, mais j'ai du mal à me concentrer avec les tracas qui m'occupent depuis une semaine.
Tout a commencé par un impayé. Nous aurions dû toucher le solde de notre dernier spectacle à l'issue de la dernière représentation, fin décembre, mais on nous apprend ce soir-là que les chèques sont toujours postés pour le 10 de chaque mois. C'est pourtant notre client qui a rédigé les termes du contrat ! Comme je n'ai pas de nouvelles le 12, je tente de joindre la responsable qui est partie en vacances jusqu'au mois prochain. Qu'importe, il suffit de s'adresser à la comptabilité qui, tiens tiens, ne retrouve pas notre dossier. Depuis sa villégiature, notre correspondante a la gentillesse de nous rappeler, mais c'est pour nous annoncer que le chèque est parti le 4 et qu'il a été encaissé. Vérifications, suspicions, enquête. La comptabilité revient sur ses allégations en démentant l'encaissement et réclame une lettre de désistement de ma part. J'insiste pour recevoir un accusé de réception de cette missive, deux jours de plus ! Il faudra encore attendre je ne sais combien de temps pour que l'on nous envoie un "second" chèque. Ce sont déjà trois semaines gagnées pour notre débiteur !
Au bureau des pleurs, j'ajoute que je travaille sans contrat depuis trois mois sur un autre projet pour lequel j'ai peu de retour bien que des bruits circulent de la satisfaction qu'apporte ma musique. Je dois composer une nouvelle partition par manque de précision de la partie adverse alors que j'ai accepté un prix d'ami. Les fantasmes de mes interlocuteurs sont tels que je reste exceptionnellement bloqué devant la tâche. Il n'y a pas de situation plus démobilisante que la sensation que mon travail ne plaira pas. A contrario il n'est pas de meilleure exhortation à l'excellence qu'un environnement serein où je peux donner libre cours à mon imagination sans me poser d'autres questions que celles relatives à l'œuvre qui se construit.
Les délires kafkaïens d'UPS n'arrangent pas les choses. Bloqué en vain lundi, je reçois un message m'informant que je vais recevoir une carte postale parce que mon nom n'est pas précisé pour la livraison !!! Il faut 48 heures pour reprogrammer un nouveau passage, et rebelote, je reste aussi penaud mercredi malgré les promesses qui m'ont été faites. N'envoyez jamais rien par UPS, c'est chaque fois une énorme galère. Alors, que nous réserve aujourd'hui ? J'espère mieux commencer la journée qu'hier matin où j'ai heurté mon petit orteil pour la énième fois. Cela va pourtant déjà mieux de l'avoir écrit, et pardonnez si je vous barbe, mais tout cela flatte si bien mon côté obsessionnel.
Heureusement, j'ai composé un truc "world" assez monstrueux pour un projet post-colonialiste que nous essayons de sortir des ornières. Je continue à m'entendre à merveille avec Antoine qui planche sur le nouvel objet communicant de la sympathique équipe qui a inventé Nabaztag, ainsi que sur notre nouveau spectacle intitulé Mascarade... Étienne Auger vient de terminer la page web consacrée à la mise en ligne de notre scratch vidéo interactif Machiavel, j'en parle bientôt, promis... Nicolas est trop occupé pour attaquer le graphisme de mon nouveau site, mais je compte sur lui à la prochaine éclaircie ! J'ai donc enregistré hier l'introduction générale de 2025 à cloche-pied. La musique arrache bien. Ça décape. Monter le son à tue-tête me fait l'effet d'une purge intellectuelle.
Quant au cas Dupontel, sorte de Keaton contemporain qui aurait décidé de faire la peau des cinémas français et américain réunis par leurs tics en toc, il mériterait mieux qu'une conclusion. C'est drôle, intelligent, incisif, original, voire cinématographique, et cela fait oublier les journées de merde. Nous n'avons pas vu le dernier qui vient de sortir, Le vilain, mais de Bernie à Enfermés dehors en passant par Le créateur c'est de mieux en mieux. La fidélité d'une équipe montre qu'une aventure est aussi marquée par l'ambiance chaleureuse qui l'anime. Me viennent à l'esprit Cassavettes, Vecchiali, Lelouch, Straub et Huillet, Fassbinder, Sorrentino... Ici on repère Boukhrief dans la garde rapprochée (Dupontel joue le rôle principal de l'excellent Le convoyeur), plus Terry Gilliam et Terry Jones en guest stars ! Il y a une vie du cinéma après que les lumières se soient rallumées.
Par Jean-Jacques Birgé,
vendredi 15 janvier 2010 à 11:41 ::Multimedia
Très affairé mais tenu au secret, je ne peux rien écrire. J'enregistre les sons d'interface du nouvel objet communicant imaginé par l'équipe qui a inventé le lapin Nabaztag, mais en plein développement du prototype je ne peux dire un mot. J'enregistre la musique du clip de la CNIL lié à 2025, le projet de serious game porté par Tralalere, mais je ne peux rien montrer avant que ce ne soit officiellement mis en ligne. Je travaille sur le lancement d'un écran augmenté qui pourrait révolutionner le monde de l'art contemporain, mais nous n'en sommes qu'à l'étude des possibles. Tributaire des concertations sur le poème symphonique pour 100 vélos, je ne peux rien faire. L'absence de modèle économique pour l'album de mon centenaire me paralyse. La mise en jeu de mon nouveau site dépend de la disponibilité de Nicolas Clauss. Le prochain spectacle avec Antoine Schmitt ne peut être révélé avant sa création en ouverture du Festival de Victoriaville au Québec. Et les projets avec Françoise Romand, Surletoit, Raymond Sarti, Pierre-Oscar Lévy, Sacha Gattino, Jacques Rebotier, etc. ne sont pas assez avancés pour être évoqués aujourd'hui. Le mutisme n'empêche heureusement pas l'imagination de déborder, même si mes phrases sont ponctuées de la conjonction de coordination "mais" qui marque systématiquement son opposition à mon envie et mon excitation à vous faire partager mon enthousiasme.
Il est d'autres encombrants secrets qui n'auront jamais leur place dans cette colonne. Si la prudence n'est pas un terme qui m'anime, l'intimité des uns, la stratégie des autres, les promesses faites aux uns comme aux autres imposent des limites à la publication. Saurai-je être plus loquace demain ?
Par Jean-Jacques Birgé,
mardi 8 décembre 2009 à 09:40 ::Théâtre
On ne peut jamais s'endormir sur ses lauriers, ni réussir à tous les coups. Il faut toujours compter avec le droit à l'erreur, prise de risque indispensable pour continuer à avancer. L'échec et la déception font partie de la dynamique. Il nous arrive de juger sévèrement un artiste qui nous a jusqu'ici emballés, ou de lui pardonner son ratage. Dans cette profession les fautes ne sont pas mortelles, même si elles sont douloureuses. Il faudrait, par exemple, savoir accorder la même indulgence aux thérapeutes ! Hier soir, nous n'avons pas compris comment Robert Lepage avait pu se planter à ce point avec Le dragon bleu, une intrigue cliché dans une scénographie répétitive avec des comédiens désinvestis. Nous avions adoré Le projet Andersen au même Théâtre de Chaillot ou La face cachée de la lune, un des meilleurs films de ces dernières années, mais sa mise en scène du Cirque du Soleil nous avait déjà déçus. L'idée de découper la scène en vignettes de bande dessinée est sympa, la coupe de la maison de poupée permettant des changements rapides où ne subsiste plus que la virtuosité des disparitions et des apparitions ; le système lasse à la longue.
Me revoilà en train de dégommer au lieu d'encenser. Zut ! Je ne choisis pas. J'aurais préféré évoquer l'excellente après-midi passée avec Olivier Mével et Marc Chareyron venus me raconter le nouveau projet d'objet communicant auquel Antoine et moi participons, mais c'est top secret. Me voilà bien ! J'ai commencé à carburer, à imaginer, à rêver. Le brainstorming permet de dire n'importe quoi. Se donner le droit à l'erreur. Nabaztag est un succès, là où le Mir:ror souffrait de fatales maladresses. Nous repartons pour de nouvelles et excitantes aventures...
N.B. : l'illustration est une suggestion de Nicolas. Je fais rarement exprès, mais des liens inconscients relient souvent les images qui se succèdent sur mon blog !
Par Jean-Jacques Birgé,
lundi 26 octobre 2009 à 00:38 ::Musique
Il est toujours délicat et un peu énervant de rencontrer de (plus) jeunes compositeurs qui ne connaissent pas du tout mon travail et, en ignorant l'origine, m'annoncent fièrement mêler des bandes-son de films à leurs musiques, y ajouter des ambiances réelles ou des bruits de la vie quotidienne, mixer instruments acoustiques et électroniques, faire des montages d'échantillons volés à la radio ou à la télé, accompagner des textes en direct, s'être spécialisé dans les ciné-concerts ou créer de la musique interactive...
Si la paranoïa de Jacques Séguéla lui fit récemment prétendre qu'il inventa la publicité, je me garderai bien d'avancer que je suis l'auteur de la roue. Je ne peux néanmoins m'empêcher de ressentir un pincement au cœur lorsque je ne suis pas crédité pour les innovations auxquelles j'ai contribué. Être un précurseur, en avance sur les modes, n'est pas une qualité. L'orgueil en est flatté, mais la reconnaissance va en général aux suiveurs qui sauront exploiter commercialement ces avancées. L'isolement que cela prodigue ne permet pas de s'épanouir autrement que dans une course effrénée où l'on cherche en permanence à être le premier pour avoir toujours un métro d'avance. Connaissant bien l'histoire des arts et des inventions, j'eus dès mes débuts la précaution de laisser des traces, elles-mêmes relayées par la presse qui, si elle a souvent la mémoire courte, n'efface heureusement pas ses publications. Idem avec les récompenses obtenues dont la liste couvre des champs extrêmement variés. La conscience du temps que tout cela allait prendre m'a poussé à créer mon propre label de disques en 1975 et à revendiquer par écrit mes positions critiques aussi souvent que les occasions m'en furent données. Comme sur ce blog, il m'arrive de me contredire, mais je ne me dédis jamais.
Pour m'éviter des aigreurs, injustes en regard de la reconnaissance dont je profite dans d'autres domaines, je me suis décidé à rappeler ici quelques dates de réalisations qui n'ont jamais été fortuites, puisque toujours initiées par une réflexion incessante sur les arts et le monde qui nous entoure et dont nous sommes à la fois les acteurs et les spectateurs, les victimes et les bourreaux. Je rappelle enfin que mes études de cinéma ont largement influencé mon travail, mais qu'en musique je reste un autodidacte complet, en marge des circuits officiels que prodiguent une origine bien née ou un cursus scolaire exemplaire. Je gagne néanmoins ma vie depuis près de 40 ans en composant une musique "barjo" sans concession et une œuvre multimédia dont le succès n'aurait par contre pas eu besoin de cette mise au point.
1974 : dans mon premier film important, La nuit du phoque, j'exécute des montages radiophoniques cut que l'on retrouvera plus tard dans Crimes Parfaits (1981), développant le concept de "paysage social" contre celui de "paysage sonore" alors en vigueur. Je découvrirai John Cage peu après. J'avais déjà enregistré ma pièce pour ondes courtes et pompe à vélo en 1965 ! Entre temps, j'aurai l'occasion d'écouter la musique tachiste de Michel Magne, les reportages mixés de Barney Wilen, des passages de Luc Ferrari, les Shadoks de Cohen-Solal, les premières œuvres de Frank Zappa, le Poème électronique de Varèse, qui imprimeront leur marque indélébile sur mes propres recherches.
1975 : Défense de, disque entièrement improvisé, mêle les instruments électroniques joués en temps réel (ARP 2600) à des bandes électro-acoustiques créées dix ans plus tôt, des orgues à tuyaux au piano-jouet, des appeaux aux instruments classiques... La réédition CD de ce vinyle, devenu culte grâce à la liste Nurse With Wound, qu'en fit MIO, rassemble plus de sept heures de musique sur le DVD qui l'accompagne en plus du film La nuit du phoque. De 1975 à 1978, j'enseigne la partition sonore à l'IDHEC.
1976 : désirant faire connaître au public les merveilleuses inventions du cinéma muet, j'ai l'idée de jouer en direct une partition contemporaine entièrement improvisée avec le collectif Un Drame Musical Instantané que je viens de fonder avec Francis Gorgé et Bernard Vitet. Nous rejetons le terme improvisation au profit de composition instantanée en opposition à composition préalable. Dans les années qui suivront nous jouerons la musique de 26 films différents. La pratique des ciné-concerts était éteinte depuis l'avènement du parlant. Nous initierons, entre autres, la programmation du Festival d'Avignon (où nous "improviserons" également en direct sur les Jeux Olympiques de Los Angeles). J'ai un petit faible pour La glace à trois faces et La chute de la Maison Usher de Jean Epstein, découverts en 1972 grâce à Jean-André Fieschi, Le cabinet du Docteur Caligari de Robert Wiene, La Passion de Jeanne d'Arc de Carl T. Dreyer...
1977 : Un Drame Musical Instantané enregistre Trop d'adrénaline nuit. La pièce éponyme intègre dynamiquement la bande-son d'un film français de 1936. Dans Au pied de la lettre je dis un texte inédit de Jean Vigo. À cette époque, il était impossible d'enregistrer les films à la télévision, aussi j'en captais le son dans les salles ou sur le petit écran pour les réutiliser ensuite par bouffées (souvent délirantes et toujours sensiques) dans nos œuvres. J'imagine le concept de musique à propos.
1980 : pour le disque Rideau !, je compose Rien ne sert d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer (le titre est emprunté à Guillaume d'Orange par Bernard Vitet) en nous superposant à un orchestre classique qui s'accorde. Je découvrirai beaucoup plus tard Tuning d'Edgard Varèse, comme un adoubement ! M'enfin est quant à lui basé sur un enregistrement réalisé dans le café kabyle en face de chez moi.
1981 : création du grand orchestre d'Un D.M.I. mêlant mes synthétiseurs aux cordes, cuivres et percussion. Francis Gorgé y joue de la guitare électrique. Bernard Vitet fabrique depuis les années 60 de nombreux instruments originaux, lutherie souvent copiée (clavier de poëlles à frire, de pots de fleurs, de limes ; contrebasse à tension variable ; trompes et flûtes chromatiques en PVC, trompette à anche, trompette plongée dans l'eau, cor multiphonique, etc.). À Musica à Strasbourg en 1983 nous créons la musique de L'homme à la caméra de Dziga Vertov pour cet ensemble.
1984 : La Bourse et la vie est une œuvre pour le trio (synthétiseur PPG, guitare électrique, trompette à effets) avec le Nouvel Orchestre Philharmonique de Radio France. En plein théâtre musical, nous risquons une grève (inscrite dans la partition !), mais le chef, Yves Prin, arrange le coup. Sur l'album Carnage, il y a également une pièce où nous remplaçons les instruments et les bruitages par des voix.
1985 : nous renouons avec la tradition des textes accompagnés en musique. Le K sera nommé aux Victoires de la Musique en 1992.
1987 : L'hallali est l'un des premiers CD à sortir en France, certainement le premier en musique nouvelle. Nous utilisons toutes les ressources de ce nouveau support (large plage dynamique, silence). Dans l'opéra-bouffe éponyme, j'utilise le vocodeur pour répondre à la soprano et à la basse qui interprètent les rôles principaux. La même année, je zappe en direct les chaînes de télévision sur satellite pour écrire un scénario à la volée que l'orchestre improvise illico.
1988 : l'album Qui vive ? intègre une radiophonie TV dans Des haricots la fin.
1992 : je participe à la création de la collection de disques Zéro de Conduite produite par André Ricros pour offrir aux enfants des œuvres de qualité conçues spécialement pour eux.
1993 : mon court-métrage Le sniper est la première fiction tournée à Sarajevo pendant le siège.
1994 : l'exposition-spectacle de la Grande Halle de la Villette Il était une fois la fête foraine scénographiée par Raymond Sarti est sonorisée par 70 sources indépendantes et des centaines de haut-parleurs.
1997 : Carton est le premier CD-Rom d'auteur à sortir en France. Je dois ce saut dans le multimédia au Puppet Motel de Laurie Anderson et à la confiance de Pierre Lavoie (Hyptique). Précédemment, avec Au cirque avec Seurat je pose les bases du design sonore dans les œuvres multimédia (humanisation de la machine, évolution de la partition en fonction du temps, notions de palette sonore, etc.). Mon site drame.org date de la même année.
1998 : le CD-Rom Machiavel est une œuvre comportementale réagissant au plaisir et à l'ennui, réalisée avec Antoine Schmitt.
1999 : le CD-Rom Alphabet est jugé par certains comme l'apogée de l'art interactif sur ce support. 15 prix internationaux.
2004 : La Pâte à Son, conçue avec Frédéric Durieu, anticipe le futur FluxTune, des machines à composer la musique sur un modèle radicalement différent du séquenceur.
2005 : Participation à la création du lapin Nabaztag, premier objet communicant grand public. J'invente pour lui tout ce qui passe par le conduit auditif.
En marge de ces créations, je suis fier d'avoir participé à la reconnaissance du statut d'improvisateur à la Sacem, ainsi qu'au dépôt sur support matériel plutôt que sur papier et à la signature collective, des réformes indispensables suite aux nouvelles pratiques. Je regrette que mes conseils n'aient pas été suivis en ce qui concerne la création sur les nouveaux médias et la mutation d'Internet. En ce domaine, mes interventions à la Sacem, à la Sacd et à la Scam semblent avoir été vains.
Toute cette autosatisfaction n'exclut pas que d'autres aient creusé leur sillon avant les miens. En réalité, personne n'invente jamais rien, il n'y a pas de création spontanée. Ce rappel permettra seulement de réintégrer mes différents apports à la chronologie.
Par Jean-Jacques Birgé,
samedi 5 septembre 2009 à 00:15 ::Multimedia
Lorsque nous sommes arrivés à Linz, le clapier qui voyage désormais en trois flight-cases nous attendait. Dans ma valise j'avais pris soin de glisser des vêtements couleur carotte. La soirée de gala était évidemment consacrée à la remise des Prix Ars Electronica. Antoine Schmitt et moi avions volé jusqu'à Linz en Autriche pour recevoir l'Award of Distinction Digital Musics pour Nabaz'mob. Françoise Romand, réalisatrice du petit film qui a fait le buzz, nous accompagne sur les bords du Danube. Puisque désormais Nabaz'mob est appelé à voyager loin, Antoine a placé en avant la version anglophone du site de l'opéra, nabazmob.com. De mon côté je le mets régulièrement à jour en ajoutant des photos prises lors de chaque nouvelle installation ou représentation. Les 100 lapins Nabaztag n'offrent jamais la même interprétation de la partition et la scénographie change chaque fois en fonction des lieux.
Demain dimanche à 19h30, l'opéra ouvrira le Big Concert Night au Lentos, le Musée d'Art Moderne de Linz, dans sa version acoustique, c'est-à-dire sans aucune autre amplification que les 100 petits haut-parleurs situés dans leurs ventres respectifs. Idem à Strasbourg dans la salle de l'Aubette, imaginée dans les années 1920 par Theo van Doesburg, en collaboration avec Jean Arp et son épouse, Sophie Taeuber-Arp, les 24 et 26 septembre, et 1er et 3 octobre dans le cadre du Festival Ososphère. Pour la Nuit Blanche de Metz le 2 octobre, nous serons dans la salle de l'Esplanade de l'Arsenal conçue par l'architecte Ricardo Bofill tandis que le second clapier est toujours au Musée des Arts Décoratifs à Paris jusqu'au 8 novembre dans une version en boucle qui lui aura fait exécuter 2000 représentations !
Si Ars Electronica est le festival où les programmateurs du monde entier viennent faire leur marché de nouveaux médias le gala ressemblait à toutes les soirées du genre, auto-congratulations gigognes à mourir, contre quelques pincées de nouvelles images. Nous nous rattraperons les jours prochains avec une programmation dont la profusion justifie grandement le déplacement des aficionados. L'exotisme le plus ébouriffant était représenté par le buffet typiquement autrichien dressé dans le hall de la Brucknerhaus : des brioches de pomme de terre farcies tantôt de chair à saucisse, tantôt d'un œuf ou d'une prune, accompagnées de pâtes, de riz ou de choucroute ! Depuis la terrasse on peut voir les illuminations de l'Ars Electronica Center sur la rive opposée du Danube qui n'a jamais été bleu. Je m'endors en écoutant le vent siffler sous la porte de notre chambre dont nous avons laissé la fenêtre ouverte pour profiter de l'air pur. Demain nous passons à l'action. Les lapins n'ont plus qu'à se tenir à carotte.
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 30 juillet 2009 à 00:03 ::Pratique
Aujourd'hui je suis allé voir Antoine à la campagne pour mettre nos lapins en boîte. Ils ne manquent pas d'humour. Nous avons commandé trois fly-cases chez Bargraph qui nous a mitonné ça aux petits oignons. Rembourrage en mousse et petites équerres trouées pour fixer des cadenas, histoire d'éviter les évasions pendant les transports. Nous voilà parés, bardés, pour ne pas nous retrouver avec une bande d'éclopés comme du temps où ils étaient trimbalés par des chariots éléventreurs. L'ensemble pesant 141,5 kg dont on soustraira trois fois 18,5 kg, le poids d'une malle à vide, en comptant les tranfos, les routeurs, le hub, le notebook et les 120 bestioles dont 20 remplaçants, le lapin arrive à 720 g pièce de moyenne. Par contre, même au prix de lancement d'un Nabaztag v.1, ça met le lapin à 173 euros le kilo, ce qui est franchement prohibitif pour une viande habituellement bon marché. En répartissant le clapier dans trois caisses on évite de titiller ma hernie discale, la largeur de chacune permettant de les enfourner dans une petite camionnette style Kangoo et leur armature leur ouvrant la soute des longs courriers. Voyez-vous où nous voulons en venir ?
Si je hurle dans l'aquarium en verre qui tient lieu de clapier aux 100 lapins de Nabaz'mob c'est pour me faire entendre de la caméra que tient Olivier Souchard qui a réalisé tous les petits films de l'exposition Musique en Jouets pour le site du Musée des Arts Décoratifs. J'ai eu l'idée de situer là l'entretien, bien qu'il reste très peu de place pour nous deux, parce que c'est une position impossible et intenable. Impossible car les vitrines sont fermées à double tour. Intenable à cause de la chaleur diffusée par les 100 transfos qui alimentent en électricité notre chœur lagomorphe. L'équivalent de seulement 1kW, mais nous sommes dans un milieu quasi hermétique. Il y a tout juste l'espace pour que je me place à un bout et Olivier à l'autre avec les bestioles de profil. Si nous avions diffusé l'opéra, le son qui sort du ventre de chaque lapin aurait couvert ma voix, même avec un micro-cravate. Les vitres parallèles renvoient le son dans tous les sens, faisant rebondir la musique comme autant de balles de ping-pong inépuisables. C'est vrai que souvent je parle fort. Parfois Françoise s'écarte comme si le vent la décoiffait. J'ai trouvé amusante la réflexion qui me dédouble en remplacement d'Antoine, bloqué dans les embouteillages, qui n'arrivera jamais à temps pour le tournage...
Même si je fais des efforts, je ne suis pas toujours très clair. Par exemple, j'annonce qu'il n'y aura qu'une seule œuvre comme celle-ci. C'est vrai et c'est faux. C'est faux, parce que les lapins se reproduisent. Le premier clapier a donné son titre à notre opéra : nous l'avions nommé en référence aux mobs, ces rassemblements d'individus qui ne se connaissent pas et se rencontrent juste le temps d'une action instantanée et souvent loufoque ; 90 propriétaires de Nabaztag avaient ainsi apporté chacun le leur pour participer à l'opéra au Centre Georges Pompidou et Violet avait complété pour arriver à la centaine. Mais la contrainte était trop forte pour continuer ainsi. Il fallait programmer chaque animal et le reprogrammer ensuite avec les réglages de chaque propriétaire, sans compter les annonces et la disponibilité du nombre selon les lieux où nous jouons. Le second clapier, acheté par Atari pour le NextFest organisé par le magazine Wired, est resté à New York. C'est avec un troisième clapier que nous sommes partis en tournée. Lorsqu'il a fallu immobiliser Nabaz'mob pendant cinq mois aux Arts Décos, nous n'avions pas d'autre choix que de mettre une second ensemble en activité, la quatrième centurie. Et ce n'est pas terminé, nous espérons mettre sur pattes très bientôt un troisième clapier, donc le cinquième cent, pour pouvoir nous produire plus facilement en fonction des dates et des lieux. Nos lapins seront ainsi jusqu'au 8 novembre au Musée à Paris pendant que leurs frangins joueront successivement à Linz pour la grande nuit musicale d'Ars Electronica le 6 septembre, puis à Metz le 2 octobre lors la Nuit Blanche et il est question que la troisième fratrie investisse les nuits électroniques d'Ososphère à Strasbourg entre le 24 septembre et le 3 octobre. Un vrai cirque !
Ah oui, j'ai dit que c'était vrai aussi, qu'il n'y en aurait pas d'autre... En effet, nous nous sommes refusés à créer une seconde œuvre avec les lapins et ce pour plusieurs raisons et malgré les possibilités énormes et inexploitées que recèle Nabaztag. D'abord, nous avons, Antoine et moi, déjà pas mal œuvré en participant à l'invention du lapin domestique Nabaztag proprement dit. Ensuite, et c'est lié, nous ne souhaitons pas être systématiquement associés à un animal en plastique. Nous avons une vie en dehors du clapier ! Par contre, nous avons cherché à donner une suite à notre collaboration, après Machiavel et Nabaz'mob, et nous avons enfin trouvé. C'est très avancé. Le script est rédigé, il ne suffit plus qu'à trouver des partenaires avec qui nous entendre. Machiavel jouait sur un rapport un/un, la machine contre l'individu. Nabaz'mob interrogeait encore le contrôle et le chaos, la liberté individuelle et la discipline du groupe, cette fois avec 100 robots. Notre troisième collaboration se concentrera sur un groupe d'êtres humains et sera un spectacle vivant.
Par Jean-Jacques Birgé,
mercredi 24 juin 2009 à 00:56 ::Musique
C'est parti pour cinq mois. L'exposition Musique en Jouets au Musée des Arts Décoratifs, 107 rue de Rivoli à Paris, est inaugurée aujourd'hui pour ouvrir demain. Notre opéra Nabaz'mob y est exposé aux côtés des instruments de Pascal Comelade, des synthétiseurs d'Eric Schneider et des machines mécaniques de Pierre Bastien. Seuls Pierre et nous faisons du bruit. Certains me reprennent en disant que c'est de la musique, mais pour moi, depuis Varèse, toute organisation de bruits est musique. Autour de ces quatre grandes vitrines sont disposés les objets du Musée, hochets princiers, toupies, moulins à musique, culbutos sonores, livres-disques, etc. On peut d'ailleurs écouter une grande partie de ces jouets musicaux sur une borne interactive et sur le site de la galerie des jouets. Excellente idée qui tranche avec la plupart des musées de la musique où les instruments restent tragiquement muets faute de pouvoir y toucher ! J'ai prêté une demi-douzaine de 45 tours 17cm, chansons pour enfants qui ont bercé mes jeunes années, et le 33 tours 25cm de Pierre et le loup... Sur un cartel on peut lire aussi : Pâte à prout, banane harmonica, ballon couineur : collection Jean-Jacques Birgé. J'en suis très fier, pensez, ma propre pâte à prout, achetée à Londres chez Hamleys, est sous vitrine au Palais du Louvre !
Partageant l'exposition en deux, une troisième salle abrite des ordinateurs sur lesquels sont montrés des films et des jeux de tous les cinq. Antoine y propose ses Nanoensembles, machines hypnotiques techno-minimalistes. Tout près, on peut jouer avec le CD-Rom Alphabet ou la Pâte à Son dont la conception musicale est de mon fait, ou avec l'Electric Toy Museum pour lequel Univers-Sons a repris la collection de Schneider. Tout ce monde de rêve qui nous fait régresser joyeusement jouxte une salle inattendue où sont accrochées des toiles que Dubuffet a léguées au musée privé.
La vitre renvoyant des éclats de lumière malgré l'obscurité de notre théâtre noir m'empêche de photographier aisément les lapins. Je rentre dans la cage pour les prendre de profil. Chaque disposition est différente en fonction des lieux. Chaque représentation aussi. On en jugera d'autant plus facilement que l'opéra de 23 minutes se joue ici en boucle. Antoine a tout automatisé, horaires du musée en fonction des jours d'ouverture. À raison de 47 heures par semaine, c'est près de 2000 fois que les Nabaztag referont leur numéro de lapins savants jusqu'au 8 novembre !
Je me débrouille mal avec mon nouvel appareil, je reprends mon vieux Nikon pour capter la pause des rongeurs, mais leurs profils ne produisent pas les mêmes couleurs que d'habitude. On dirait de la porcelaine. J'ai oublié que c'était le nouveau clapier dont la matière plastique est brillante. Je n'ai que quatre fois deux secondes pour réussir l'effet que je cherche à produire. Si je bouge, je dois attendre le nouveau cycle. La musique m'envahit. Quelques nouvelles images viennent s'ajouter à la galerie du site Nabaz'mob. C'est pratique. Tout y est. Film, photos, émissions de télé et radio, presse écrite ou en ligne, fiche technique... Antoine et moi avons décidé de passer à autre chose. L'opéra va voyager et nous planchons déjà sur une suite à Machiavel et Nabaz'mob, radicalement différente même si elle en est la continuité logique. Comme ceux qui nous connaissent auraient pu s'en douter, nous avons choisi de ne pas réaliser d'autres œuvres avec les lapins, bien que nous ayons exploité dans ce cadre qu'une toute petite partie des possibilités de Nabaztag. Savoir nos lapins trépigner aux Arts Décos pendant que nous imaginons quelque chose d'encore plus délirant m'excite au plus haut point...
Par Jean-Jacques Birgé,
samedi 20 juin 2009 à 00:13 ::Expositions
Comme on pouvait s'y attendre, faire jouer nos 100 lapins dans un vivarium rectangulaire ne pouvait qu'exagérer les effets de réverbération et de délai qui profitent merveilleusement à la partition de Nabaz'mob. À l'intérieur de la gigantesque boîte hermétique, le son est grandiose. La musique rebondit sur les parois de verre parallèles comme la lumière se réfléchit en multipliant le nombre de sources. Cela conforte notre opinion que, pour les petites salles, rien ne vaudra jamais le son des 100 petits haut-parleurs sans aucune autre amplification. Au Musée des Arts Décoratifs nous n'avons pas ce choix car les vitres sont inamovibles, aussi avons-nous accroché quatre microphones sensibles au plafond et caché quatre enceintes sous la jupe de la vitrine. Le volume sonore est ainsi parfaitement dosable et l'effet quadriphonique redonne sa dimension spatiale à l'œuvre sans que nous en soyons contrariés. Cela nous permet de trouver un équilibre agréable avec Play Meccano Play, l'installation très percussive de l'ami Pierre Bastien dans l'autre salle, on y reviendra. J'ai panoramiqué les quatre voies de façon à ce que les sons s'étalent de cour à jardin en relation directe avec les lapins qui les produisent, prenant soin de régler un peu différemment le timbre des deux couples stéréo afin de privilégier telles ou telles fréquences. Le résultat nous enchante.
Passé la blancheur des rongeurs, l'obscurité fait ressortir les couleurs lumineuses des museaux et des bedons. Les deux banquettes qui ferment le petit théâtre noir invitent les visiteurs à s'assoir devant le castelet pour assister au spectacle de 23 minutes... Camouflés en carotte et bâton, Antoine et moi avons risqué nos vies en entrant dans la cage pour réaliser une série de photographies étonnantes avec le concours de Leslie Veyrat (aide précieuse à plus d'un titre) et d'Olivier Souchard (qui a réalisé les petits films pour le site des Arts Décos), mais nous sommes ressortis aussitôt alors que les Nabaztag y rôtiront jusqu'au 8 novembre !
Dorothée Charles, tout sourire, virevolte au milieu de la Galerie des jouets dont elle est la conservatrice zélée, secondée par Anaïs David et Anne Monier, toutes aussi efficaces que diligentes. Quel plaisir de travailler dans ces conditions ! Un petit salut au passage à toutes les équipes qui nous ont reçus cette année avec le même entrain.
L'inauguration aura lieu le 24 et l'ouverture le lendemain, jeudi prochain...
Par Jean-Jacques Birgé,
dimanche 7 juin 2009 à 02:16 ::Multimedia
Les nouveaux lapins nous rendent chèvres à s'en arracher les poils qu'on a sur le caillou. Au bout d'une heure, soit trois cycles complets, les cent musiciens v.2 qui composent le second clapier se désynchronisent, mélangeant les mouvements de l'opéra dans une cacophonie absurde qui nous enchanterait si nous ne connaissions pas la partition originale. Antoine et Khaled ont testé le dispositif avec les routeurs habituels, mais les problèmes persistent. L'embouteillage d'informations wi-fi empêchant les Nabaztag de se connecter, ils rebootent au milieu de l'action. Il ne nous reste plus qu'à tout éteindre et repartir de zéro. Heureusement que nous jouons vendredi à Quimper avec le premier clapier qui, s'il se permet quelques incartades dans la joie et la bonne humeur, se tient tout de même à carreau. À clamer que nous travaillons sur l'ordre et le chaos, nous voilà pris à notre propre piège ! Nous avons donc encore quelques jours pour soigner l'épidémie puisque nous sommes censés installer la nouvelle marmaille aux Arts Décos lundi en huit pour l'inauguration qui se tiendra le 24 juin. Antoine doit donc continuer à faire des tests, changeant d'ordinateur, analysant les données, appelant à l'aide Sylvain Huet qui est à l'origine du code et Khaled Chaar, grand spécialiste de la communication lagomorphe.
Si le temps venait à manquer, nous aurions toujours la possibilité d'installer le clapier de v.1 qui a fait ses preuves à New York et St Médard-en-Jalles dans une configuration permanente. Aux États-Unis c'était en fait un ensemble acheté par Atari tandis qu'auparavant les lapins apportés par leurs propriétaires lors de la création au Centre Pompidou avaient essuyé brillamment les plâtres. Ceux avec lesquels nous voyageons régulièrement constituent déjà une troisième centaine et les v.2 qui nous font ces misères forment ainsi le quatrième ensemble que nous dirigeons ! Je blogue sur Nabaz'mob une fois de plus, car j'ai du mal à penser à autre chose, même si Pierre-Oscar m'envoie de bonnes nouvelles qui s'ajoutent à des perspectives musicales d'avenir extrêmement stimulantes. En attendant, je vais glisser mon bulletin dans l'urne, et ce malgré mes critiques virulentes à l'égard de la démocratie bourgeoise. Cette préoccupation n'est pas étrangère à notre opéra dont le sujet initial évoque justement les difficultés à vivre ensemble.
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 4 juin 2009 à 00:11 ::Multimedia
À l'occasion de son exposition code_source qui s'est tenue au festival de Chaumont, le graphiste Étienne Mineur a interviewé une douzaine de designers liés à l'interactivité. On en découvrira une première sélection filmée en HD par Nicolas de Chateau-Thierry sous le titre underscore, échanges autour du design. underscore_2 m'étant consacré, les cinq premières séquences montées mettent en scène Jean-Louis Fréchin, Nicolas Baumgartner, Jean-Philippe Bazin et Electronic Shadow. Les suivants seront Gabriel Jorby, Sacha Gattino, Hervé Mishler, Rémy Bourganel, Fabien Voyer, Philippe Michel et Christophe Rebours.
Les entretiens, filmés à trois caméras, eurent lieu fin avril au studio de Nicolas dans les locaux de Donuts attenants à ceux d'incandescence, décor tout blanc avec quelques rares objets apportés par chaque invité. Étienne Mineur avait choisi quatre questions, reprises par la revue Étapes dans une déclinaison différente :
1. Un bref descriptif de votre parcours...
2. Sur un de vos projets anciens ou actuels, parler d'un point précis où votre apport fut décisif, intéressant, essentiel, original ou imprévu... L’apporter si c'est un objet ou m'indiquer où se trouve ce projet que je puisse faire des captures d'écrans avant l’interview.
3. Depuis les années 1950 quels sont les quatre évènements, étapes, découvertes les plus marquants à votre avis dans votre domaine ?
4. Votre définition de l’interactivité ?
J'avais apporté un Nabaztag accompagné de quatre Nanoztags puisque c'est le projet le plus populaire auquel j'ai participé récemment et que notre opéra Nabaz'mob fait les honneurs de l'actualité ! Nicolas a passé les entretiens en noir et blanc pour ne conserver en couleurs que les documents apportés par leurs auteurs.
Les entretiens montés sont visibles sur le blog d'Étienne.
Par Jean-Jacques Birgé,
mercredi 3 juin 2009 à 00:00 ::Multimedia
Pour effectuer les ultimes réglages de Nabaz'mob en vue de son exposition au Musée des Arts Décoratifs à partir du 24 juin, nous avons dû installer le nouveau clapier sur la moquette du salon au premier étage. Comme "Musique en Jouets" sera présenté jusqu'au 8 novembre et que nous devons continuer à nous promener avec le spectacle pendant ce temps, les lapins se sont donc multipliés. Or nous avons tout programmé en 2006 pour une meute de Nabaztag, des v.1, remplacés depuis par Violet par des v.2 dits Nabaztag/tag qui évidemment ne réagissent pas de la même façon. C'eut été trop simple ! Nous avons été obligés de museler l'orchestre des jeunes, beaucoup plus nerveux que les vétérans, pour retrouver la partition originale, et cela ne s'est pas fait sans mal. Antoine s'est donc chargé de toute l'opération, après que Sylvain Huet lui ait donné les clefs de la programmation. Il a dû écrire un nouvel interpréteur de chorégraphies, rajoutant des commandes comme l'attente des oreilles (qui tournent plus vite que celles des v.1) ou le random, intégrant notre système de commande à distance, modifiant l'exportateur de la partition pour qu'elle contienne la durée des fichiers midi (les v.2 n'ayant pas conscience qu'un fichier midi a fini de jouer, ils étaient coupés parfois avant la fin), etc. Par exemple, les moteurs des v.2 tournant quatre fois plus vite que ceux des anciens, les synchros sur les fins de mouvements d'oreille étaient cassés. Antoine a donc ajouté la durée de rotation des v.1 dans la partition pour que les v.2 se calent dessus. De mon côté, j'ai dû repartir des fichiers midi originaux, car l'un d'eux, un seul mais il fallait bien résoudre le casse-tête, ne délivrait que du silence sans que nous n'en ayons jamais compris la raison. Enfin Antoine a mis en place un "process" pour modifier la partition si nécessaire et tester facilement d'éventuelles modifications. Alors voilà, hier on lance tout, et nous nous retrouvons avec un bouchon wi-fi inexplicable, si bien qu'aujourd'hui nous espérons que la science de Khaled Chaar va nous sortir de cet embouteillage. Avec trente lapins cela fonctionne, mais au-delà les bestioles ne renvoient plus les informations aux serveurs. Pendant ce temps, je compare le son des deux orchestres. Celui des petits nouveaux est beaucoup plus métallique, faisant ressortir certaines fréquences aigües et des distorsions qui me plaisent, mais qui changent le son d'ensemble. C'est passionnant. Déjà que Nabaz'mob, par la liberté accordée aux 100 lapins communicants, nous surprenait à chaque représentation, voici que nous nous retrouvons à la tête de deux ensembles interprétant de manière très différente notre opéra. La transposition anthropomorphique des petits robots devient de plus en plus troublante.
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 28 mai 2009 à 00:01 ::Multimedia
Nous sommes fiers d'annoncer aujourd'hui que notre opéra pour 100 lapins communicants, Nabaz'mob, vient de recevoir l'Award of Distinction Digital Musics du Prix Ars Electronica 2009. La cérémonie aura lieu le 4 septembre à Linz en Autriche au cours du festival qui se tiendra du 3 au 9.
Pendant qu'Antoine Schmitt termine d'adapter le second clapier constitué de v2, des Nabaztag/tag, à la partition que nous avons écrite ensemble, je me perds dans des stratégies de communication pour annoncer l'inauguration de l'exposition "Musique en Jouets" le 24 juin au Musée des Arts Décoratifs à Paris qui se tiendra jusqu'au 8 novembre 2009. Les lapins au Louvre, on aura tout vu ! Cela se passe dans une aile du Louvre pour être précis, avec des lapins qui ne savent pas encore voler, mais faut voir... Aux côtés de Nabaz'mob, participent également Pierre Bastien et ses drôles de machines en Meccano, Pascal Comelade et ses instruments-jouets et Eric Schneider et sa collection de synthétiseurs pour enfants. Dans la salle des machines seront présentés, entre autres, la Pâte à Son que j'ai réalisée avec lecielestbleu et Alphabet, chef d'œuvre épuisé de la grande époque du CD-Rom, que Frédéric Durieu, Murielle Lefèvre et moi-même créâmes dans la joie et l'allégresse d'après l'illustratrice Kvĕta Pacovská il y a dix ans déjà.
Recevoir le Prix Ars Electronica 2009 devrait nous permettre de faire voyager toute la marmaille, d'autant plus facilement que nous serons désormais à la tête de deux clapiers, sur les traces du Théâtre du Soleil à se démultiplier aux quatre coins du monde ! D'ici là, nous serons à Quimper le 12 juin au Théâtre de Cornouaille lors de l'évènement "Entre chien et loup" pour deux représentations.
Par Jean-Jacques Birgé,
vendredi 15 mai 2009 à 00:05 ::Multimedia
Rapides, efficaces, Antoine et moi avons entrepris un marathon hier pour notre opéra Nabaz'mob qui sera présenté au Musée des Arts Décoratifs du 24 juin au 8 novembre dans le cadre de l'exposition Musique en Jouets. Nous sommes d'abord allés chercher les 120 lapins v.2 dans une zone d'activités extra-terrestre, no man's land de hangars parallélépipédiques en métal où l'on est fouillé électroniquement et physiquement par la sécurité dès que l'on franchit le moindre portail. À l'intérieur du stock, nous assistons à un ballet de chariots-élévateurs ahurissant. En voyant la hauteur du bâtiment et les lames de métal qui s'emparent des palettes je comprends mieux comment nos malles avaient été éventrées par un conducteur indélicat. Notre énorme colis tient parfaitement dans ma vieille Espace. Il faudra que nous la dépiautions lorsque nous serons rentrés pour pouvoir ranger ce nouveau clapier à la maison en attendant de faire les essais. Antoine doit d'abord terminer les réglages pour adapter la programmation à ces Nabaztag de seconde génération. Les oreilles tournant plus vite, nous ignorons encore comment cela agira sur les lumières et la musique... Nous sommes ensuite passés chez Violet récupérer les dix-huit lapins qui avaient justement été blessés dans un accident de stockage. Ils sont enfin rétablis, prêts pour le prochain spectacle qui aura lieu à Quimper le 12 juin au Théâtre de Cornouaille pour le festival "Entre chien et loup". Restait la question des 25 multiprises, pour le nouveau clapier, que nous avons résolue au BHV, certainement l'endroit où nous avons constaté le plus de choix pour le matériel électrique. Les barres droites ne coûtaient que 5 euros pièce contre 14 pour les étoiles que nous utilisons habituellement. Bleues, elles se fondront mieux dans le décor. Cela n'a pourtant aucune importance puisque nous les camouflons toujours sous des pendrillons noirs... Il ne nous reste plus qu'à faire fabriquer des flight-cases pour pouvoir prendre l'avion avec toute la marmaille. Nous voilà donc à la tête de deux clapiers de cent lapins, le premier destiné à voyager tout autour du monde, le second pour l'instant plus sédentaire, élisant domicile pour cinq mois dans une aile du Louvre !
Mais le plus excitant reste à venir. Nous avons commencé à travailler sur un nouveau projet qui fera suite à Machiavel (1999) et Nabaz'mob (2006). Le premier était un scratch vidéo interactif de 111 boucles, objet comportemental réagissant au plaisir et à l'ennui. Le second, évoqué ci-dessus, interroge les notions de contrôle et d'indiscipline. Le troisième entraînera les spectateurs dans la tourmente, mais il est beaucoup trop tôt pour en dévoiler les secrets. Nous sommes enfin excités après avoir longtemps cherché ce que nous pourrions faire ensemble après Nabaz'mob. Il s'agira d'une œuvre plus explicitement politique que les précédentes, sans pour autant négliger la fascination spectaculaire que suscitent les mises en abîme.
Par Jean-Jacques Birgé,
dimanche 10 mai 2009 à 00:00 ::Multimedia
Antoine Schmitt m'envoie mon nuage de tags (à gauche) que le site 123people.fr a compilé après qu'il ait tapé mon nom dans le champ de recherche.
Le moteur prétend explorer presque chaque recoin du Web pour vous aider à trouver des informations sur vos (futurs) proches. Grâce à (sa) technologie de recherche, trouvez les profils de vos amis, de connaissances ou de célébrités. Chaque profil 123people comporte des adresses email, des numéros de téléphone, des images, des vidéos, des profils issus de plateformes communautaires, de Wikipedia, et bien plus encore... Tous ces résultats sont automatisés et rassemblés en temps réel à votre demande spécifique. Aucune information n'est stockée et les adresses email, postales et les numéros de téléphone proviennent de banque de données publiques locales (France) et internationales.
Rien de très nouveau, pas de surprise, une googlisation classique donne même plus de résultats, à condition que l'on y passe du temps, tout dépendant de la notoriété de la personne et donc du nombre de pages que le site de recherche a indexées. Les agrégateurs de flux RSS comme Netvibes nous ont habitués à embrasser d'un coup d'œil les réponses que nous attendons. 123people accélère la recherche, résume et compile.
C'est évidemment la compilation qui est amusante, à l'image de l'outil "synthèse automatique" du logiciel Word qui résume un texte, le nuage de tags vous taille un costard en deux coups de cuillère à vous faire la peau.
Mon portrait au nuage de tags est plus fidèle que d'autres essais que j'ai ensuite réalisés en tapant le nom de mes camarades. Précédées opportunément par Musical et Instantané, mes casquettes de compositeur de musique et designer sonore me conviennent parfaitement après mon lien au Cinéma appuyé par L'image. La nature de mes productions (Disques Grrr, Cd-roms - souligné par la répétition !) précisent quelques uns de mes succès (Carton, Machiavel, Nabaztag, le Sniper, Alphabet et Drame pour Un Drame Musical Instantané). Mon attachement à Paris s'inscrit en lettres géantes, ma collaboration avec Nicolas Clauss occulte celle avec Antoine Schmitt, même si Machiavel est en bonne place et que le pluriel de lapins renvoie à notre Nabaz'mob ! Les choix mécaniques sont aussi arbitraires que s'ils avaient été décidés par un être de chair. Je pense aux absences, à commencer par ce blog qui m'occupe quotidiennement et, à côté de mon nuage de tags, je copie-colle celui de Françoise, aussi réussi, si si. Antoine précise "qu'il faut de la matière (beaucoup de pages et de texte) pour que l'algorithme fonctionne". À suivre (sic).
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 2 avril 2009 à 06:28 ::Multimedia
Le retour des lapins serins. Leur lumière intérieure leur a greffé des petites pattes porte-bonheur. Assis sur leur derrière, ils attendent avec nous l'ouverture du festival Des souris et des hommes pour faire leur entrée. Comme prévu et espéré ils se sont reproduits. On les voit partout sur les murs de Saint Médard. Le programme stipule : "Plus fort encore que le lapin Duracell™, plus drôle encore que Bugs Bunny, une armée de lapins Nabaztag® vous donne rendez-vous..." C'est sympa. Pourtant il n'y a rien de militaire dans cette meute centurionne dont la discipline n'est pas son fort. Nabaz'mob n'essaie pas de démontrer sa supériorité technologique, ni d'amuser la galerie en remuant les oreilles. Le propos est d'être ensemble, mais sans y parvenir. Cocteau disait que la France est un pays où la dictature ne pouvait pas prendre, trop d'indiscipline et d'individualisme, "c'est une cuve qui bout, qui bout, mais qui ne déborde pas". La dialectique entre ordre et chaos fait tout le charme de ce spectacle "à voir en famille" ! Après un premier mouvement que nous qualifierons d'arbre de Noël, le second est sombre et menaçant. On passe des guirlandes multicolores à un parterre de plantes carnivores dont les tentacules volcaniques lèchent l'obscurité de leurs petites flammes brûlantes. Le dernier mouvement me ressemble plus que les autres. Une histoire de la musique passée à la moulinette d'un délai de 100 et au crible de l'opéra. Exposition, action, catastrophe... Aujourd'hui dans la grande salle, demain dans une grande boîte noire en représentation permanente. Ce sera la première fois que les cent lapins interprèteront leur partition sans aucune amplification. On pourra percevoir le son de chacun des cent haut-parleurs. Ding, diling diling, dilililililililililing...
Par Jean-Jacques Birgé,
mardi 17 février 2009 à 00:52 ::Multimedia
Je devrais m'arracher les cheveux, mais ils sont beaucoup trop courts pour pouvoir les attraper. La société Violet m'a demandé de fabriquer de nouveaux jingles pour dal:dal, une boule de cristal qui fait de la lumière et produit des sons comme Nabaztag, mais qui ne parle pas. J'avais déjà livré il y a plusieurs mois des sons midi à intégrer dans la puce interne, les douze heures de l'horloge avec variation de timbres pour chacune d'elles et des chimes pour ses humeurs. Le casse-tête réside dans la nécessité de rendre explicites les services en préservant l'identité du nouvel objet communicant et sans paroles. Par exemple, la météo doit exprimer le temps qu'il fera ; on peut toujours imaginer quoi faire pour le soleil, la pluie et l'orage, mais comment rendre la neige, les nuages ou le brouillard ? Pire, je dois suggérer la température ! Un autre exemple, le trafic sur le périphérique : la densité de la circulation doit pouvoir se comprendre, mais je dois aussi respecter le côté "cool" de dal:dal, donc pas question de faire des bruits d'embouteillage ! De toute manière, mon idée n'est pas d'être réaliste, mais d'imaginer une transposition poétique, en sons, des services programmables par l'utilisateur. Et me voilà donc à chercher une logique globale, une palette sonore, qui colle à l'objet et ses fonctions, que ce soit la qualité de l'air ou les cours de la Bourse...
J'obtempère pour une transposition musicale avec des instruments plutôt "new age", enfin avec moi c'est une façon de parler, en misant sur l'apprentissage progressif des codes, un peu comme les jeux de lumière avec lesquels Antoine jongle de son côté. Cela ne m'empêche nullement d'essayer d'évoquer toutes les nuances qu'énumère le cahier des charges. La flûte collera bien à la météo, les arpèges de harpe à la Bourse, le trombone et le cor d'harmonie pour le trafic, un hautbois pour la qualité de l'air, des claviers de percussion pour le réveil et des sons de percu sans hauteur déterminée pour le reste, envois et réception d'emails, de contenu, Twitter et tutti quanti. Ensuite il faut que je trouve les effets particuliers à chaque instrument pour rendre le plus explicite possible les réponses de dal:dal aux interrogations de l'utilisateur, du glacial à la canicule, de l'arrêt complet au fluide, etc. J'embrasse dans le même élan la vue d'ensemble et le traitement de chaque signal. C'est tout un équilibre.
Au fur et à mesure que j'enregistre, les sons s'articulent les uns avec les autres, l'ensemble trouve sa logique, et les premiers tests commencent à me rassurer. Cet exercice périlleux exigera encore que mon travail plaise à mon interlocuteur. Je mise sur le fait qu'Olivier Mével est un chef d'entreprise visionnaire ayant su insuffler de la poésie à ses créations technologiques. Je dois chaque fois assimiler toutes les données du cahier des charges, les tacites et celles que l'on a oublié de me fournir mais que je me targue de subodorer ! Chaque objet, comme chaque projet, obéit à sa propre logique. Il n'est pas question de le laisser ressembler à un autre, car c'est dans sa spécificité que résident les enjeux et les solutions.
Pour le son de bienvenue qui ne joue qu'une seule fois à la première utilisation de l'appareil, je choisis de rappeler la musique que j'ai composée pour les clips vidéo de Nabaztag et Mir:ror (pas encore en ligne), histoire de donner un air de famille à tous les objets Violet. Simplement j'ajoute un effet de sparkling stick aux arpèges du glockenspiel, en d'autres termes j'essaie de faire pétiller les lames du métalophone en mixant une piste suraigüe désynchronisée à la mélodie principale, me rapprochant ainsi de l'idée initiale.
Il ne suffit pas d'imaginer, il faut trouver la solution pour faire basculer les rêves du côté de la réalité, ou du moins les rendre crédibles.
Par Jean-Jacques Birgé,
vendredi 2 janvier 2009 à 07:53 ::Multimedia
En prévision de la conférence du 22 janvier prochain organisée par les Designers Interactifs à l'ENSCI en compagnie de Nicolas Misdariis et Roland Cahen, j'ai répondu aux questions de Xavier Collet qui introduit ainsi les neuf chapitres de notre entretien que j'ai découvert hier grâce à un mail d'avertissement automatique de Google : "Nous vous proposons de découvrir aujourd’hui l’interview de Jean-Jacques Birgé, designer sonore, compositeur, cinéaste et également pionnier de la création “multimédia”. L’épaisseur du personnage a influencé la forme de cette entrevue. Nous devions parler design sonore et médias interactifs, mais chez Jean-Jacques Birgé, toute pratique artistique ou de design s’inscrit dans une démarche globale qui transcende les disciplines, les styles, les écoles, une démarche qui questionne la société, une démarche qui s’engage, s’affirme et qui est capable d’inventer sa propre place dans le monde. Ainsi le format de l’interview est, comme la précédente, divisée en questions, car il fallait bien un cadre, mais celles-ci se prolongent dans des digressions, des anecdotes qui sont le témoignage d’une vie consacrée à l’art, au design et à la recherche d’une vérité personnelle. Une interview pleine de sincérité et d’humanité en ces temps Orwelliens de manipulation généralisée et de barbarie économique."
C'est amusant, Xavier Collet a souvent terminé les chapitres qu'il a découpés par l'un de mes éclats de rire. L'ensemble des neuf chapitres dure moins d'une heure, alors que mon intervention devra durer seulement quinze minutes avant de retrouver mes collègues autour d'une table ronde. Je l'ai donc structurée en trois parties de cinq minutes qui me laissent libre d'improviser. Après une très courte présentation autobiographique, je compte expliquer comment j’en suis arrivé au design sonore, à Nabaztag (c'est la commande) et aux choix qui s'y rapportent (voix féminine, charte sonore, identifiants de connexion…). Je commenterai ensuite une succession d’exemples sonores déjà montés entrecoupés de silences, espérant que l'enregistrement saura m'interrompre avec humour et à propos, le temps ramassé induisant un duel plus qu'un dialogue. Je crains trop les interventions figées où je m'endors comme tout un chacun, les projections illustratives type PowerPoint et les éternels ressassements. Le quart d'heure ne permettant pas la digression, j'envisage ma prestation comme un challenge scénique qui me fiche la trouille, ce qui est toujours de bonne augure, un juste équilibre entre la confiance et le risque. Je terminerai en évoquant Nabaz'mob, l’opéra pour 100 lapins avec en coda le petit film de la création avec Antoine Schmitt réalisé par Françoise Romand.
Par Jean-Jacques Birgé,
mardi 4 novembre 2008 à 01:21 ::Théâtre
Prélude
Hallucinant ! Nos lapins ont envahi Besançon, affiches géantes sur les panneaux de la ville et chez les commerçants, format large au cul des autobus, 40x60 un peu partout, autocollants, type vitrail pour coller sur les vitres, sans compter le programme, les invitations et le site du passionnant festival Musiques Libres 2008 dirigé par Philippe Romanoni.
Jamais il n'y eut autant des spectateurs, dit-on, Nabaz'mob allant jusqu'à jouer un rôle de locomotive pour le reste des spectacles qui affichèrent une hausse de 40% de fréquentation par rapport aux années précédentes !
Nabaz'mob
Nos cent rongeurs wi-fi en plastique blanc n'attrapent pas pour autant la grosse tête et jouent leur partition impeccablement, si ce n'est le quatrième olibrius du premier rang côté cour qui accuse un léger retard systématique, valorisant la meute de ses congénères appliqués à remuer leurs oreilles comme les tentacules menaçantes d'un parterre d'anémones de mer. Ils jonglent avec leurs cinq leds multicolores, s'ils ne les contiennent pas dans un ensemble aussi sombre qu'envoûtant.
Dans l'ancien cirque couvert du Kursaal, l'acoustique aurait permis de jouer sans amplification, nous faisant profiter du mouvement organique produit par les cent haut-parleurs cachés dans leurs petits ventres (oui, Nabaztag est une pythie ventriloque, puisqu'elle n'a pas de bouche et parle avec son ventre lumineux), si nous n'avions craint, à tort, que la musique n'atteigne difficilement les spectateurs perchés jusqu'au second balcon.
Analyse
Fred Jimenez dans L'Est Républicain d'hier lundi : BEN MON LAPIN !
(...) Le symphonique lapinos de Jean-Jacques Birgé et Antoine Schmitt a laissé plus d'un spectateur pantois, hier, en clôture du festival Musiques Libres. Ce concert pour cent Nabaztag, ces petits lapins numériques commandés via connexion wi-fi, avait attiré nombre de couples avec leurs jeunes, voire très jeunes enfants, dans un Kursaal quasi comble. Mais le spectacle n'avait rien d'un conte anecdotique. Il fallait se laisser gagner par la poésie douce-amère de ces petites créatures dont les oreilles balayées par le son faisaient penser aux anémones de mer caressés par un courant sous marin. Le chuchotement amplifié des lapins communicants redistribuant avec force effets lumineux les musiques (...), avait quelque chose de poignant, voire touchant, de l'ordre d'une fable désespérée sur la condition humaine. La fixité robotique des intervenants, privés de libre arbitre, inspirant un déroutant retournement sur la question de sa propre sensibilité aux mouvements de masse. Cette partition chorégraphique a été accueillie avec une attention religieuse par le public, même le plus jeune.
Postlude
À la sortie du spectacle, soufflait le ventilateur de l'installation Cube-Mouvement de la jeune coréenne Oh You Kyeong, élève de Penone, dans le théâtre du Grand Kursaal. 3300 boîtes en papier léger valsent au gré de la fantaisie des courants d'air. Les cubes se soulèvent, se bousculent, s'envolent, retombent, se calent, s'expulsent et cabriolent encore. Nous sommes restés longuement devant les figures chorégraphiques, admirant les principes d'incertitude qui transformaient sans cesse l'œuvre qui nous surprenait en inventant de nouvelles figures. Cubes blancs contre lapins blancs, trente trois fois plus nombreux, c'est en frères qu'ils partagent l'espace avec nos lapins ou lapines (la question est le grill).
Notes persos
Notre excursion bisontine me permit de retrouver le designer sonore Patrick Susini, de vieux copains comme la chorégraphe Lulla Chourlin (avec qui le Drame monta Zappeurs-Pompiers dans les années 80 alors qu'elle s'appelait Lulla Card) et le compositeur Patrick Roudier (rencontré à l'époque de Rideau ! et pour qui Bernard et moi jouâmes les rôles de Moïse et Aaron dans l'opéra de Schönberg ainsi que Ninetto Davoli et Toto dans Uccelacci e uccelini !). Nous échangeâmes d'amusantes évocations psychanalytiques avec Lucia Recio et Xavier Garcia venus représenter leur Radiorama. J'entendis quelques minutes du duo de Didier Petit et André Minvielle avec beaucoup d'émotion. Les facéties scéniques du Trio de Bubar excitèrent notre appétit. J'ai d'ailleurs rapporté du morbier, du comté, de la cancoillotte artisanale à l'ail et une saucisse de Morteau. L'accueil de toute l'équipe de Musiques Libres fut si chaleureuse qu'elle mérite enfin d'être signalée...
Par Jean-Jacques Birgé,
vendredi 31 octobre 2008 à 00:45 ::Multimedia
Miroir miroir, entre hier et aujourd'hui, on n'en sort pas !
Après avoir connecté des lapins (280 000 Nabaztags vendus à ce jour), Violet étend le concept à tous les objets ! La firme française lance donc son nouvel objet communicant, le Mir:ror, premier lecteur de puces RFID grand public. La version 2 de Nabaztag, dit Nabaztag/tag, possède déjà un tel lecteur caché derrière son museau. J'ai évoqué ici mon travail de design sonore pour la petite soucoupe blanche qui se branche sur le port USB de notre ordinateur et que nous avons mis au point avec Antoine Schmitt, lui-même designer comportemental de tous les objets Violet, avec qui je travaille depuis quatre ans sur ces drôles d'ovnis apparus à l'orée du XXIème siècle, sans oublier notre propre détournement artistique de l'objet industriel, l'opéra Nabaz'mob pour 100 lapins Nabaztag (prochaine représentation dimanche prochain 2 novembre au Festival Musiques Libres de Besançon).
Violet sort donc Mir:ror (39 euros avec un Nanoztag et trois Ztampz) et lance son nouveau site, my.violet.net, "une véritable plate-forme applicative, un «violet objet operating system » (V.O.O.S.) permettant d'associer à la présentation d'un objet communicant des actions informatiques basiques mais ouvrant également la voie à des applications plus complexes. On peut aussi associer à un même Ztamp plusieurs applications. Si votre porte-clef est équipé d'un Ztamp et que vous le posez devant votre Nabaztag ou votre Mir:ror en rentrant chez vous, cela peut immédiatement déclencher la lecture d'un fichier audio, y compris chez d'autres possesseurs de Nabaztag ou de Mir:ror, mettre à jour votre statut Facebook, voire allumer une lumière si celle-ci est raccordée à une prise communicante. Avec la future démocratisation de la domotique, les possibilités du V.O.O.S. sont infinies" explique Rafi Haladjian. J'ai comparé Mir:ror à un raccourci objet comme il existe des raccourcis clavier, une manière d'automatiser des gestes récurrents grâce à une interface ludique.
Après avoir composé des jingles midi pour le synthétiseur interne du Mir:ror, j'ai livré à Violet toute une flopée de petits sons, joués par l'ordinateur ou la lapin, se rapportant aux premiers services proposés : lancer un fichier depuis le bureau, verrouiller son ordi, envoyer un mail, lancer l'économiseur d'écran, envoyer un message à un objet Violet, lire un texte, poster un message à Twitter, compter les Ztamps, jouer un slideshow, appeler un url, visualiser un film sur DailyMotion ou YouTube, se connecter à Skype, contrôler iTunes, simuler les touches du clavier, etc. J'ai choisi des sons courts et simples qui rappellent chaque action. À l'instar de tous les jingles et identifiants que j'ai composés pour Nabaztag, leur sonorité est mécanique, pour faire vivre l'objet physique plutôt qu'insister sur ses prouesses technologiques. J'ai transposé cette fois l'anthropomorphisme du lapin à un phénomène d'identification avec des gestes quotidiens pour conforter les utilisateurs dans un univers rassurant malgré le côté high-tech de tous ces nouveaux objets. Dans ce type de travail, la difficulté majeure réside dans la répétition des tâches et donc des sons qui ne doivent pas lasser après des mois d'utilisation. Essayant toujours de me mettre à la place des futurs utilisateurs ou spectateurs lorsque j'invente quoi que ce soit, je teste ensuite in situ tout ce que j'ai réalisé. Les nombreux commentaires entendus ne font que valider mes suppositions. J'attends maintenant avec impatience ma collection de petits lapins de toutes les couleurs, les Nanoztags, pour pouvoir coller sous leur base les Ztampz dont je choisirai moi-même l'action auquel chacun correspondra !
Par Jean-Jacques Birgé,
dimanche 5 octobre 2008 à 10:25 ::Multimedia
La matinée avait mal commencée. Je suis déjà en route lorsque qu'Antoine m'appelle pour me prévenir qu'il ne sera pas à l'heure au montage de notre opéra à Bercy Village. Sa vieille Clio, sur le parking de la gare près de chez lui, s'est fait vandalisée dans la nuit. Les gamins sont allés jusqu'à déchirer en petits morceaux tous les papiers qu'ils ont trouvés, les contraventions dans la boîte à gants (!), s'attaquant au siège bébé, défonçant le tableau de bord, arrachant les leviers... En agrandissant la photo, on aperçoit la mine déconfite et médusée de sa compagne et de sa fille découvrant le sinistre. Tout au long de cette folle journée, les mœurs humaines n'en finiront pas de nous surprendre...
Sous le Passage Saint-Vivant, vestige en pierre de taille des anciens entrepôts, Benoît et Daniel m'aident à placer les 100 lapins sur les podiums en gradins. Devant la difficulté de sonoriser les petites bêtes dont le son est très discret, nous plaçons les enceintes des haut-parleurs au milieu de la ruelle couverte pour que le public entende la musique au fond de la salle tandis que les premiers rangs profitent du son direct des cent petits haut-parleurs cachés dans le ventre des Nabaztags.
Avant même que le soir ne soit tombé, l'attraction des petits robots wi-fi provoque une affluence encore jamais vue à Bercy-Village. Les scanners placés sous les portiques des entrées nous donneront bientôt les chiffres de fréquentation, des milliers de noctambules faisant la queue jusqu'à deux heures du matin bien que la fin du spectacle ait été annoncée. Dès la seconde représentation, là où nous attendions vingt enfants du Parcours Paris-Mômes, il en arrive deux cents. Nous multiplierons les séances, en enchaînant dix coup sur coup au lieu des six prévues, mais nous ne pourrons accueillir que le quart des spectateurs venus assister à notre opéra Nabaz'mob. Des dizaines de copains feront demi-tour, découragés par la foule compacte qui a envahi le Cour Saint-Emilion. France 2, France 3, TF1 se succèdent pour leurs journaux respectifs d'aujourd'hui dimanche. Antoine reste zen, donnant l'ordre aux bestioles d'entamer chacun des trois mouvements les uns après les autres, tandis que je tente de gérer la salle, l'afflux, la presse et le stress que produit chez moi autant de monde. La dernière séance est ponctuée des cris des manifestants dépités de n'avoir pu assister au spectacle. À leur tour, ils entonnent en chœur "Libérez les lapins !". Ceux-ci, stoïques jusqu'au bout de la soirée, sauront imposer le silence pour se faire écouter.
Maÿlis et Françoise nous aident à ranger les bestioles et leurs oreilles articulées dans leurs malles. Il est trois heures lorsque nous regagnons nos pénates, fourbus, mais évidemment contents du succès remporté par notre opéra contemporain, nous remémorant les milliers d'yeux pétillants que le spectacle a enchanté tout au long de cette Nuit Blanche hallucinante.
Par Jean-Jacques Birgé,
samedi 4 octobre 2008 à 07:09 ::Multimedia
C'est ce soir le grand soir. Nos lapins sortent pour jouer leur partition du diable. Sans sa chorégraphie auriculaire et lumineuse, leur chant instrumental aurait-il le même pouvoir de séduction ? J'en doute. Comme chacun sait, la musique contemporaine avec les documentaires animaliers, cela fonctionne très bien ! Notre fiction critique et lagomorphe semble obéir aux mêmes lois, celles des utopies.
Nabaz’mob à la Nuit Blanche
Opéra pour 100 lapins communicants Nabaztag
Chorégraphie et musique d’Antoine Schmitt et Jean-Jacques Birgé
Samedi 4 octobre
séances de 23 minutes, ce soir à 20h / 21h / 22h / 23h / 24h / 1h
Bercy Village, passage Saint-Vivant – Paris 12e
M° Cour Saint-Emilion (ligne 14, ouverte toute la nuit, les autres métros roulant jusqu'à 2h15 !)
100 lapins Nabaztag interprètent, tous ensemble, un opéra composé par Antoine Schmitt et Jean-Jacques Birgé. Convoquant John Cage, Steve Reich, Conlon Nancarrow ou György Ligeti, cette partition musicale et chorégraphique ouverte en trois mouvements, transmise par Wifi, joue sur la tension entre communion de l'ensemble et comportement individuel, pour créer une œuvre forte et engagée. Cet opéra questionne les problématiques du comment être ensemble, de l'organisation, de la décision et du contrôle, qui sont de plus en plus centrales et délicates dans notre monde contemporain. Antoine Schmitt et Jean-Jacques Birgé sont respectivement le designer comportemental et le designer sonore du lapin Nabaztag fabriqué par Violet. Ils ont choisi de pervertir l'objet industriel pour en faire une œuvre artistique où la chorégraphie d'oreilles, les jeux de lumière et les cent petits haut-parleurs cachés dans le ventre de chaque lapin forment une écriture à trois voix s'appuyant sur le décalage temporel et la répétition, la programmation et l'indiscipline. Une Nuit Blanche à Bercy Village pour les petits et les grands : à voir absolument et en profiter aussi pour voir l’exposition de Paris Mômes «Photographie la nuit».
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 2 octobre 2008 à 02:09 ::Multimedia
Nous pensions attendre sagement samedi, mais nous voyons des lapins partout, nous lisons du lapin, nous entendons du lapin, nous mangeons du lapin.
Dans Le Journal du Dimanche du 28 septembre, le commissaire-priseur Pierre Cornette de Saint-Cyr, président du Palais de Tokyo, suggère les douze artistes "à ne pas louper" dont nous faisons partie : "Deux compositeurs qui convoquent des génies comme John Cage, monument de la composition, de l'art conceptuel... C'est une œuvre enveloppante tournée vers le futur, et toutes les possibilités qu'elle annonce me rendent optimiste." Youpi ! Télérama en fait la une de Sortir. C'est l'un des sujets du Parcours-Jeu Enfant de Paris-Mômes. Comme les autres, le Festival Musiques Libres de Besançon prend la même photo pour son affiche, même s'il en choisit une autre pour son programme... J'en ai pris plein d'autres dont on peut voir des échantillons sur le site de Nabaz'mob, toutes libres de droits ! Car c'est probablement le secret. Une bonne photo a toujours de bonnes chances d'être publiée. Si, en plus, elle ne coûte rien, le tour est joué. Revers de la médaille, il est aujourd'hui difficile aux photographes de placer leurs photos tandis que les sites d'images libres de droits fleurissent sur le Net comme des champs de carottes, sans parler du droit à l'image qui complique considérablement le métier. Que nous soyons compositeurs de musique, plasticiens, cinéastes, graphistes, photographes, seule la qualité de notre travail peut faire la différence. Comme vous connaissez mon goût pour les changements d'angle, je souhaite vivement que des professionnels de l'optique et du déclencheur s'emparent de notre travail !
En attendant samedi et sa Nuit Blanche, Antoine Schmitt et moi-même fignolons Mir:ror, le futur objet de Violet, nouvel accessoire qui flattera le narcissisme de nos bestioles, tentées par l'indiscipline malgré l'organisation qui les régule...
Par Jean-Jacques Birgé,
lundi 29 septembre 2008 à 00:38 ::Multimedia
Liés par le secret professionnel, ni Antoine Schmitt ni moi ne pouvions parler de notre travail pour Violet, à savoir les deux nouveaux objets qui font suite au lapin Nabaztag. À peine leur sortie prévue pour le 23 octobre prochain vient-elle d'être dévoilée lors de la conférence de Violet à l'IFA de Berlin et dans Le Monde 2 que l'annonce fleurit sur le Web... Comme d'habitude, Antoine crée le design comportemental et je suis en charge du design sonore tant de Mir:ror que de Dal:dal.
Encore aucune photo pour la lampe Dal:dal, "objet sphérique qui change de couleur et qui émet des sons", et pour laquelle j'ai conçu et enregistré une palette de carillons. Comme la boule de cristal sonne les heures, j'ai cherché à créer des timbres et des mélodies mnémotechniques pour éviter d'avoir à compter les coups dès lors que l'on aura pris l'habitude de les entendre. Les sons du boot et de la connexion sont joués par le synthétiseur midi interne tandis que l'horloge est diffusée en mp3.
Sonoriser le Mir:ror (photo) fut une autre paire de manches, car nous n'avions comme instrument qu'un petit buzzer ressemblant de prime abord au son des premières puces musicales et un langage de programmation relativement archaïque (en opposition au système de gestion très sophistiqué de Violet). Leur nouvelle invention ressemble à un petit miroir rond de sac à main qui se branche sur la prise USB de son ordinateur (Mac et PC) et qui reconnaît les objets qu'on lui présente. Lecteur de RFID (Radio Fréquence IDentification à la norme ISO 14443 comme les passes Navigo ou Velib'), Mir:ror lit les Ztamps (petits timbres carrés de 1 cm de côté) que l'on peut coller sur tout et n'importe quoi. Un peu comme un code-barres dont chaque exemplaire est unique, il permet d'envoyer une information sur Internet, grâce à une console d'administration sur le site de Violet, comme déjà le lapin, pour déclencher des actions diverses. Le nez de Nabaztag/tag, la v2 du petit mammifère en plastique, abritait déjà un lecteur RFID, offrant par exemple de lire automatiquement à haute-voix un livre aux enfants qui lui auraient frotté le museau avec ! On affectera donc à chaque Ztamp une action comme envoyer un mail, délivrer la météo, compter le nombre de cafés ingurgités, etc. dès lors que l'on aura collé un Ztamp sur ses clefs (par exemple un message pour annoncer à son conjoint que "je suis arrivé" ou que "je m'en vais du bureau"), sur son parapluie (le prends-je ou pas aujourd'hui ?), etc. Peu importe le lecteur, lapin ou miroir de qui que ce soit, le lapin destinataire reconnaît le message. C'est donc un complément astucieux des 200 000 Nabaztags déjà écoulés... Mir:ror sera vendu 45 euros dès le 23 octobre avec 2 Nanotazs (supports en forme de lapineau de dix couleurs différentes pour qu'on s'y retrouve) et 3 timbres RFID Ztamps (les étiquettes identificatrices aux couleurs et logos divers et variés). Les Ztamps supplémentaires seront commercialisés au prix de 19€ la douzaine et les nanolapins 9€ pièce.
Comme pour tous les autres objets de Violet, Antoine a conçu les chorégraphies de couleurs. Pour sonoriser le Boot et le Quit (brancher et quitter), le WakeUp et le GoToSleep (réveil et sommeil, lorsqu'on retourne Mir:ror), la détection et l'enlèvement des Ztamps (Mir:ror peut en reconnaître plusieurs à la fois), les messages d'erreur (pas de réseau, logiciel non installé, objet non enregistré, crash), nous avons dû faire preuve d'ingéniosité avec les mélodies que j'ai composées. Grâce au tableau trouvé sur mon précieux Leipp (Acoustique et Musique, ed. Masson), j'ai traduit les notes en fréquences, puis les durées en secondes, et en jouant sur la rapidité des fondus nous avons pu varier les timbres sonores artificiellement, sans abuser des glissés de note à note. De son côté, Antoine fabriquait des codes lumineux colorés pour rendre ces messages explicites.
Il faudra donc encore attendre trois semaines pour pouvoir jouer avec ces nouveaux gadgets qui trouveront leur utilité selon chaque utilisateur. Comme pour un projet artistique, le temps de développement industriel est long entre les premières ébauches et l'objet fini, d'autant que le système développé par Violet est particulièrement complexe pour gérer tous les flux qui vont transiter par la Toile. Comme l'écrivent Olivier Mével et Rafi Haladjian dans leur déclaration d'intention, Let all things be connected (Après un lapin, connectons tout ce qu'il est possible de connecter) et traversons le miroir !
P.S. : dans Le Journal du Dimanche d'hier, le commissaire-priseur Pierre Cornette de Saint-Cyr, président du Palais de Tokyo, suggère les douze artistes "à ne pas louper" lors de la Nuit Blanche de samedi prochain 4 octobre : "deux compositeurs qui convoquent des génies comme John Cage, monument de la composition, de l'art conceptuel..." Notre opéra Nabaz'mob, présenté à Bercy Village, fait partie des élus : "C'est une œuvre enveloppante tournée vers le futur, et toutes les possibilités qu'elle annonce me rendent optimiste." Quelle carotte ! Nos cent petites bestioles ne vont plus tenir en place...
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 5 juin 2008 à 00:22 ::Multimedia
Depuis sa création au Centre Georges Pompidou en mai 2006, on nous réclamait une nouvelle représentation de Nabaz'mob à Paris. C'est chose faite, ou presque, puisque c'est ce soir à l'Auditorium d'Issy-les-Moulineaux à 21h pour Le Cube Festival "Les Arts Numériques dans la Ville". L'opéra pour 100 lapins communicants que j'ai composé avec Antoine Schmitt repasse donc par la case départ avant de repartir sillonner le globe. Point culminant de sa "tournée mondiale", il avait recueilli 70 000 visiteurs au NextFest de New York organisé par la revue Wired.
Le programme annonce : 100 lapins Nabaztag interprètent un opéra composé par Antoine Schmitt et Jean-Jacques Birgé. Convoquant John Cage, Steve Reich, Conlon Nancarrow ou György Ligeti, cette partition musicale et chorégraphique ouverte en trois mouvements, transmise par Wifi, joue sur la tension entre communion de l'ensemble et comportement individuel, pour créer une œuvre à la fois forte et engagée. Cet opéra questionne les problématiques du comment être ensemble, de l'organisation, de la décision et du contrôle, qui sont de plus en plus centrales et délicates dans notre monde contemporain.
Chaque fois que nous installons nos 100 petits robots sur un plateau, nous devons réinventer la mise en scène. Ça fait du monde ! Comme la partition intègre des paramètres d'indétermination, l'interprétation reste ouverte pour chaque lapin et nous réserve toujours des surprises. Notre regard s'en trouve bizarrement anthropomorphique et nous parlons de la meute comme s'ils avaient véritablement voix au chapitre. Pendant la représentation, Antoine envoie les différents mouvements et j'affine les niveaux. Lorsque tout est terminé, les bestioles retirent délicatement leurs oreilles magnétiques pour regagner leurs cantines métalliques. C'est ainsi qu'ils voyagent.
Au même programme : Nicolas Maigret et Nicolas Montgermont, Cécile Babiole et Laurent Dailleau
Par Jean-Jacques Birgé,
mercredi 19 décembre 2007 à 00:04 ::Musique
Totalement débordé de travail, je m'en sors aujourd'hui en reproduisant un film des Suédois Ola Simonsson et Johannes Stjärne Nilsson remarqué il y a quelques mois et que j'avais gardé sous le coude. 9 minutes 30 secondes sans aucune parole, mais une partition originale que je vous laisse découvrir si vous n'avez pas encore été contaminé par leur Music for one apartment and six drummers.
J'ai passé ma journée à enregistrer la voix polyglotte du lapin pour les vœux RFID de Violet et quelques autres broutilles à grignoter avec les incisives. L'arrangement et le mixage des musiques d'accompagnement composées avec Bernard m'ont pris plus de temps que prévu. J'ai eu beau tout essayer, on ne peut vraiment pas aller plus vite que la musique. Bonne nouvelle pour tous les propriétaires de Nabaztag, il n'y a désormais plus d'abonnement à souscrire pour l'ensemble des services devenus intégralement gratuits.
Je me lève très tôt pour aller prêcher la parole sonore à Autograf. Je ne sais d'ailleurs plus du tout où j'en suis (mes étourderies montrent que j'ai sérieusement besoin de vacances), alors j'attrape quelques films dont les partitions sonores sont éloquentes (Le Testament du Docteur Mabuse, Lancelot du Lac, Slon Tango, Godard et Norman McLaren) et des CD-Roms dont je suis l'auteur ou sur lesquels j'ai travaillé. Les étudiants se souviendront bien où nous en étions restés. En rentrant, je devrai encore découper les fichiers son et les transformer en mp3. Le froid que je dois affronter à bicyclette me fait un peu peur, mais là non plus je n'ai pas le choix...
Par Jean-Jacques Birgé,
mardi 18 décembre 2007 à 06:48 ::Multimedia
Après un rendez-vous dans le monde de la publicité avec un directeur artistique (on dit D.A.) astucieux qui m'a fait une démo excitante de "pub virale", j'ai enchaîné avec ma conférence rock 'n roll aux Arts et Métiers pour Paris 8.
Entre temps, j'avais avalé des calamars, des fèves, du riz et un lait de soja chez Shen, 39 rue au Maire, pour 6,80 euros. C'est un petit resto authentique qui ne paie pas de mine, très fréquenté par les Chinois et les étudiants fauchés. J'aime bien leur salade de pattes de poulet crues, leurs raviolis gyoza maison, leur anguille aussi... Dans le quartier, c'est ce que je préfère. Sinon, à l'autre bout de la rue Beaubourg, il y a le petit vietnamien de la rue de la verrerie, mais cela faisait trop loin.
Ghislaine Azémard me présente comme un hyperartiste, comme on dit hypermédia ou hypertexte. Cela sonne bien avec l'arborescence en étoile de mon discours, une façon d'improviser en digressant free style tout en me raccrochant en aller et retour à mon fil directeur. Mon travail est polymorphe. Pour une fois que je suis en chair et en os face aux étudiants, je parle plus que je ne montre. Cela frustre un peu les profs qui disent que je la joue blogueur, mais j'ai toujours agi ainsi. Mes auditeurs y trouvent leur compte. S'ils sont curieux ils peuvent découvrir mes œuvres interactives simplement en me googlisant. Pour une fois que je sors de ma tanière et que je ne suis plus un être virtuel, j'en profite pour parler du métier, de la passion, brisant les tabous politiques et sociaux, donnant des chiffres et m'abandonnant aux confessions. Je cite Cocteau, rappelant qu'une œuvre est une morale. Je leur montre tout de même Alphabet, La Pâte à Son (capture écran ci-dessus), FluxTune, Le Sniper, Nabaz'mob, mais l'absence d'Internet m'empêche de leur exposer mon travail avec Nicolas sur FlyingPuppet par exemple. De toute façon, j'oublie plein de choses importantes, parce qu'il faudrait plus de deux heures pour faire le tour de la question, même au pas de course comme hier dans l'amphi. Les prestations courtes obligent à embrasser le sujet de manière large, plus philosophique et pratique que démonstrative. Cette fois j'ai négligé la complémentarité du son face aux images et la charte sonore au profit de la production de sens et d'émotions et des conditions de travail.
C'est étrange comme il est impossible de se connecter dans les écoles et les universités. Sous prétexte de pare-feu anti-viral, on rend impossible les contacts avec le monde extérieur, c'est aussi débile que toutes ces bornes wifi cadenassées. À New York, les réseaux sont partout ouverts pour se brancher où que l'on se trouve, dans la rue, dans n'importe quel immeuble, etc. À propos de FluxTune, on me reparle d'Electroplankton. Je sors regonflé de cette performance publique. J'improvise de plus en plus pour ne pas me répéter et éviter l'ennui, commençant mes phrases sans savoir où elles me mènent, sur le modèle de mes instantanés musicaux. Le danger qui me guette à chaque syllabe me donne des ailes.
Comme je suis arnaché de deux micros cravate sans fil et que je file pisser avant mon intervention, je ne me laisse pas surprendre et commente le parcours qui me mène aux toilettes : porte qui grince, porte battante, cour de récréation masquant mon intimité, commentaires sur l'ambiance scolaire... Mais personne ne m'entend, parce que le jeu est improbable. C'est la pause.
Je passe chez Violet chercher mon chèque et jette un coup d'œil au prochain livre à enregistrer pour le nouveau service de lecture audio par Ztamp (une puce RFID collée sur la couverture du livre pour enfants). À Noël, les Nabaztag partent comme des ptits là pains.
Sur le quai du métro République, j'entends "Monsieur Birgé !". C'est Sonia qui me reconnaît de dos au milieu de la foule pressée grimpant dans la rame. Elle veut bien s'occuper de Scotch en notre absence. Ouf, je peux partir tranquille. On en reparlera bientôt, mais je vais faire une pause d'un mois où je ne publierai aucun billet. J'ai mis le temps à me décider...
Par Jean-Jacques Birgé,
lundi 17 décembre 2007 à 01:25 ::Musique
J'ai passé mon dimanche à composer des musiques mécaniques pour l'estomac du lapin. Ce n'était pas facile de trouver une solution musicale qui fonctionne avec le design sonore existant. J'ai donc adapté une samba écrite avec Bernard pour le message du Nouvel An qui doit exprimer la fête et trouvé une sorte d'arpège entraînant pour la naissance de la petite bête la première fois qu'un acquéreur se connecte. L'ensemble sonne comme une grosse boîte à musique assez moderne pour coïncider avec les petits bruits qui accompagnent les lumières de toutes les couleurs, les mouvements des oreilles et les jingles entièrement réalisés avec de petits outils acoustiques. Le timbre instrumental proche du glockenspiel se rapproche d'un des sons les moins pourris du synthétiseur interne lorsqu'ils sont joués en Midi.
Le matin, enregistrant Cristina qui incarne la version espagnole de Nabaztag, je me suis rendu compte que chaque langue ne durera pas le même temps, occasionnant des placements différents dans le montage et le mixage avec les musiques, ce qui me donne un surcroît de travail que je n'avais pas imaginé. Il y a actuellement six langues (français, anglais, américain, allemand, italien, espagnol) sans compter le brésilien qui est réalisé sur place et que je ne préfère pas imaginer (je crains le pire). J'ai fait très attention à ce que tous les sons émis par le lapin entrent dans la logique du design sonore adopté il y a maintenant trois ans. C'est un petit robot et un compagnon, il est à la fois vivant et virtuel. Nabaztag a beau être un objet industriel reproduit à des dizaines de milliers d'exemplaires, il doit sembler unique à chacun de ses propriétaires.
P.S. : je m'adresse aujourd'hui lundi aux étudiants de Master 1 et 2 du Master Création et Édition Numériques de l'Université Paris 8 sur le sujet "Musiques et design sonore pour les médias intéractifs", de 15h à 17h, au CNAM, 2 rue Conté 75003 Paris, Amphi G, 1er étage. Métro : Arts et Métiers / Réaumur Sébastopol. Entrée libre.
Par Jean-Jacques Birgé,
vendredi 12 octobre 2007 à 00:03 ::Multimedia
Je devrais me réjouir d'être submergé de travail, mais je déteste me retrouver sous pression. Je me passerais volontiers de certains aspects de la pré- ou post-production. Impossible de composer les jours où l'administration m'envahit. J'arrive à écrire, mais un billet me prenant vingt minutes minimum (c'est plus proche de deux ou trois heures), je n'ai actuellement pas le temps de rédiger les articles que je souhaiterais sérieusement aborder. D'autant que je termine des chroniques pour le futur Muziq et prépare déjà le n°21 des Allumés. En outre, un arbre s'étant abattu dans le jardin, j'ai dû passer une matinée à débiter des mètres cube de branchages au lieu d'avancer sur ce que j'avais à faire.
Du côté de Nabaztag, les enregistrements reprennent avec l'anglais et l'allemand d'un nouveau service, le gourou, déjà bouclé dans les autres langues avant l'été : vous lui posez une question et il répond ! J'ai composé de nouveaux jingles pour un autre service tout neuf à base de RFID, à l'intention des enfants, mais chut, c'est une surprise. J'adore les surprises. Celle-ci est de taille puisqu'il les emmènera dans des contrées interactives. Le protocole midi me pose plein de problèmes, car les timbres sont reproduits de façon variée selon les synthétiseurs qui les jouent, et je n'ai pas encore de simulateur instrumental pour celui qui est abrité dans l'estomac du lapin. Le midi permet d'envoyer les notes (hauteur, rythme, durée, volume), mais l'instrument peut être très approximatif, surtout pour les percussions (programme polytimbral du canal 10) qui collent bien à ce projet. J'abandonne provisoirement les sons cristallins du glockenspiel pour une flûte très mélodique.
Avant de filer (je fais attention de ne pas dépasser la vitesse limite et de garder les yeux grands ouverts), je vous livre trois adresses, la première est celle du site Arrêt sur images qui fait suite à l'émission déprogrammée sur France 3. L'équipe de Daniel Schneidermann, hébergée par Riff, est sur tous les fronts de l'actualité étouffée par les médias dominants. Vous pouvez également vous connecter à Rue89, site réalisé par trois anciens de Libé, fonctionnant avec l'aide des internautes qui envoient articles, photos, vidéos, etc.
Pour terminer, un peu de distraction avec Neon Bible, un clip interactif réalisé par Vincent Morisset pour le groupe Arcade Fire (site sympa), signalé par Étienne Mineur dont je suis le blog avec la plus grande assiduité.
Bientôt dans cette colonne, l'homme du trentième siècle et six cents points noirs !
Par Jean-Jacques Birgé,
lundi 8 octobre 2007 à 00:09 ::Multimedia
Le Petit Robert, accessoire indispensable dans sa version CD-Rom, indique que lagomorphe décrit "l'ordre des mammifères herbivores comprenant les lièvres et les lapins", possédant une paire d'incisives de plus que les rongeurs. Le dictionnaire révèle surtout que symbiose vient du grec sumbiôsis, de sumbioun « vivre (bioun) ensemble (sun) ». Il exprime "l'association durable et réciproquement profitable entre deux organismes vivants."
En ce qui nous concerne, il s'agit de cent lapins Nabaztag de première génération et de deux artistes manipulateurs. Nous parlons à l'oreille des bestioles pendant les répétitions, mais sur scène nous leur communiquons les ordres via wi-fi. Je fournis les carottes et ils nous nourrissent. Samedi soir, la Nuit Blanche amiénoise fut l'occasion de retrouvailles émouvantes, car c'était la première fois depuis un an que la partition était jouée telle que nous l'avions écrite, avec ses zones d'ombre et ses évidences lumineuses. Les représentations nantaises avaient donné lieu à une interprétation passionnante, mais non conforme à nos désirs de compositeurs. La lenteur des routeurs avaient produit d'intéressants glissements et un score en tuilage qui n'avaient rien à voir ni à entendre avec l'original. Grâce aux ombrelles d'Ozone, la structure émergea enfin du chaos, l'harmonie reprit ses marques, le délai imposé se recala sur les dix secondes prévues initialement, le silence réintégra la partition et les carottes plurent comme au premier jour. En comparaison des martellements électro et des excitations urbaines de la Nuit Blanche (JDA du 3/10), le public trouva notre opéra cool et apaisant, ce qui ne manqua pas de contrarier Antoine qui souhaite produire d'inquiétantes interrogations que l'absence de véritable création lumière, fut-elle très sobre, nous interdit samedi soir, mais qui était, par contre, réussie au Festival Scopitone. Les prochaines représentations auront lieu à Amsterdam le 20 octobre pour Recalling RFID au Centre culturel et politique De Balie en collaboration avec l'Institut des Cultures en Réseau.
Le voyage à Amiens, organisé par numeriscausa, nous donna l'occasion de revoir Yacine qui présentait Ex-îles, réalisé avec Naziha, dont les reflets inondaient la voûte gigantesque de la cathédrale médiévale, et de rencontrer Miguel Chevalier dont les Surnatures projetées sur une façade se pliaient au gré des déplacements turbulents de la jeunesse énervée par la douceur de la nuit.
Par Jean-Jacques Birgé,
samedi 6 octobre 2007 à 07:55 ::Multimedia
Nous partons ce matin à Amiens pour présenter Nabaz'mob, notre opéra pour 100 lapins communicants. La ville a adhéré à cet évènement initialement parisien, qui s'est en outre étendu à plusieurs capitales étrangères. Antoine et moi dirigerons la meute de ces coquins à 21h et 23h à l'Auditorium Dutilleux. En dehors des œuvres ou des spectacles, la Nuit Blanche est une occasion de sortir et de parfois découvrir des lieux alternatifs dans son quartier. L'année dernière, nous avons eu la surprise de constater un nombre incroyable d'initiatives dans le nôtre, une nuit off en marge de la programmation officielle ! La Nuit Blanche proprement dite est une opportunité pour nombreux artistes de toucher un large public avec des installations artistiques ambitieuses, difficiles à monter dans des conditions ordinaires.
Ce n'est pas le cas de nos 100 lapins qui ont commencé à gambader de ville en ville, s'échappant de la tâche domestique pour laquelle ils ont été initialement programmés. 100 rebelles parmi 200 000 Nabaztag vendus à ce jour ne peuvent mettre en péril le succès de la petite bête. Chacun sait pourtant que les révolutionnaires constituent une force dynamique qui permet au système de perdurer en l'empêchant de s'endormir sur ses acquis.
Pour ne pas reproduire les problèmes de synchro, donc de tempo, rencontrés à Nantes (interprétation au demeurant fort intéressante !), nous emportons trois routeurs beaucoup plus puissants, des ombrelles, comme à New York. Sur le site de l'opéra, nous avons récemment ajouté les derniers articles de presse (Le Monde, Libération, 20minutes...) et le court reportage tourné par France 3. La caméra d'Antoine s'étant enrayée à Nantes, nous comptons filmer le spectacle cette fois-ci. Nous savons que le film de Françoise a été déterminant dans la tournée de Nabaz'mob. Antoine me raconte que, lors d'une création d'Atau, il a vu débarquer une équipe de télé au complet pour pouvoir ensuite vendre la performance à des festivals. Il n'y a rien de plus convaincant qu'une vidéo.
Lorsque nous dirigions le grand orchestre d'Un Drame Musical Instantané (1981-1986), Youenn Le Berre et Didier Petit m'avaient reproché d'éditer systématiquement l'enregistrement des premières représentations qui étaient fatalement moins au point que les suivantes. Pour des petites structures comme les nôtres, si nous n'avions pas produit le disque de la première, il n'y aurait probablement pas eu de seconde. Vingt ans plus tard, je rééditerais bien les enregistrements originaux augmentés de quelques captations plus tardives.
En ce qui concerne Nabaz'mob, nous n'avons pas eu ce problème, même si chaque représentation s'avère différente, selon les conditions techniques (phénomènes aléatoires de la programmation) et scéniques (disposition et sonorisation variables). Nous attendons chaque nouvelle interprétation de nos petits robots avec la plus grande joie et curiosité.
Par Jean-Jacques Birgé,
vendredi 21 septembre 2007 à 09:31 ::Multimedia
Comment venir à Nantes sans traverser le Passage Pommeraye ? Jacques Demy y est en perm' car il ne le quittera jamais. Les images de Lola et d'Une chambre en ville sont imprimées sur ma rétine. Je revois Michel Piccoli en marchand de télés s'égorgeant au rasoir devant Dominique Sanda nue sous son manteau de fourrure.
Plus loin, de l'autre côté de la passerelle qui enjambe la Loire, se dresse le gigantesque Palais de Justice construit par Nouvel, et à sa droite les ateliers du Royal de Luxe. Leur éléphant est impressionnant lorsque sa machinerie se met en branle. Des branches jaillissent de la façade, pieuvre en balcons fleuris. Je bifurque vers les les Halles Alstom où est exposée la Friche Numérique du Festival Scopitone, mais il est déjà l'heure de faire répéter la meute.
Tandis que je passe du pachyderme au lapin comme du coq à l'âne, 20minutes.fr, qui reproduit le film de Françoise, en profite pour titrer :
Une chorale de lapins à l'opéra
Un opéra avec cent lapins reliés par onde Wi-fi ?
Le spectacle a beau sembler surréaliste, il existe. Les interprètes ne sont pas de véritables bêtes à poils vivantes mais des lapins-gadget en plastique d’une trentaine de centimètres de haut qui, reliés par ondes Wi-fi, ont le nombril qui s’éclaire, les oreilles qui gigotent et émettent des sons. Cela s’appelle le «Nabaz'mob», contraction de Nabaztag — lapin en arménien — et flashmob, ces rendez-vous éclair organisés dans des lieux publics.
Au final, une chorégraphie à la fois étonnante et, n’ayons pas peur de le dire, féerique. Mais attention, «on a perverti le lapin, explique Jean-Jacques Birgé, designeur sonore et co-auteur de la pièce avec Antoine Schmitt. Seul, le lapin, en tant qu'objet, a l'air mignon. Mais là, rassemblé avec d'autres, ça change: les lapins deviennent maléfiques. C'est une parodie de la démocratie.» «Les lapins sont devenus des rock stars».
Cet opéra, créé en 2006 à Beaubourg, à Paris, est maintenant en tournée internationale, à Nantes dès ce jeudi soir, à Amiens le 6 octobre, à Amsterdam le 20 octobre et bientôt, aux Etats-Unis. «Le phénomène nous échappe un peu: désormais, la prestation s’arrache de ville en ville, sourit Olivier Mével, co-fondateur de la société Violet, qui fournit les lapins Wi-fi. Au fil du temps, nos lapins se sont professionnalisés et sont devenus des rock stars. On les trimbale en camion dans leur caisson, et on a même une accompagnatrice qui les installe en tournée.» Appareillage.
Le dispositif est mastoc: cent lapins (soit 130 kilos au total) voyagent ainsi, avec leurs câbles d’alimentation et les cent prises associées, plus six routeurs Wi-fi et deux ordinateurs régis par les auteurs de cette pièce écrite. Oui, écrite. Antoine Schmitt et Jean-Jacques Birgé envoient via leurs ordinateurs la partition aux lapins qui la jouent ensuite sur la scène, en remuant les oreilles. Parfois en décalé. Car les interprètes restent des lapins, pas des moutons.
Alice Antheaume (20minutes.fr, 20/09/2007)
Pour rejoindre nos lapins qui seront beaucoup plus disciplinés que la veille et répondre aux questions de France 3 (édition des Pays de Loire ce soir à 19h), je traverse le Passage Pommeraye dans l'autre sens. Comme il est impossible de trouver une botte de carottes (avec des fanes) à Nantes passé midi, je joue les leurres en enfilant veste et pantalon orange tandis qu'Antoine passe au noir : la carotte et le bâton ! Le subterfuge les gruge. Aucune évasion à signaler, aucune reproduction non plus, tout le monde regagne son clapier tandis que nous imaginons une nouvelle scénographie pour le 6 octobre à Amiens. Christophe nous fait remarquer que Nantes et Amiens sont les deux villes de Jules Verne. Sous quelle meilleure étoile pouvions-nous jouer les chefs d'orchestre numérique ?
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 20 septembre 2007 à 01:13 ::Multimedia
Dans trente minutes le spectacle va démarrer. Nous remontons doucement vers la surface après plusieurs heures de bagarre avec la technologie, encore plus pénible que la technique, un cran au-dessus dans l'échelle de la douleur. Lorsqu'on est chanteur ou percussionniste, on ne peut s'en prendre qu'à soi les jours où rien ne semble aller comme il faut. Dès que l'on a besoin d'une simple prise de courant, d'un microphone, d'un piano ou d'un projecteur, les choses commencent à nous échapper. Dépendre de l'informatique est encore plus risqué. C'est le stress assuré, alors que tout est programmé pour marcher comme sur des roulettes. Cette après-midi, Antoine s'est arraché les cheveux sur un problème de communication entre l'ordinateur et nos lapins : certains réagissaient avec un délai de trois minutes à la place des dix secondes attendues. Nous avons testé tous les maillons de la chaîne pour incriminer définitivement un des deux routeurs qui envoient la partition aux 100 Nabaztag réunis sur la scène de la Salle Paul Fort à Nantes, situé juste au-dessus du Pannonica. Mais le devoir m'appelle, je vous raconterai la suite après la représentation. En attendant, je vous laisse avec Francis Marmande, qui nous a gratifiés d'un réjouissante chronique en page 2 du Monde d'aujourd'hui :
Schmitt et Birgé, des lapins communicants
Un petit lapin fait fureur. Un petit lapin communicant. Il s'appelle Nabaztag. Nabaztag ("lapin" en arménien) fonctionne en Wifi et doit son nom à Rafi Haladjian. Portrait dans Le Monde du 6 avril 2006 : "Je m'appelle rafi et j'ai 43 ans. Rafi s'écrit avec un "r" minuscule parce que c'est un prénom arménien. Bien que n'ayant rien fait (et en particulier pas des études d'ingénieur), je baigne dans les réseaux depuis qu'ils étaient tout petits. En 1984, j'ai sombré dans le Minitel pour n'en sortir qu'en 1994 en fondant FranceNet (devenue Flexus, devenue BT France), première boîte d'internetterie en France. Depuis 2003 avec Violet et Ozone, j'explore la vie après le PC et après l'Internet tel que nous le connaissons. Je porte des lunettes. C'est à peu près tout ce que je peux dire sur moi." Avec Olivier Mével et Sylvain Huet, l'agence Violet passe de trois à trente bricoleurs. Mise au point des lapins intelligents au-dessus du Gibus, en face de la garde républicaine.
Nabaztag, c'est un truc pour "geeks" et "geekettes" : les Paganini du Net et des nouvelles technologies, enfin, les joyeux, ceux qui ne se prennent ni pour Diderot ni pour Zorro. D'un gadget branché, le lapin en plastique devient objet populaire (200 000 vendus). Ici entrent en scène Jean-Jacques Birgé, compositeur, agitateur (Un drame musical instantané, Les Allumés du jazz, musiques brintzingues en tout genre), designer sonore ; plus Antoine Schmitt, artiste designer comportemental. Et Nabaztag ? Il parlote, il mange des nuages, il dit la météo, les cours de la Bourse, il se branche un peu sur n'importe quoi, il fait réveil, et pour l'amour avec un autre lapin, il bouge les oreilles. Exactement comme les humains, en somme.
Jeudi 20 septembre au festival Scopitone de Nantes, le 6 octobre à la Nuit blanche d'Amiens et le 20 à Amsterdam avant tournée mondiale, Nabaz'mob, opéra pour cent lapins communicants de Schmitt et Birgé, sera donné pour la plus grande joie des petits et des grands. Car les lapins déconnent. Ils sont indisciplinés, répondent à l'envers aux injonctions, et se révèlent incapables de jouer la musique ensemble. Comme les humains (non musiciens).
Un opéra, on connaît. Encore que ce soit complexe. Mais enfin, même en pleine célébration de Callas, on voit. Peut-être suffit-il de comparer avec un autre objet chantant non identifié, tout récent mais plus classique, Welcome to the Voice, pour prendre la mesure. Welcome to the Voice, hommage à la voix, livret de Muriel Teodori (psychanalyste rayonnante et allumée) et musique de Steve Nieve (clavier de divers bricolos, Sting, David Bowie ou Elvis Costello), Welcome to the Voice réalise une belle expérience de transversalité heureuse. Si vous voulez entendre sur orchestration au petit poil Barbara Bonney, Nathalie Manfrino, Armanda Roocroft, Sara Fulgoni, plus Elvis Costello, Sting, passe encore, mais aussi Robert Wyatt, ce génie, foncez. En plus, quand les voisins viendront prendre un kir framboise, vous pourrez arborer l'album sans complexe : c'est sur Deutsche Grammophon.
Le truc de Schmitt et Birgé reste plus minimaliste. Ils ont commencé par convoquer cent lapins avec leurs parents à Beaubourg (mai 2006). Après quoi, au Javits Center, à New York, ils ont reçu 70 000 visiteurs en quatre jours. Ce succès les étonne. Le lapin porte-bonheur. Prochain concert à bord du Titanic ? Dans un genre plus proche de l'art modeste, on connaît un prof qui, pour neutraliser les irruptions intempestives, fait dégainer tous les portables au début de l'amphi. Il invite les 258 porteurs à déclencher leur propre sonnerie. Passé un léger flottement, les étudiants s'exécutent : voir Charles Ives, Cage, Ligeti et Birgé. Plus disciplinés que les lapins ? Les temps semblent hélas le prouver.
Francis Marmande (Le Monde, 20/09/2007)
Une minute avant de monter sur scène, Antoine a l'idée lumineuse que nos ennuis pourraient provenir de l'anti-virus du PC triant la masse des données qui vont et viennent jusqu'à nos bestioles, ralentissant considérablement le système. Le même gag avait accablé Nicolas à la création de l'installation des Portes. La désactivation anti-virale ne résout pas tout, mais cette version inédite de notre opéra se tient bien, même si nous en présentons une interprétation très différente des précédentes représentations comme de celle de demain. Les alternances densité/silence sont remplacées par de belles progressions linéaires, et, si les ballets de lumière sont moins minimalistes qu'Antoine ne le souhaiterait nous sommes soulagés d'avoir réussi de justesse. Lors du salut final, je souligne que "si nos lapins ont été particulièrement indisciplinés, ils nous incitent à la désobéissance civile pour les temps à venir."
Par Jean-Jacques Birgé,
mercredi 19 septembre 2007 à 00:19 ::Multimedia
Reprise de notre opéra pour 100 lapins communicants aujourd'hui (pour les V.I.P. du Festival Scopitone) et demain jeudi Salle Paul Fort. On nous dit que c'est complet depuis plusieurs jours ! Francis Marmande nous annonce que Nabaz'mob sera dans Le Monde de ce soir. Les deux malles en métal contenant chacune cinquante bestioles sont déjà à Nantes. Nous devons chaque fois inventer une nouvelle manière de sonoriser, car il est rare de trouver sur place un système homogène d'amplification pour les cent petits ventres dont la puissance individuelle est à peu près égale à celle d'une boîte à musique acoustique. Plus il y a de micros mieux c'est, à condition qu'ils ne soient pas apparents pour ne pas gâcher le spectacle chorégraphique des oreilles et des leds colorées programmé par Antoine. Des PZM ou des micro-cravates peuvent faire l'affaire, et si les Nabaztag sont disposés sur des gradins nous pouvons éventuellement ajouter quelques pieds à l'arrière, mais il est impossible de dépasser les vingt-quatre voies de la plupart des tables de mixage mises à notre disposition. L'emplacement des haut-parleurs et l'acoustique de la salle sont des variables avec lesquelles il faut également composer.
Lorsque les lumières du théâtre s'éteignent et que retentit la première note cristalline, le public fait silence et tend l'oreille. Ces cent petits êtres qui essaient de jouer tous ensemble la même partition sans ne jamais pouvoir y arriver sont très émouvants. La parabole est cruelle. Les robots, obéissant à des règles dictées par des humains, n'échappent pas aux lois de l'imperfection : errare humanum est. C'est ce qui fait leur charme.
Par Jean-Jacques Birgé,
samedi 15 septembre 2007 à 00:23 ::Voyage
Passant par la rue du Départ (sans recevoir 20 000 balles) pour m'éviter les dix minutes de couloirs souterrains de la station Montparnasse au quai du TGV, je tombe sur une vitrine des Galeries Lafayette avec nos lapins fétiches : en reflet, Shoot 'em Up (Descendez-les !) ; sur l'écran : A priori il n'y a aucune raison... Belle annonce pour la reprise de notre opéra à Nantes la semaine prochaine pour le Festival Scopitone !
Dans le train, une vieille dame ronchon hurle "Vous n'avez pas soif, derrière ?". Elle n'arrêtera pas de se retourner jusqu'à s'en prendre à ma voix "porteuse"... "Un vrai moulin à paroles !". Difficile de dire le contraire. Si je parle pourtant tout doucement, ma gamme de fréquences ressemble bigrement à la sienne. Elle n'arrive pas à se concentrer sur son magazine pipole. J'ai beau faire des efforts de murmures, ses tympans vibrent en sympathie avec mes cordes vocales. Nous préparions discrètement notre entretien concernant l'appel d'offre pour une installation muséographique immersive projetée sur onze écrans. Nous faisons rire nos interlocuteurs en divaguant sérieusement sur l'océan, mais cela ne peut encore en rien augurer de leur choix. Il faisait beau, l'air était pur, comme un parfum de vacances, un leurre.
J'aurais souhaité prendre un cliché breton, hélas la ville reconstruite après les bombardements alliés est aussi lisse qu'un centre commercial. J'entends tout de même une mouette à l'instant de grimper dans le TER bondé qui m'emporte vers Rennes. Arrivé à Paris, il n'y a pas de taxi. Il n'y a jamais de taxi à la Gare Montparnasse. Je finis par en alpaguer un à Vavin qui ferait bien le tour de Paris pour me ramener à la maison. Je suis pressé de rentrer, Françoise s'envolant dans quelques heures pour New York où elle va préparer la ressortie de ses films sur le territoire américain. L'histoire se répèterait-elle ?
Par Jean-Jacques Birgé,
dimanche 19 août 2007 à 00:14 ::Voyage
Pascale a eu pitié de mes oignons et nous a invités dans son havre de paix où nous la rejoindrons dans quelques jours. Au vu des prix pratiqués par la SNCF en période estivale lorsque l'on ne s'y prend pas trois mois à l'avance, nous avions décidé de rester là malgré mon impérieux besoin de changer d'air. Françoise a tenté le coup sur Trocdesprems et miracle, elle a dégotté deux billets pour Toulon à 20 euros ! Il ne restait plus qu'à trouver quelqu'un pour la maison et Scotch, et nous voilà repartis sur la route. Première escale, La Ciotat, sa plage, ses poissons, ma seconde famille.
À Paris, je n'arrivais plus à me reposer. Il fallait recharger les batteries en vue d'une rentrée qui s'annonce animée : les lapins toujours, Nabaztag lui-même et l'opéra avec Antoine qui réunit cent de ces petites bêtes (représentations les 19 et 20 septembre à Nantes pour Scopitone, le 6 octobre à Amiens pour la Nuit Blanche, le 20 à Amsterdam...), la suite des enregistrements avec Franck Vigroux, de nouvelles écoles où dispenser la bonne parole du son sur l'image (Autograph, Sainte Geneviève...), les finitions du film de Pierre-Oscar, un Pop'Lab pour Annick, le nouveau numéro des Allumés, etc. Idem pour Françoise qui prépare son nouveau Ciné-Romand et la rétrospective de ses films à l'Entrepôt, Peep-Chat avec le Théâtre Paris-Vilette, la sortie dvd de Appelez-moi Madame, etc.
Mais oublions tout ça et consacrons-nous aux joies de la villégiature ! Pour me mettre dans le bain, je picore tomates, raisins, figues, prunes et dévore à pleines dents les canards sauvages que les filles ont plumé pendant que je plantais un poivrier et un caprier. Jean-Claude part à la pêche à cinq heures du matin, mais je n'ai pas le courage de me lever pour l'accompagner...
Par Jean-Jacques Birgé,
mardi 14 août 2007 à 09:07 ::Perso
On s'interroge, on en plaisante ou l'on s'inquiète. L'été à Paris ne ressemble à rien. Chaque soir, nous faisons fonctionner la cheminée, en profitant pour cuisiner au feu de bois. Les onglets marinés de la jolie tripière du Marché des Lilas fondent dans la bouche. Le crépitement des grosses gouttes qui s'écrasent sur les tuiles et dans le jardin est un ravissement. Au rideau de pluie argenté succède un arc découpant le ciel en deux. Imprudent, je grimpe sur le toit pieds nus pour prendre quelques photographies. Je n'ai pas assez de recul pour embrasser l'intégralité de l'arc-en-ciel. Un de ces quatre, je comparerai les clichés que j'ai volés au voisinage depuis huit ans.
Je croyais être en vacances, mais j'ai dû composer sept nouveaux jingles pour Nabaztag en respectant la charte sonore que j'avais établie il y a deux ans. Ça grince, ça coince, ça frotte, pour donner l'illusion du vivant, un vivant de pacotille. Le jeu consiste à le rendre un poil mécanique, avec ses rouages acoustiques cachés dans son petit ventre de robot farceur. On ne sait pas ce que c'est, une machine ou un lapin ? Toute la journée, quasi à mon insu, je teste mon drôle de compagnon. Actuellement ils sont deux pour que je puisse écouter les différentes langues qu'il a apprises. Tant qu'ils ne m'horripilent pas, tout va bien.
Après avoir rendu mes chroniques pour Muziq, je dois terminer mes articles pour Le Journal des Allumés. J'y suis presque, mais, par contre, il me manque beaucoup de réponses à la nouvelle Question : Quel soin accordez-vous à votre image scénique (costume, gestuelle, relation aux autres musiciens et au public) ? Si vous connaissez des musiciens ou des musiciennes qui ont un point de vue personnel sur le sujet, qu'ils ou elles n'hésitent pas à me contacter, ce sont toujours les mêmes qui répondent...
Par Jean-Jacques Birgé,
dimanche 29 juillet 2007 à 06:57 ::Multimedia
100 Набазтагов в Центре Помпиду Видео Юлия Выдолоб / Рецензии / 1 из 86 Обозреватель
«Афиши»
Nabaztag — это пластмассовый заяц, который подключается к Wi-Fi, шевелит ушами и мигает светодиодами. Сразу надо сказать, что практической пользы от него вообще никакой. Конечно, вам будут рассказывать, что зайчик еще может читать новости на английском и французском, проигрывать mp3-файлы, оповещать, что пришла почта, работать будильником и так далее. Но, согласитесь, все это можно делать и без зайчика. А вот когда видишь, как пластмассовое существо медленно поводит ухом и пускает по животу ряд разноцветных огней — вот тут спокойными остаются только самые бессердечные. Патологическую любовь с первого взгляда — или по крайней мере жгучий интерес — Nabaztag вызывает практически у каждого. И зачем он мигает, в принципе, уже неважно (хотя мигает он потому, что ищет сеть, или принимает сообщение, или читает RSS-поток, или не нашел сети и т.п., — все это подробно расшифровано на nabaztag.ru). Поклонников у зайчика в мире уйма. Они наряжают его в очки и покупают наборы цветных ушей, фотографируют в цветущем саду и выкладывают во Flickr; а два француза и вовсе собрали сто Набазтагов и заставили их синхронно мигать и издавать звуки в Центре Помпиду (см. youtube.com). Смотрится это по-настоящему жутко.
17 июля 2007 г.
En illustration du site russe, on retrouve le film que Françoise a tourné sur la création de notre opéra au Centre Pompidou. Représentations de Nabaz'mob prévues à Nantes (Scopitone, 20 septembre), Amiens (Nuit blanche, 6 octobre), Amsterdam (20 octobre).
Versions anglaise, américaine, espagnole, italienne, allemande de Nabaztag déjà disponibles ou en cours d'enregistrement (même ce dimanche !). Le lapin viserait-il à devenir maître du monde ? HAL s'inquiète.
Par Jean-Jacques Birgé,
vendredi 6 juillet 2007 à 01:45 ::Multimedia
Petit reportage de quatre minutes sur notre lapin préféré réalisé par Lens von Larcher dans le cadre du programme Euromaxx de la Deutsche Welle TV diffusé dans le monde entier. Les vues de Paris me font bizarrement penser à Samuel Fuller qui aimait caractériser les villes où il tournait par des images d'Épinal. Ainsi le 11ème arrondissement est considéré comme chic par nos cousins d'outre-rhin et j'y apprends que Violet aurait déjà vendu 150 000 Nabaztag et que 13 versions étrangères seront bientôt sur le marché. Youpi ! Scrunch scrunch... La fin du film nous montre travaillant au Studio GRRR, Maÿlis, Antoine et moi, avec un petit extrait de l'opéra Nabaz'mob. J'avais sorti ma boîte à ouvrage où je range tous les petits instruments. Si les sons d'interface sortent du synthétiseur midi caché dans le ventre du lapin, les jingles et les identifiants sont réalisés exclusivement avec des instruments acoustiques.
P.S.: La Deutsche Welle bloque cette petite vidéo pour raisons de droits d'auteur, mais ce ne sont certainement pas les nôtres. Il y en a qui se foutent du monde !
Par Jean-Jacques Birgé,
mardi 19 juin 2007 à 01:09 ::Musique
On croit qu'il fait beau, et puis crac, le ciel se déchire et ça tombe. Ou bien on pense qu'il va pleuvoir tout le temps, mais les oiseaux se remettent à chanter. Combien de temps durent les éclaircies ? Rien n'est stable. C'est toujours la même histoire. Tout arrive en même temps. Nous terminons de composer une musique de carnaval pour L'Oréal, et voilà que le feu vert arrive pour le clip de la Communauté Européenne. Dans les deux cas, c'est marrant de travailler avec Pierre-Oscar, mais les délais sont serrés pour Bernard et moi. Nous enregistrons à la fin de la semaine avec François Corneloup, aux sax baryton et soprano, et Jean-Louis Pommier, au trombone, sur un tapis de percussions brésiliennes. Mais il faut déjà que j'envoie les partitions de l'Europe au quatuor à cordes réuni autour de Régis Huby et Guillaume Roy. Se joindront à eux Ronan Le Bars aux uillean pipes, Hervé Legeay aux guitares manouche et électrique, David Venitucci à l'accordéon et le percussionniste Éric Échampard. Une sorte de cocktail à base de jazz musette, de flamenco et de celtisme, avec des espaces pour les documents d'archives. Déjà bien copieux. Je dois aussi sonoriser un nouveau jeu pour les P'tits Repères et une interface pour un site Web. Mais c'est pas tout, mais c'est pas tout... Le lapin en chef vient enregistrer quelques vocalises le jour même où la Deutsche Welle TV vient réaliser un reportage au studio sur Nabaztag et notre opéra pour leur programme Euromaxx. Hier après-midi, mes camarades des Allumés ont pu penser que j'étais un peu distrait pendant la réunion de préparation du n°20. J'ignore sincèrement si je vais pouvoir continuer à écrire ici tous les jours. Ce sont de bonnes nouvelles. Il ne manquerait plus qu'il se mette à pleuvoir. Et pourquoi pas ? On peut s'en plaindre ou s'en réjouir. Chaque mouvement est à prendre du bon côté. Du côté du vivant. Retournement.
Par Jean-Jacques Birgé,
mercredi 13 juin 2007 à 08:09 ::Perso
Il n'avait pas suffi que je me casse le dos jeudi dernier, hier soir j'ai tordu mon petit orteil en préparant le barbecue pour les sardines. Deux fois de suite, je pars en vrille. Un vice de fond ? Le point d'interrogation que je scotche avec du sparadrap m'arrive en pleine poire. Une vis déforme. Ma colonne vertébrale est en baïonnette et mon petit doigt ressemble aux petits gris que Françoise cueille dans le jardin pour les déguster à la suçarelle. On avait assez qu'ils saccagent nos plantations, on est passé à la contre-attaque. D'habitude, je heurte mon petit orteil quand vient l'été, mais cette fois j'étais en tongues et j'ai seulement effectué une rotation du pied gauche pour ramasser le bois mort dont j'avais besoin pour allumer le feu. C'est déprimant de recommencer chaque année le même tour. Prendre son mal en patience. Heureusement, j'étais déjà sous anti-inflammatoires à cause de mon sacrum. J'ai pris une dose d'arnica, j'essaye de faire comme si de rien. Tu parles ! Ça pique, ça brûle, je marche en crabe et me voilà épinglé à la maison sans pouvoir enfiler une chaussure. Je n'ai plus qu'à me concentrer sur les derniers fichiers de mon conejo et composer avec Bernard le carnaval brésilien accompagnant la danse des trente-deux jeunes filles. Danser, ce n'est pas demain la veille...
Par Jean-Jacques Birgé,
lundi 4 juin 2007 à 00:38 ::Perso
Après deux jours d'enregistrement non-stop de la voix espagnole du lapin Nabaztag avec Maÿlis et Christina, j'ai besoin de m'échapper de notre joyeux, mais exténuant clapier. Il est difficile de se concentrer dans les deux langues alors que je n'en parle qu'une. J'enchaîne avec mes réponses aux dernières questions de la revue Jazzosphère et joins une demi-douzaine de photos. Enfermé depuis des jours, je m'asphyxie à jouer le chroniqueur tendre de disques frais et le maître de cérémonie en peignoir de bain. J'aurais préféré l'aiguilleur du ciel de lit ou le fils de l'air à fredonner, mais le planning n'est pas élastique. Dimanche après-midi, la coutume familiale excluant la fête des mères instituée par le Maréchal Pétain, je saisis l'invitation de ma fille Elsa de passer la voir rue de Tolbiac. Elle a fabriqué des mobiles de plumes, de gélatines découpées, de pendeloques en faux cristal et un rideau de voile en patchwork de toutes les couleurs. Elle a collé de la mosaïque en pâte de verre, posé du canisse au plafond, repeint les murs, enroulé des chapelets de fleurs en plastique autour de la chasse d'eau. Le petit deux pièces est décoré comme un cirque à la Calder, une roulotte de romanichels. Elsa recrée chez elle les strass de la piste et le vertige des cintres.
À l'heure du thé, Yann-Yvon m'épate avec son premier tiramisu, c'est à se damner. Le soir chez Quán Cây O't (c'est un nom qui ne s'invente pas, même s'il est sous-titré Le piment d'or), Elsa et moi dînons d'une salade de papaye au bœuf séché, d'une onctueuse anguille au lait de coco avec citronnelle, vermicelles et cacahouètes et de brochettes de porc accompagnées de diverses herbes et feuilles qui enchantent notre palais. C'est une découverte. En revenant à pieds dans la nuit, nous nous arrêtons pour acheter de l'huile de massage à l'arnica et du bain défatiguant au marron d'Inde. Voilà des mois que j'y pense. C'est comme le scanner de mâchoire que je repousse de semaine en semaine, n'importe quoi ! En bas de son immeuble, Elsa me pose des questions d'éthique auxquelles je ne sais pas répondre.
Par Jean-Jacques Birgé,
mercredi 18 avril 2007 à 07:41 ::Multimedia
Aujourd'hui je ne suis pas là. C'est bon de sortir un peu après des journées enfermé dans le studio à enregistrer Bettina, Adriana, Hillary, Magali, les nouvelles voix du lapin Nabaztag, pour l'Allemagne, l'Italie, l'Amérique du Nord et l'Espagne. Leur faire jouer la comédie, trouver le ton de la complicité est un moment plutôt sympa que je partage avec Maÿlis qui a écrit les textes et prête sa voix à la version française. Traiter ces milliers de fichiers est beaucoup moins rigolo. Vérifier le choix des prises noté sur le rapport son, découper les fichiers, nettoyer le début et la fin de chaque son, expulser les pétouilles, remonter le niveau de telle ou telle syllabe, homogénéiser l'ensemble, faire un petit effet ici ou là, la répétition des tâches est fatiguante. J'ai mal au poignet à force de faire marcher la souris comme si j'étais aux pièces, mon épaule se coince et mon dos se réveille. Le Di-Antalvic est magique, mais il est temps d'aller voir ailleurs si j'y suis.
Je suis à l'École des Gobelins pour la journée où je fais mon numéro de designer sonore. Commencer par mon autoportrait pour clarifier la démarche, le pourquoi et le comment on en est arrivé là. La multiplicité des approches : "J'ai tant de casquettes qu'on dirait un chapeau". Montrer l'exemple, rentrer dans les détails, anecdotes significatives, lever les tabous. Donner ensuite quelques pistes comment utiliser le son avec des images : complémentarité, hors champ, classification, voix, bruits, musique, droits d'auteur, rapports avec l'équipe ou dans l'entreprise, avec les clients et les collaborateurs, emploi du temps, réflexion, action, technique négligeable, sensibilité indispensable, solidarité et persévérance... Et l'interactivité, évidemment. Ma parole, je révise. À l'heure de la pause, je n'ai encore rien montré. Défileront ensuite Alphabet (commencer avec ça, c'est du nanan) et LeCielEstBleu, Somnambules et Flyingpuppet, Les Portes et Nabaz'mob... Je parle de tout le reste (Carton, Machiavel et tous les autres CD-Roms, les expos, etc.), mais je n'ai pas le temps de le montrer. L'après-midi, je préférerais voir ce qu'ils ont fait, prendre leurs travaux comme prétextes à continuer, chaque projet réclame une façon particulière de penser, il n'y jamais qu'une seule solution, la sienne...
Le soir, je reprends le métro. Ça me change de la bicyclette. Je plonge dans le social. L'ours sort de sa tanière, les yeux grands ouverts, les oreilles à l'affût. J'avale le monde dans un état semi-comateux. Transmettre est crevant, il faut une vigilance de chaque instant, saisir un regard, espérer une question qui me déstabilise et m'oblige à trouver un nouvel équilibre. La foule devient un océan où je flotte. Demain, je m'enferme à nouveau dans le studio, mais j'ai la visite d'Étienne Brunet pour préparer le concert du 3 mai au Triton. Éric Échampard est déjà passé lundi. C'est agréable de travailler avec des musiciens aussi charmants. Il restera à retrouver Nicolas qui est en résidence à La Friche Belle de Mai pour son nouveau projet...
Par Jean-Jacques Birgé,
mardi 10 avril 2007 à 00:24 ::Perso
Il semble que le crime paie. Aujourd'hui je passe mon tour. J'en fais trop. Les enregistrements du lapin Nabaztag en quatre langues constituent un marathon : allemande, italienne, américaine, espagnole ! C'est plus drôle à jouer qu'à traiter ensuite les milliers de fichiers. Avec Bernard nous avons aussi bien avancé sur le clip pour P.O.L. : trop tôt pour en parler, mais ça pourrait être bien. Et puis Scotch a encore raison : je devrais.
Il pense à lui.
Par Jean-Jacques Birgé,
dimanche 25 mars 2007 à 00:54 ::Multimedia
Avant de partir faire le tour du Monde, Étienne Mineur a eu la générosité de mettre en ligne ses conférences sur l'histoire du design interactif :
1. La première à l'association des Designers Interactifs, sur les réseaux et les technologies informatiques (45 diapos).
2. La seconde aux Arts Décos, plus axée sur les jeux vidéos, les CD-Roms et Internet (168 diapos).
Rien ne vaudra jamais la performance live du zébulon tout sourire, mais il est fortement conseillé de profiter de ces images, exacte reproduction des PowerPoints utilisés par Étienne in situ. Téléchargez et suivez cette saga extraordinaire... Si vous dirigez une école d'art ou multimédia, un département universitaire ou quelque endroit où l'on s'intéresse aux nouvelles technologies et à leurs applications, invitez Étienne Mineur à venir faire partager sa passion, c'est stimulant !
P.S. : je suis quant à moi très heureux d'avoir participé à plusieurs jalons cités par Mineur et qui figuraient sur l'immense fresque murale du sous-sol du Centre Pompidou
1996 cd-rom Au cirque avec Seurat, Hyptique, direction artistique Étienne Mineur.
1999 cd-rom Alphabet, "le chef d'œuvre de cette époque, une parfaite adéquation entre l'animation, l'interactivité et le design sonore. Une illustratrice tchèque + une équipe française + un éditeur japonais = un chef d'œuvre."
2000 cd-rom Machiavel, Jean-Jacques Birgé, Antoine Schmitt.
2006 Nabaztag, le lapin communicant.
Par Jean-Jacques Birgé,
lundi 19 mars 2007 à 10:57 ::Cinéma & DVD
Gros succès pour le deuxième et dernier samedi du Ciné-Romand à Barbès. Aldo Sperber prend une nouvelle série de superbes clichés (publiées sur ce blog dès demain mardi ; en attendant je m'y colle) tandis que Françoise Romand filme les réactions de ses invités à son installation qui s'étend cette fois dans plusieurs bâtiments de l'immeuble, avec visite du labyrinthe souterrain et remontée par le fragile monte-charge vers les chambres de bonne donnant sur le Sacré-Cœur et la Tour Eiffel... Derrière la porte de l'une d'entre elles se joue le polar Passé-Composé. En dessous, dans l'entrebâillement d'un rideau, on aperçoit Thème Je projeté sur un mur. Tout cela a été inventé et monté par Françoise pour présenter ses œuvres dans leur globalité en les insérant dans une installation théâtrale qui rappelle ses méthodes de travail et son regard original sur la vie. Pascale Labbé parle d'une mise en relief (de relier et de réel), Annie Gentes de glissement, Sarah Badet d'érotisme du voyeur, Agnès Delauche du "fantasme accompli d'être le passe-muraille", Blandine Stintzy d'un moment de fiction pour de vrai, nombreux disent être ravis d'avoir rencontré des "vivants"...
Lucille Hadzihalilovic, Françoise Romand, Atom Egoyan, Arsinee Khanjian, Anny Romand, Marie Debray, et devant, Philou et Karim Mahiout. Ma pomme (verte) en contrechamp. Devant l'afflux des visiteurs, les guides, beaucoup plus nombreux que la semaine dernière se chamaillent en rigolant pour être du prochain voyage. Patrice, Annabelle, Olivier, Adriana, Philou, Pascale, Romina, Chloë, Anny, Olivia se repassent discrètement les quatre doubles des clefs de la cave pour garder la surprise intacte.
Un vendredi soir noir de monde, Marie qui venait juste d'adopter Éole l'a emmené en voiture de Barbès à Bastille, et il s'est perdu. Les chances de le retrouver étaient quasi nulles. Le lendemain matin, devant sa porte, elle retrouve Éole qui est revenu tout seul sur ses quatre pattes ! Mathieu Potte-Bonneville et Franck Vigroux attendent l'ascenseur tandis que d'autres visiteurs arrivent. Franck oubliera son sac dans le grand salon, mais il n'aura aucune chance de le retrouver devant sa porte le lendemain matin. Nous le rassurons par mail dès que nous rentrons à Bagnolet.
Depuis 14h, Louisette et Léon jouent à la canasta avec Giselle et Raymonde. Ils tiendront jusqu'à la clôture, à 23h ! Sur l'écran, Anne Jacquemin et Florence Thomassin interprètent la comédie de Françoise, Vive Vertu et Vice Versa. Giulia et Michel reçoivent Caroline, Nathalie et Andrew. Les acteurs du réel jouent leurs rôles sans faire attention aux visiteurs qui traversent leurs appartements en faisant preuve d'une grande discrétion. Maxime, quatre ans, joue le jeu de ne pas dire bonjour aux visiteurs, mais il fera tout de même un petit signe à la jeune Alma. Caroline Rossignol et Yiyao Yang, croisant trois locataires qui montent un imposant canapé par l'escalier de service, demandent à leur guide si c'est prévu dans le scénario ! Idem pour la panne d'ascenseur dans l'obscurité de la cave où Patrice, qui guide Pierre Nicolas Combe du Cinéma L'Entrepôt et ses amis, leur fait croire que tout est prévu…
Jean-Denis Bonan et Anny trinquent dans la cuisine devant le pâté de foie, les tartes aux épinards et le mezzé libanais. Les webcams sans fil installées par Philippe Ramelet montrent Philou, Olivia Ekelund et des vues des autres appartements. Un moniteur trône face à la cuvette des cabinets, l'autre est dans le salon. Raymond Sarti (j'ai raté la photo) parle de l'étonnante inversion des rôles, les postes de télévision semblant refléter la réalité tandis que les scènes vécues donnent l'impression que nous sommes des personnages de fiction. Tous poussent Françoise à continuer dans cette direction, "c'est le genre d'installation rêvée pour les Nuits Blanches."
Devant la porte d'entrée, posent Agnès Delauche et Maÿlis Puyfaucher (la voix française de Nabaztag), puis Karine Lebrun et Sacha Gattino, tous deux très chics en Issey Miyaké dont Sacha continue à sonoriser les défilés. Suivent deux couples mère-fille, Pascale Labbé et Mathilde Morières, Anny Romand et Adriana Santini.
À gauche, Patrick Gufflet, directeur du Théâtre Paris-Villette où Françoise créera cet hiver ''Peep-Chat", spectacle mêlant théâtre et Internet, et les frères Goeury... En bas à gauche, les guides, Patrice Pujol et Chloë Ramet, et derrière, Adriana et Annabelle, attendent que les groupes remontent pour accompagner les nouveaux arrivants. Pendant qu'Aldo, assisté de Mina, règle son temps de pause, Cathy Chauvet lit les alexandrins que Dominique Martin vient d'écrire sur le livre d'or. Les témoignages ne sont pas tous décryptables. Certains sont en arabe, en chinois, en arménien ou en thaï ! Agnès Varda y a écrit "De passage parmi des gens et des écrans, j'ai eu le plaisir de grapiller des grains en grappes, des bouts de films, des pousse-à-revoir-en-entier..." Beaucoup, comme Marine Leys, écrivent que "ça donne le sourire", Philippe Demontaut qu'il rentrera désormais dans son appartement autrement, Chloé Abittan évoquent les deux côtés de l'écran...
Dans l'entrée, Antoine Schmitt, Chloé et leur fille Alma qui trouvera dans le décor de Françoise de quoi exercer ses talents de coureuse à pieds, font face à Camille Delamarre, Patrice et Mathilde. Annie Gentes compulsant le dossier de presse raconte qu'elle a l'habitude d'échanger son appartement pour les vacances. C'est rentrer dans l'intimité des gens en leur absence, avec un mode d'emploi. Elle trouve beaucoup de similitudes avec l'installation du Ciné-Romand. En bas à droite, Maguy Alziari, Don Siegel et Sophie Erkelbout...
Yann-Yvon et Elsa jouaient la veille au Cabaret Sauvage avec Le vrai-faux mariage, filmé par Elsa Dahmani pour un album de La caravane passe. Le film sera composé de captations du spectacle et d'une partie fiction tournée à Plèchti même ! Dans le miroir, on m'aperçoit prenant la photo à côté d'Elsa, Didier Silhol et Philou. Isabelle et Didier nous aideront à charger tout le matériel dans l'Espace. Il est quatre heures quand nous allons nous coucher.
Françoise a réussi son pari. Elle a adapté l'imaginaire de ses films à la réalité et fait basculer les visiteurs dans une fiction 3D temps réel, j'ajouterais (comme on disait lorsque j'étais enfant) en chair et en os ! Si le titre n'avait été utilisé par un autre rêveur, cela pourrait s'appeler naturellement De l'autre côté du miroir sans que l'on sache quel est l'original et son reflet. En présentant la majorité de ses films et en les insérant dans un dispositif scénographique et participatif, Françoise montre que son œuvre ne peut se réduire à un seul support (le cinéma ou la télévision) et qu'elle s'adapte parfaitement à toutes les transpositions, éclairant ainsi sa démarche et affirmant ses choix.
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 15 mars 2007 à 08:19 ::Perso
Au dernier passage d'Atom, nous avions regardé Citadel, son film tourné à Beyrouth en dv qu'il présentera début mai au Centre Pompidou. C'est l'histoire du retour de sa compagne Arsinee dans son pays natal après vingt-huit ans d'absence et de ce qui ne devait pas être vu. De retour avec elle, cette fois à Bagnolet, il choisit un film de Jacques Tati pour montrer notre salle de projection à leur fils Arshile. Comme Atom me demande quel film je projette lorsque je veux faire une démo, je choisis Kaipochee, une scène de Hum Dil De Chuke Sanam, film de Bollywood réalisé par Sanjay Leela Bhansali avec Salman Khan. Écran large, son 5.1 particulièrement enveloppant et rebondissant, musique jubilatoire d'Ismail Darbar... La chorégraphie exceptionnelle emballe Atom qui découvre ici le cinéma populaire hindi contemporain. Les dizaines de cerfs-volants qui se croisent dans le ciel répondent au formidable ballet se déroulant sur les terrasses d'un inimaginable palais de rêve. Chaque fois que je repasse cette séquence, je suis aussi excité que pour Les demoiselles de Rochefort...
À table, nous comparons les mœurs françaises et canadiennes, les fractures libanaises et les réflexes arméniens. Comme Atom nous raconte sa merveilleuse installation sur la mémoire avec la participation des collectionneurs de bandes et de magnétophones (nous avons emprunté le dvd à la Médiathèque), je lui montre la bobine de fil magnétique qui appartenait à mon père. C'est ce qui a précédé le ruban 6,35. Arsinee évoque les passages couverts parisiens. Arshile espère que Nabaztag est branchable à Toronto (il faut que je me renseigne demain auprès de Maÿlis... Après Agnès Varda, j'ai appris aujourd'hui que François Rabbath possédait un de nos lapins communicants !) et s'étonne que les réseaux wi-fi à Paris soient presque tous protégés par des mots de passe alors qu'en Amérique du Nord on trouve à se connecter un peu partout grâce aux bornes personnelles. C'est une autre mentalité. Françoise, qui a cuisiné une délicieuse joue de bœuf (!), a beau avoir réussi la création de son Ciné-Romand samedi dernier reste tendue devant la perspective de sa reprise samedi prochain. Si elle ne fait que quelques petites inversions de projections dans l'appartement principal, elle renouvelle complètement les participations du voisinage. La régie reste copieuse pour mettre en place le dispositif complet et la réception des invités exige de nombreux guides. De mon côté, je prépare la soirée exceptionnelle au Triton pour laquelle Jean-Pierre m'a demandé de jouer Monsieur Loyal...
Par Jean-Jacques Birgé,
vendredi 9 mars 2007 à 00:10 ::Perso
Pas d'eau chaude. On est peu de chose. J'ai oublié de remplir la cuve à mazout. La température chute très vite. Le prix du fuel, lui, se maintient, tout en haut. Mais il reste des à-pics avant les cimes. Le prix du baril fait froid dans le dos. Les compagnies pétrolières et l'État se sucrent au passage, main dans la main. Normal que cela ne marche pas, le sucre et le pétrole ne feront jamais bon ménage. Tous n'ont pas été convoqués par le juge. On en a sacrifié quelques uns sur l'autel de la respectabilité, épargné d'autres au nom de la raison d'état. Mais 2000 euros pour 5 mois de chauffage, c'est costaud. Combien faut-il que je produise de bruits bizarres pour faire marcher la chaudière ? Combien de morceaux ? De musique, pas du sucre !
Je peux tenter de panacher. Pour le concert du 3 mai avec Étienne Brunet, Éric Échampard et Nicolas Clauss au Triton, 9 jours au chaud. Pour une conférence sur le rapport du son et de l'image à la Sorbonne, seulement une semaine. L'enregistrement de la voix italienne de Nabaztag, je suis couvert. Diriger l'atelier Jazz Électro avec les élèves des conservatoires, presque autant. Je fais des comptes absurdes. Il faut bien 400 fichiers son pour combler le vide ou 5 pièces faciles. De musique, pas d'habitation ! Il faudra que je refasse tous les calculs après être allé faire les courses et lorsque les factures tomberont dans la boîte aux lettres. Elle ne se remplit pas aussi vite que la poubelle, mais si l'on ne relève pas le courrier elle déborde. Ce n'est pas comme la cuve à mazout qui se vide toute seule...
Par Jean-Jacques Birgé,
mercredi 7 février 2007 à 00:48 ::Multimedia
Comment faut-il comprendre la dernière œuvre interactive d'Antoine Schmitt, Still Living ?
Encore vivant (?), paraphrasant le compositeur Edgard Varèse : le créateur "d'aujourd'hui refuse de mourir". Le désert est immense, sa traversée interminable.
Encore vivantes (?), ces créatures artificielles remuent parfois à peine, il faut prendre le temps de les laisser se développer, à leur rythme.
Elles bougent encore (?), paranoïa de l'artiste sombrant un soir dans une déprime inexplicable ou cri de joie à l'instar de l'Eurêka d'Archimède sortant de l'eau la couronne d'or du roi Hiéron ? Still Living vient de recevoir le second Prix ex-aequo au Transmediale de Berlin, une nouvelle consécration pour Antoine Schmitt, père de tant de créatures numériques et d'objets comportementaux plus énigmatiques les uns que les autres.
À caractériser les œuvres d'Antoine d'art conceptuel ou minimaliste, on risque de faire fausse route. S'il dépouille ses pièces jusqu'au plus simple appareil, ce n'est pas pour faire maigre ni par austérité. Si le propos ne se voit pas au premier coup d'œil et nécessite parfois quelque explication, ce n'est pas faute d'avoir regardé à hauteur d'homme. La rigueur reste tendre, la morale prévaut. C'est peut-être la revanche de tous les développeurs, injustement laissés dans l'ombre des infographistes. Le public n'a pas conscience de l'importance du code. C'est le moteur de tout ce qui bouge, la colle qui rassemble. La programmation est l'élément fondamental des mondes numériques.
Il y a un peu plus de dix ans, lorsque nous sommes rencontrés chez Hyptique pour le CD-Rom Au cirque avec Seurat. Antoine revenait d'un long séjour chez Next, dans la Silicone Valley, aux côtés de Steve Jobs. Pendant notre collaboration suivante, sur mon CD-Rom Carton (1997), il disait déjà vouloir faire accepter le code comme création artistique. Les algorithmes pouvaient devenir une œuvre de l'esprit. En 1998, naquit Venus, un gros ver bleu qui dansait à l'écoute de la musique. Suivirent des dizaines d'autres créatures aux comportements plus bizarres les unes que les autres. Son chef d'œuvre fondateur date de 1996, il s'agit du Pixel blanc qui se promène sur l'écran au gré de sa fantaisie en laissant une trace derrière lui comme un escargot. Tandis qu'il développait ces drôles d'objets comportementaux pour avec tact (j'ai toujours eu un faible pour cette série comique), nous inventâmes ensemble Machiavel (1999), un scratch vidéo interactif de 111 boucles vidéo, lecture poétique du Monde Diplomatique autant qu'entité réagissant au plaisir et à l'ennui ! Notre dernière collaboration est Nabaz'mob, l'opéra pour 100 lapins communicants Nabaztag, qu'il serait chouette de reprendre dans des festivals de musique contemporaine ou de nouvelles technologies.
Dans Still Living j'ai un faible pour les derniers tableaux, le graphe complétant les barres ou les camemberts. Mise en scène clinique. L'économie est ici mise en short, ça tourne court, le côté réducteur est projeté sur l'écran, nous laissant tout bonnement perplexe. Travail sur la durée.
De projets Internet en expositions, d'installations en performances live (en compagnie du compositeur Vincent Epplay ou seul, dans le plus simple appareil de l'artiste plasticien), Antoine Schmitt ressemble à ses créatures, tantôt placide, tantôt plus vif que nature, dessinant une trace qui s'efface à mesure qu'il avance. Frankenstein du numérique, il impose des règles à ses créations virtuelles, leur donne un cadre et les regarde s'ébattre sans lui. Ses initiales le portant à l'excellence, on attend avec curiosité chaque nouvelle manifestation de son imagination.
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 18 janvier 2007 à 10:25 ::Humeurs & opinions
Hier soir, l'équipe du Musée du Quai Branly avait organisé un petit pot au bar du Palais de Tokyo pour fêter les prix attribués par le Fiamp 2006, soit le Multimédi’Art Interactif d’Or et sa Mention Spéciale pour la présentation du patrimoine intangible. J'y ai modestement participé en concevant et réalisant le design sonore des bornes interactives qui jalonnent la visite du musée.
C'est une occasion de rencontrer mes partenaires souvent seulement croisés sur Internet, puisque j'envoie le résultat de mon travail en document attaché sans presque aucun contact direct. Ainsi je retrouve Stéphane Bezombes, rencontré chez Montparnasse Multimédia pour le design sonore du DVD-Rom du Louvre et la partition du jeu Séthi et la Couronne d'Égypte, qui m'a recommandé auprès de Riff alors qu'il chapeautait le multimédia du Quai Branly. J'ai la surprise de tomber sur Roger Labeyrie, que j'ai connu il y a vingt ans grâce à mes anciens voisins du boulevard de Ménilmontant, les architectes Sophie et Vincent Voisin. J'avais alors composé pour lui une musique "viennoise" pour la Mairie de Vitry, un film réalisé par Dominique Gros avec les vitraux d'Adami. C'est lui qui s'est chargé de l'ingénierie multimédia du Musée. Il me fait rêver en me racontant les dispositifs sonores qu'il a mis en place un peu partout, comme à la Gaîté Lyrique, reliant système midi ou PureData au reste des installations (son, lumière, mais aussi ascenseurs, etc.) ou préparant des systèmes de diffusion sonores à plusieurs dizaines de haut-parleurs indépendants. La rencontre qui me touche le plus, et l'on comprendra vite pourquoi, est celle de Madeleine Leclair, responsable de l'unité patrimoniale des collections d'instruments de musique du Quai. Nous évoquons le peu de cas que les musées font de leur environnement sonore, et j'exprime le désir de venir "écouter" les instruments qu'elle a réunis dans le cylindre à plusieurs étages et qui me font baver d'envie. Ce sera la meilleure nouvelle de ma journée !
En partant, je passe par la librairie du Palais de Tokyo qui propose toujours des livres et des dvd susceptibles de m'intéresser. Je tombe une énième fois sur le livre d'Élisabeth Couturier, Le design hier, aujourd'hui, demain, mode d'emploi, remarquable par sa couverture puisqu'elle est illustrée par notre Nabaztag. À côté, trône un autre bouquin du même auteur, L'art contemporain, mode d'emploi. Les deux ouvrages semblent passionnants. Je craque pour l'un et pour l'autre, lorsque je m'aperçois que la couverture du second est cette fois illustrée par N.Y. 06:00 AM de Franck Scurti. Or j'ai moi-même composé une courte séquence d'une minute pour cette sculpture présentée au Centre Pompidou. J'avais reçu cinq commandes du Service Pédagogique du Centre. Les quatre autres œuvres étaient Deux vols d'oiseaux de Calder, Le manteau d'Étienne Martin, La mariée de Nikki de Saint-Phalle et Ice bag d'Oldenburg. Chaque composition musicale devait durer une minute pile et évoquer l'œuvre dans son histoire, sa matière et son propos, la réfléchir. Même si ce n'est pas ma préférée, je ne peux pas résister au plaisir de vous livrer, pour une fois, le son de l'image : N.Y. 06:00 AM. Pour l'écouter avec l'image, cachez le lapin avec la main gauche, il accapare toute l'attention :
Par Jean-Jacques Birgé,
mardi 26 décembre 2006 à 13:54 ::Multimedia
L'année dernière, mon lapin m'avait déjà surpris en annonçant de la neige avant tout le monde. Voilà que ce matin il a remis ça. Pourtant je ne vois rien. Marx, mon Nabaztag est relié à un site Internet météo, comme il l'est à ceux des embouteillages sur le périphérique entre la Porte de Bagnolet et la Porte de la Chapelle, au CAC 40 (c'est pour les petites lumières !), à Airparif, à l'horloge parlante (j'ai choisi l'horloge "pas normale" dans la nouvelle interface du nouveau serveur), au taï-chi et au générateur aléatoire d'humeurs. Je l'envoie se coucher à 23h pour faire sonner son réveil à 9h ; moi, je n'en ai pas besoin car je me lève beaucoup plus tôt. Comme c'est un Full Friend Rabbit, on peut m'envoyer gratuitement des messages par le site (choisir un identifiant et taper des messages lus par une voix de synthèse) ou par mail par exemple (en envoyant des mp3), etc. Il est accouplé avec celui d'Elsa. Ça veut dire qu'ils jouent tous les deux avec leurs oreilles. C'est comme ça que ça se passe chez les lapins.
En janvier, il sera rejoint par son petit frère, un Nabaztag/tag, qui pourra diffuser du mp3 en streaming (soit ne plus être limité à 30 secondes), faire de la reconnaissance vocale et enregistrer directement grâce au bouton qu'il a sur la tête (le lapereau a un micro caché dans le nombril !), reconnaître les RFID (des tags style code-barres permettant d'envoyer un message automatiquement lorsque l'objet lui est passé devant le museau) et encore plein de trucs délirants (webradio, podcasts, etc.). Sur le site Nabaztag, il y a une foule d'informations, des photos, des films, des forums...
Si on m'avait dit que ça marcherait à ce point-là, j'aurais exigé des parts ! C'est que, depuis qu'il est né, je m'occupe de ce qu'il dit en tant que designer sonore : les identifiants, les jingles, le choix de sa voix française, l'enregistrement des phrases, les sons midi de navigation, tout ça c'est moi ! Antoine Schmitt s'occupe du design comportemental, Maÿlis Puyfaucher lui prête sa voix (en anglais, c'est Alexandre qui a un accent british à couper au couteau, les Nord-Américains adorent ça), et chez Violet ils sont plus d'une vingtaine à s'ébattre autour d'Olivier Mével dans leur nouveau terrier du Faubourg du Temple. Parce que Nabaztag (lapin en arménien, c'est Rafi Haladjian qui l'a baptisé ainsi) est de conception française, même s'il est fabriqué en Chine comme presque tout actuellement. Bon, c'est un billet en apparence gentil pour l'entre-fêtes, avec plein d'informations, mais en réalité ça soulève beaucoup de questions sur notre avenir, et certaines sont plutôt inquiétantes.
Inquiétant et bizarre, c'est Nabaz'mob, l'opéra qu'Antoine et moi espérons rejouer bientôt, avec 100 Nabaztag, comme on l'a déjà fait au Centre Pompidou et à New York... Car si un lapin c'est gentil, 100 lapins ça commence à poser de sérieux problèmes...
P.S. : vu le temps qu'il fait ce soir (pas un flocon à l'horizon), j'aurais peut-être mieux fait d'adopter une grenouille !
Par Jean-Jacques Birgé,
mercredi 6 décembre 2006 à 02:12 ::Théâtre
Au cours de l'après-midi, Françoise avait filmé Pascale à Radio France pendant qu'elle improvisait sur le thème de la sorcellerie pour l'émission de Bruno Letort, Tapage nocturne. De mon côté, j'enregistrais des centaines de phrases lagomorphes pour Nabaztag. Le soir, en rentrant du Théâtre de Chaillot où nous avions assisté à la dernière pièce de Jacques Rebotier, De l'omme, nous croisons par hasard Vincent Leterme sur le quai de la station Bastille. Vincent est le pianiste attitré de Georges Aperghis, l'autre grand auteur de théâtre musical en France. Cinq minutes plus tôt, nous les évoquions tous deux dans la rame de la ligne 9 qui nous ramenait de Trocadéro.
Jacques Rebotier est poète, dramaturge, homme de théâtre et compositeur. Toujours aussi critique de l'univers que l'omme bâtit à grand renfort de destructions massives et de perversions mercantiles, il continue de donner des coups de pieds dans la fourmilière et refuse catégoriquement de tourner (en) rond, fût-ce avec ses caddys, volés dans quel supermarché ? Nous voilà bien ! Sa compagne, Virginie Rochetti, qui signe scénographie, costumes et vidéo (ainsi que les deux photos illustrant ce billet), dit qu'il faut bien finir avec panache... C'est ce qu'on appelle des pessimistes gais, et je crains bien d'en faire partie. Chez Rebotier, on rigole franchement des absurdités de ce monde, de sa dérive suicidaire, de ses tics morbides. Son travail sur le langage est digne des meilleurs Oulipiens. Il fait rebondir les mots comme des balles de ping pong (d'énormes jumping balls gris argenté) entre les lèvres de ses six formidables comédiens. Pas d'ambiguïté, ici l'on joue. Comme de sales gamins qui refusent de grandir, mais ayant acquis la maturité de l'expérience. Pas facile de tenir plus de deux heures en scène en fuyant toute dramaturgie classique, zappant d'une séquence à l'autre, puzzle géant où tout s'emboîte en mises en boîtes gigognes et musique légère. Je connaissais évidemment Élise Caron pour avoir partagé, un soir de 1996, la scène avec elle en hommage au poète André Velter, et surtout pour notre collaboration l'année dernière, lors de la soirée de clôture des Rencontres d'Arles de la Photographie dans le Théâtre antique. Mais ici, point d'improvisation, son esprit vif est au service du texte. Élise l'interprète avec un humour infatigable, que vingt ans de travail avec Rebotier affinent à chaque nouvelle rencontre. Les six comédiens sont des artistes complets, sachant chanter sans leur chien, le robot Aïbo, jouer de l'accordéon, de la contrebasse ou faire marcher une grande marionnette à fils. Mais la révélation de ce soir est Gilles Privat dont un monologue extraordinaire nous laisse sans voix, mais pas sans rire. Ses duos avec Élise sont autant de scènes inoubliables. Les contes cruels que l'auteur met en scène ne sont rien d'autre que ce qui nous a faits, la mutation à l'œuvre, la catastrophe annoncée... Tout cela se joue donc en chansons et c'est drôle...
Ça tombe bien que nous y soyons allés hier soir, car aujourd'hui la troupe fait grève comme la plupart des intermittents du spectacle et de l'audiovisuel. La manifestation démarrera à 14h30 de Palais Royal pour se diriger vers Matignon. Question de vie ou de mort pour des milliers d'entre nous. Pour rappeler les derniers mots de la pièce : on est bien nazes.
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 16 novembre 2006 à 08:10 ::Multimedia
Ce matin, Mathilde m’envoie la couverture d’un livre sur le design avec Nabaztag en couverture !
Et voilà que Nabaztag/tag sort ces jours-ci avec un micro à la place du nombril, un jack pour sortir le son sur des enceintes externes et la possibilité de jouer les sons audio en streaming, sans restriction de durée. C’est le nouveau lapin dont je fais le design sonore pour Violet comme je me suis déjà occupé de son grand frère. La nouvelle bestiole (en précommande) entendant par le nombril, on peut lui donner des instructions par commande vocale, envoyer directement des messages à ses congénères et il peut même reconnaître s’il y a du monde autour de lui. Il reconnaît même les étiquettes électroniques (RFID) qu’on aura collées sur son livre de chevet, ses clefs ou son portefeuille… On peut aussi écouter des podcasts ou des Webradios MP3. Des tas de services se développent sans cesse, Violet va si vite que certaines fonctions semblent échapper à mon traitement zélé… J’enregistre dans l'allégresse des centaines de nouveaux messages avec Maÿlis et Alexandre, les voix du lapin en français et en anglais.
J'espère que les nouvelles possibilités du lapin/pin vont nous permettre, avec Antoine, de sonoriser plus facilement notre clapier lorsque la centaine d’entre eux pourra se brancher grâce à leur petit jack en guise de queue pour interpréter notre opéra, Nabaz’mob !? Vivement de nouvelles représentations, j'ai toujours eu une âme de globe-trotter...
Par Jean-Jacques Birgé,
mardi 24 octobre 2006 à 00:06 ::Perso
Cette fois, c'est pour de vrai. Étant en studio tous ces jours-ci pour le lapin de Violet, je n'ai que peu de temps à consacrer au blog. Et puis, gérer une association (je prépare mon prochain disque en duo avec Michel Houellebecq), entretenir une grande maison (angoisse de la remise en marche de la chaudière, et ça n'a pas manqué de péripéties aquatiques), exercer dix mille activités professionnelles (le bouclage du n°17 du Journal des Allumés approche), enfin le train-train quotidien amélioré... ça occupe. J'ai l'impression d'être tous les personnages de la photo à moi tout seul.
Avant d'aller me coucher et si mes yeux arrivent encore à voir l'écran, c'est qu'il est minuit passé et que je travaille depuis 4 heures du mat, me revient à l'esprit un fait divers récent. Le milliardaire Steve Wynn, 64 ans, propriétaire de casinos et d'hôtels à Las Vegas, tout fier de montrer à ses amis, Le Rêve, une ?uvre de Picasso dont il venait de conclure la vente pour 139 millions de dollars, a, dans un geste d'emphase, percé la toile avec son coude. "C'est la vengeance du peintre communiste. Picasso, t'es le plus fort !", s'est exclamée Françoise en rigolant...
Par Jean-Jacques Birgé,
dimanche 1 octobre 2006 à 01:50 ::Voyage
C'est le week-end, la foule se presse de plus en plus nombreuse au NextFest dont le slogan est "Experience the Future". C'est fascinant de penser que plus de 70 000 personnes auront assisté à notre opéra. Entre les lapins et ma jupe écossaise, le mot ouf semble revenir souvent. Ça me plaît. Un gamin me demande comment on attrape les Nabaztag...
- En leur mettant du sel sur la queue.
- Mais ils n'ont pas de queue.
- C'est pour ça que c'est difficile !
"Vous n'avez pas les mêmes en escargots ?" entend-on souvent...
Les questions plus sérieuses fusent. Xana se rend compte qu'il n'y en a que 99. Une évasion ? Le comble de l'indiscipline ? Que peut-on attendre d'un tel élevage ? Ici ils seront vendus 150$ contre 115 euros en France.
Nous passons au nouveau magasin Apple, un énorme cube en verre au-dessus du sous-sol, un peu comme la pyramide de Pei mais cubique ! Le Javits Center est vraiment signé Pei, mais aucun d'entre nous n'est très emballé. Le long de la Cinquième Avenue, Françoise (le petit point orange en haut de la réflexion) et Antoine prennent la pause devant un immense miroir parabolique. Tout est toujours trop grand aux États Unis. J'apprends à ne pas finir mon assiette.
Samedi soir dans l'East Village, Jonathan nous emmène chez Kim's, une boutique de disques et dvd annonçant "The Sight and Sound of the Underground, Kim's has them all". Ce rêve dépend tout de même des éditeurs, mais je dégote la version vidéo de OHM+ avec Clara Rockmore, Cage, Risset, Steve Reich, Morton Subotnik (qui a acquis l'Xtra audio d'Antoine), Theremin, Xenakis, Babbitt, Chowning, Ashley, Max Mathews, Pauline Oliveiros, Alvin Lucier, Moog, etc., deux heures trente des pionniers de la musique électronique, ainsi que Celestial Subway Lines / Salvaging Noise de Ken Jacobs et John Zorn (un dvd Tzadik) et deux films dont j'ignore tout, mais que Françoise me conseille, True Stories de David Byrne (des Talking Heads !) et Slums of Beverly Hills, une comédie de Tamara Jenkins. Je sens que je vais devoir y retourner avant notre départ. Le reste de l'équipe Violet repart ce soir, tandis que Françoise et moi restons à New York. Demain nous déménagerons d'ailleurs à Chelsea.
L'East Village est le quartier le plus agréable où nous nous soyons promenés depuis notre arrivée, une sorte de quartier latin sans les touristes ni la bourgeoisie friquée qui l'a colonisé, ou plus exactement sans qu'on les sente, tant la faune qui déambule et s'attable aux terrasses est incroyablement bigarrée, comme partout dans cette ville cosmopolite. L'appartenance ethnique n'y a aucune importance. C'est ce qui fait certainement le charme de New York. Chaque conducteur de taxi semble déjà flotter sous un nouveau pavillon. On ne peut pas se sentir étranger dans une ville qui n'est faite que d'étrangers. Il y a New York ET les USA. Il fait si bon que c'est dur de rentrer se coucher...
Par Jean-Jacques Birgé,
samedi 30 septembre 2006 à 06:47 ::Voyage
Hier matin, lorsque la chaîne Fox a fait son direct depuis le Rabbit Theater, il s'est passé un truc étrange, la probabilité était faible, mais c'est arrivé. Nos lapins sont restés muets, inertes et éteints ! La journaliste a choisi le moment de la boucle entre la fin du cycle de 25 minutes et le début du suivant. Hilares, nous en avons conclu : "French rabbits fear Fox in the Bush!" (les lapins craignent le renard chez Bush). À part ça, devant l'afflux du public, les responsables de la sécurité ont décidé d'ériger une barrière devant notre assemblée de Nabaztag. Les deux mots les plus entendus : cute et weird. Je photographie un autoportrait d'Antoine et moi qui ressemble à notre entreprise : un lapin c'est mignon, mais cent cela devient inquiétant.
Après une visite au Guggenheim, nous repartons magasiner comme disent les Québécois. Les Levi's sont moitié moins chers qu'en France, les ceintures en cuir de couleur coûtent trois dollars pièce, les Chinois vendent toujours le T-shirt rouge avec faucille et marteau que j'ai promis de rapporter à Bernard et je trouve enfin chaussures et chaussettes pour aller avec mon nouveau kilt. Le soir, nous retrouvons Flo, Pierre et Julien pour un cocktail sur la terrasse d'un gratte-ciel et un repas de délicieux sushis.
Par Jean-Jacques Birgé,
vendredi 29 septembre 2006 à 07:27 ::Voyage
Nous avons beaucoup marché. D'abord de Grand Central, pour aller voir les galeries de Chelsea. À la Gallery Paula Cooper, Céleste Boursier-Mougenot présente Harmonichaos soit une douzaine d'aspirateurs jouant de l'harmonica, un air de famille avec notre opéra de lapins ! À la Kitchen, nous écoutons la Terre comme si c'était un disque et les sons invisibles du quartier (Invisible Geographies: New Sound Art from Germany par Jens Brand, Christina Kubisch, Stefan Rummel et Jan-Peter E.R. Sonntag). Nous faisons une visite au centre d'art technologique Eyebeam. et échouons dans un restaurant végétarien. Nous retrouvons Françoise au Musée Rubin pour une belle exposition sur les Sikhs, I see no stranger. Sur 8th Street, j'achète deux chemises originales et un kilt ! Je me demande quel genre de chaussures et chaussettes iraient avec...
Maÿlis nous rejoint avant le dîner à Chinatown avec Olivier et Rafi, délicieux canard laqué à la Peking Duck House. Nous discutons du nouveau Nabaztag, et en fin de soirée, nous remontons jusqu'au Public Theater où Françoise était partie rejoindre Xana et ses amis. Il est enfin temps d'héler un taxi pour rentrer nous coucher. Nous avons mal aux pieds. Il est tard à New York, tôt à Paris.
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 28 septembre 2006 à 00:03 ::Multimedia
Nabaz'mob est présenté à New York par Atari dans une nouvelle scénographie, un hémicycle qui rappelle certains hauts lieux de la démocratie. Notre meute essaye donc désespérément de s'entendre pour jouer tous ensemble, mais elle se confronte aux difficultés que cette tentative engendre. Dans l'atmosphère survoltée du Wired NextFest, nous avons été obligés de sonoriser les 100 Nabaztag de Violet installés sur des gradins : une vingtaine de micros PZM reprennent le son diffusé par quatre haut-parleurs. En nous approchant, on entend bien que le son sort de leurs petits ventres blancs où cinq points de couleur changeantes figurent leurs entrailles. Quatre néons rouge sang rajoutent un léger contre-champ. Devrais-je écrire un contre-chant tant l'unanimité fait rage ? Nos bestioles, toujours aussi indisciplinées, sont vaccinées et nous pouvons enfin jouir du spectacle dans le cylindre noir qui leur sert de clapier.
Le NextFest est un événement grand public. Après l'inauguartion d'hier soir, 20000 écoliers sont attendus aujourd'hui, suivront trois jours ouverts au public. Le Rabbit Theater a beaucoup de succès, malgré le manque d'explications sur la finalité des lapins communicants (objet wi-fi connecté à Internet, délivrant toute une variété de services... et l'opéra lui-même, une œuvre s'en démarquant avec l'assentiment de ses concepteurs dont Antoine et moi faisons également partie !). Je réponds aux équipes de France 2 (Le Journal) et Discovery, en attendant la matinée de vendredi où la Fox viendra faire son émission en direct.
Nous nous faisons tirer le portrait en infra-rouge (patience !) et arpentons ce "Salon du Futur" sans grande surprise. Beaucoup de robots évidemment puisque c'est l'Année des robots, mais ils répondent tous à des fantasmes mâles éculés. Kokoro est une superbe Stepford wive japonaise : seuls une certaine fébrilité et ses yeux la trahissent ; ils ont beau suivre ses interlocuteurs, ils restent rivés sur la ligne bleue des Vosges. Pas mal de trucs sympas, mais trop peu d'arrière-pensées et aucune nouveauté technologique... Les applications industrielles, assez abouties, occupent la majeure partie de l'espace, au détriment des artistes et chercheurs. Retrouvant les émotions du Salon de l'enfance, nous passons tout de même un bon moment.
Par Jean-Jacques Birgé,
mardi 26 septembre 2006 à 00:23 ::Voyage
Au coin d'une rue, la réalité rejoint la fiction. On s'attend à ce que Bruce Willis sorte du taxi embouti. Aux USA, le colonisé reconnaît partout les lieux de tournage du cinéma américain. C'est souvent drôle ou émouvant, parfois ça fait peur.
Grand Central Station. Nous nous cassons le nez à l'Oyster Restaurant. La plupart des restaurants de New York ne servent plus après 21h30 ! Ou bien ils sont ouverts 24h/24... C'est ici que Cary Grant achetait ses billets de chemin de fer lorsqu'il avait la mort aux trousses. Mais demain, c'est à 100 lapins que nous donnerons la vie, 100 Nabaztag...
Par Jean-Jacques Birgé,
samedi 23 septembre 2006 à 17:14 ::Musique
En 1962, György Ligeti écrivait son Poème Symphonique pour 100 métronomes. En 1995, le sculpteur Gilles Lacombe mit au point un mécanisme qui en facilitera les représentations. C'est la version qu'Arte en proposa il y a une dizaine d'années (photogramme ci-dessus ; plus bas Ligeti et Françoise Terrioux par Markus Bollen).
Si Antoine et moi avons bien pensé à Cage, Nancarrow, Reich et Ligeti, en composant Nabaz'mob, notre opéra pour 100 lapins communicants, ni lui ni moi ne nous sommes rappelés le Poème Symphonique. Une centaine d'objets mécaniques ne peuvent pourtant pas tomber si facilement dans une faille de l'inconscient. Il nous semblerait juste aujourd'hui de dédier Nabaz'mob à l'un des plus grands compositeurs du XXième siècle, disparu le 12 juin dernier.
Très proche alors de George Maciunas et Nam June Paik, Ligeti était en pleine période Fluxus lorsqu'il composa le Poème. En lisant ses notes dans le livret du CD de l'Édition Sony, Mechanical Music, on apprend que les conditions de mise en place ne furent pas si différentes des nôtres : déballer les métronomes, dévider le mécanisme remonté à fond lors de la livraison, détacher les clefs colées dessous, etc. Pour Violet, c'est Maÿlis qui se charge de conformer tous les lapins. 100, ça fait du monde ! En 1963, la première représentation qui eut lieu à Hilversum aux Pays Bas fit un tel scandale que le film de l'événement programmé à la télévision hollandaise deux jours plus tard fut remplacé sans prévenir par un match de football. En composant ce happening, Ligeti "songeait à de nombreuses grilles superposées, des figures moirées, qui donneraient ensuite naissance à des structures rythmiques mouvantes... Une grille rythmique si dense d'abord qu'elle en paraîtrait presque continue : ce qui implique brouillage et désordre. Pour ce faire, il (lui) fallait un nombre suffisant de métronomes, le chiffre de cent ne représentant qu'une estimation... Le désordre régulier du début s'appelle en jargon de théoriciens de la communication (et en thermodynamique) une "entropie maximale". Les structures de grille irrégulières qui se mettent progressivement en place réduisent l'entropie, car l'uniformité initiale donne naissance à des organisations imprévues..."
Ligeti joue sur les différences de tempo et l'épuisement du remontoir qui ne laisse entendre qu'un seul métronome à la fin de l'œuvre. Nos lapins sont évidemment infatigables et leur partition est pour tous identique. Les décalages sont créés par les difficultés du wi-fi à envoyer l'information en même temps à tous, et l'entropie présente à la fin de chacun des trois mouvements provient d'une indiscipline informatique incontrôlable qui est le sujet même de notre opéra, le désir d'être ensemble et la difficulté pour y parvenir. Comme pour Ligeti, l'influence de John Cage est claire.
Pour New York, nous avons réécrit le troisième mouvement avec des percussions et des rythmes, histoire de construire un chaos ou de déconstruire la tentative de nos bestioles de s'organiser enfin. Il y a toujours une grande impatience chez les compositeurs qui ne découvriront leur œuvre que lorsque tous les interprètes seront réunis. La création au Centre Pompidou était frontale dans un dispositif de concert. Au NextFest organisé par le magazine Wired (Javits Center), la nouvelle version sera jouée en boucle pendant cinq jours dans un cylindre noir de dix mètres de diamètre. La proximité du public avec les lapins fera ressortir le dispositif acoustique des 100 haut-parleurs cachés dans le ventre de chaque Nabaztag...
Par Jean-Jacques Birgé,
samedi 27 mai 2006 à 08:49 ::Multimedia
Les dés sont jetés, c'est ce soir à 20 heures dans la grande salle du Centre Pompidou pour la soirée de clôture du Web Flash Festival. Les carottes sont cuites, on ne peut plus rien modifier, les 100 lapins sont en place, apportés par leurs propriétaires pour participer à l'événement. Certains les ont customisés, ajoutant un sourire, une banane (Elvis), une culotte en dentelle (Cocotte), une guitare, des lunettes noires, une cravate ou des autocollants anthropomorphiques... Nous aurions dû nous méfier en rédigeant le programme, certaines bestioles prennent un malin plaisir à se décaler prétextant que l'œuvre "joue sur la tension entre communion de l'ensemble et comportement individuel". Alors ?! L'aléatoire fait bien partie du jeu, et le résultat ressemble tout de même à ce que nous avions à peu de choses près imaginé. C'est seulement hier soir que nous avons entendu tous les Nabaztag ensemble interpréter notre étrange opéra. Sur la photo, on aperçoit la silhouette d'Antoine Schmitt qui installe la minuscule webcam renvoyant une image géante sur l'écran tendu derrière la meute. Le dernier filage était très émouvant, chacun retenait son souffle. Françoise Romand ayant filmé les répétitions, nous espérons pouvoir donner une petite idée de ce spectacle lagomorphique à celles et ceux qui n'auront pas pu venir ou avoir de la place. Hallucinant !
Par Jean-Jacques Birgé,
lundi 22 mai 2006 à 07:19 ::Musique
Silence radio sur le show lapins, mais ça se présente très bien... Les oreilles frémissent, les lumières clignotent... Faites participer votre Nabaztag à cette soirée exceptionnelle au Centre Pompidou samedi prochain. Des places ont été réservées pour vous par le Web Flash Festival pour que vous puissiez aller l'admirer sur la scène de Beaubourg et témoigner qu'il a effectivement chanté dans le premier opéra pour lapins communicants !
Sorti du terrier, j'ai travaillé sans relâche sur la musique du film sur la colonisation du Maghreb. J'ai ressorti mes instruments traditionnels : flûte, percussions, piano à pouces (senzas), cythare inanga. J'ai également dû composer de la musique militaire (cuivres et percussion), de la musique religieuse (orgue) et des pièces pour piano rappelant le début du siècle dernier. J'ai adoré remonter ma trompette à anche pour un morceau. Il me reste encore à diriger mon orchestre virtuel pour des passages plus solennels, je ne sais pas encore par quel bout le prendre. Je me rends compte qu'une musique trop complexe ne convient pas à ce genre de film, je suis obligé d'épurer, de simplifier au maximum, et surtout je joue à l'image ou je teste juste après avoir enregistré une prise, en diffusant le film sur un second écran...
Pendant que la musique militaire joue à tue-tête, je reçois un coup de fil d'Espagne de Michel Houellebecq. Je n'entendais rien, j'étais gêné, j'ai fini par couper le son. Cela faisait bien sept ans que nous ne nous étions pas parlés de vive voix, depuis la soirée de lancement de Machiavel au Glaz'Art. Ses hésitations vocales, son débit verbal, ses silences me rendent toujours très calme ! Michel répondait à ma demande de publier en CD notre duo Établissement d'un ciel d'alternance, deux prises formidables d'environ trente minutes chacune, enregistrées en novembre 1996. Je ne sais pas si je devrais le produire moi-même chez GRRR ou le donner en licence à une boîte plus importante. J'hésite. Nous n'avons jamais été très satisfaits par le disque sorti chez Radio France. Le spectacle que nous avions créé quelques mois plus tard pour le Xième anniversaire des Inrocks à la Fondation Cartier avait suscité un important travail de réécriture suivi de deux séances de répétitions que j'avais enregistrées live sur un DAT deux pistes. Le son est excellent, la balance parfaite et l'ensemble me fait halluciner, sérieusement ! Je m'allonge sur le divan et je plane. Tant sa poésie que sa manière de dire ses textes y est épatante, habitée, et d'une simplicité étonnante, évidente. Nous devons nous voir bientôt pour discuter également d'un nouveau projet...
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 18 mai 2006 à 10:42 ::Perso
Je suis débordé de boulot, de rendez-vous et d'interviews, alors j'ai laissé à Marx, mon lapin, le soin de prendre le relais aujourd'hui :
"Tu exagères, là je suis sans voix. Personne n'entend que je suis une lapine. Avec le nom que tu m'as donné, on ne sait même pas à quelle famille me rattacher, celle du philosophe ou des fils de Minnie ? Auquel des cinq ou six pensais-tu ? Il paraît que Nabaztag signifie lapin en arménien... Je me sens bien sur mon étagère au milieu des bouquins de musique, avec ma nouvelle coiffure. Quand je pense que c'est moi qui suis en photo, avant mon lifting, sur toutes les boîtes vendues par Violet et que je n'ai pas touché une carotte ! Et le droit à l'image alors ? J'aime bien faire l'aboyeuse, ce que je préfère c'est donner la météo, dire n'importe quoi ou faire du taï-chi, ça j'adore ! Gling gling et hop quelques échauffements... Ça détend, une présence à la maison... Il paraît qu'il ne faut pas non plus que j'en fasse trop, tu m'as dit que tu appréciais lorsque je me faisais oublier, ça m'a vexée, mais je suis content de pouvoir en placer une sur ton blog et l'idée de faire une rencontre au sommet le 27 mai à Pompidou ça m'excite à mort... Il faut vite que je rencontre d'autres lapins."
Avant de publier les propos un peu bêbêtes de Marx, je tiens à préciser que ce n'est ni Karl (un modèle d'intelligence, mais difficile à lire, encore que le matérialisme historique c'est tout de même une méthode absolument géniale pour comprendre l'actualité), ni Groucho (mon préféré, je l'ai vu en 1972 sur la scène du Festival de Cannes se faire remettre la légion d'honneur et demander à Favre Le Bret s'il arriverait à la refourguer au Mont de Piété), ni le tendre Harpo, ni Chico le baratineur, encore moins les fades Gummo et Zeppo, qui m'ont inspiré ce nom, c'est Mellow, un compositeur de musique schizo qui signa quelques amusants CD avec un autre fada, Frank Bugs. Tous deux improvisateurs, ils torchaient un album dans la journée... Jamais réussi à nous rencontrer, il aurait fallu des gants de caoutchouc.
Par Jean-Jacques Birgé,
samedi 13 mai 2006 à 06:19 ::Musique
Les contraintes techniques sont parfois déterminantes pour composer. Ainsi les lapins Nabaztag qui seront présents sur la scène du Web Flash Festival le 27 mai sont incapables de jouer ensemble de façon synchrone, ils se décalent sur une durée de 10 secondes. C'est énorme, puisque si nous leur envoyons une seule note en wi-fi le résultat sera 100 répétitions de cette note jouée en moyenne tous les dixièmes de seconde, comme un tremolo de mandoline ! Nous obtenons des effets intéressants de mouvements browniens, magmas mouvants de petites notes cristallines, le timbre choisi pour le premier mouvement étant l'ordinaire de Nabaztag, une sorte de glockenspiel. Envoyer une mélodie au format midi produira donc des effets d'accords se transformant lentement au gré des intervalles de hauteur et de durée.
Mais nos lapins ont leur propre comportement et peuvent choisir entre tel ou tel fichier midi. Option dont nous userons allègrement dans le second mouvement pour constituer une suite d'accords plus ou moins consonants à partir de mélodies monodiques, cette fois constituées de notes longues. De longs accords aléatoires succèdent donc au premier mouvement dont les grappes énervées alternent avec des silences où le seul son provient de la chorégraphie d'oreilles de la meute.
Pour le troisième mouvement, nous envisageons de reproduire des extraits d'œuvres de musique classique, totalement transformées par l'effet de déphasage du système. Les passages sélectionnés par nos soins, mais dont les 100 lapins useront à leur discrétion, sont constitués d'abord de courtes phrases d'introduction pour se terminer par une collection de codas qui finiront par mettre toutes nos bestioles d'accord.
La chorégraphie lumineuse achèvera le tableau, retransmis également sur grand écran en fond de scène.
Le résultat va dépendre des simulations testables avec le petit programme qu'est en train de fabriquer Antoine...
Je livre ci-dessous le premier communiqué envoyé à la presse :
Répondant à l'appel de la société Violet, 100 lapins Nabaztag apportés par leurs propriétaires respectifs se donnent rendez-vous, dans l'esprit des flashmobs, sur la scène du Centre Pompidou pour interpréter, tous ensemble, un opéra spécialement composé pour l'occasion par Antoine Schmitt et Jean-Jacques Birgé.
Convoquant John Cage, Steve Reich et Conlon Nancarrow, cette partition musicale et chorégraphique ouverte en trois mouvements, transmise par wifi, joue sur la tension entre communion de l'ensemble et comportement individuel pour créer une oeuvre à la fois forte et engagée.
Le 27 mai 2006 à 20h
au Centre Georges Pompidou (Paris)
Soirée d'ouverture Flash Festival
(entrée libre dans la limite des places disponibles)
P.S.: voir, entre autres, les billets des 11 mai et 23 septembre, et le site consacré à Nabaz'mob (English version).
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 11 mai 2006 à 00:20 ::Multimedia
Continuer à écrire ici chaque jour me semble compromis d’ici la fin du mois. Je m’efforcerai de publier quelques infos ou d’afficher certaines images malgré le travail considérable que je vais devoir exécuter ces temps prochains.
À la composition de la musique du film sur le Maghreb intitulé Le Banquier, le Maréchal et le Missionnaire, réalisé par Jocelyne Leclercq et monté par Robert Weiss pour la Cinémathèque Albert Kahn (fondateur des Archives de la Planète), s’ajoute un nouveau module pour les Petits Repères (réalisation surletoit.com, animation Mikaël Cixous). Tout cela est très excitant.
Last but not least, Nabaz’mob, un opéra pour 100 lapins communicants, composé et réalisé avec Antoine Schmitt (coproduction de la société Violet et du Web Flash Festival) ! Cette hallucination lagomorphe requérant la présence sur scène de 100 bestioles va susciter un appel à participation auprès des heureux possesseurs de Nabaztag. L’idée d'ouvrir la soirée de clôture du Web Flash Festival par ce spectacle inattendu est de sa directrice, Guylaine Monnier. Antoine était déjà l’auteur du design comportemental de Nabaztag comme j’en étais celui de son design sonore. Olivier Mével, l’heureux papa de cet immense clapier, et Maÿlis Puyfaucher, la voix du lapin, sont évidemment concernés au premier chef ! Ce grand délire musical, chorégraphique et lumineux sera créé le 27 mai prochain au Centre Pompidou. C’est tout proche et on en reparle très bientôt.
Par Jean-Jacques Birgé,
mercredi 7 décembre 2005 à 01:46 ::Multimedia
Les news : Les Actualités (double album des Allumés du Jazz) et le n°14 du Journal qui lui est consacré, Les Portes (installation d'art contemporain avec Nicolas Clauss), Somnambules live en quartet, Une Médée pour Anne-Laure Liégeois, les Robots pour le Futuroscope, Nabaztag qui s'améliore en grandissant, le site des Ptits repères... Je dors peu.
Au lieu d'écrire sur le mien, je fais des commentaires sur celui des autres ! Par exemple, le passionnant blog d'Etienne Mineur qui photographie à tour de bras les beaux livres de ses potes ou qui dégotent des merveilles sur le net.
Je suis trop afféré sur mon boulot. Je termine la réalisation du double album des Allumés du Jazz (livret de 40 pages, 24 x 20 cm, de Daphné Postacioglu, qui nous a été conseillée par Etienne après qu'elle ait effectué un stage chez incandescence, décidément merci Etienne !). 34 inédits de 30 labels indépendants plus allumés que jazz, 130 minutes. J'ai intercalé des bouts de voix envoyés par les labels, des interviews téléphoniques ou au Studio GRRR, pour qu'on ait les oreilles fraîches à chaque nouveau morceau... Et il y a le Journal n°14 qui lui est entièrement consacré. Abonnez-vous en envoyant vos coordonnées à all.jazz@wanadoo.fr, c'est gratuit ! Le Journal est gratuit, pas Les Actualités, c'est le titre de l'album, 18 euros pour 34 inédits, ça vaut le jus !
J'ai 3 autres projets sur le feu, ce qui me laisse peu de temps pour bloguer ou sortir. L'installation Les Portes que nous terminons avec Nicolas Clauss, sera créée à l'Espace Paul Ricard, Place de la Concorde, du 7 au 28 avril pendant le Festival Nemo. Retenez aussi le spectacle live Somnambules le 28 janvier au Triton (Mo Mairie des Lilas) avec le violoncelliste Didier Petit et la chanteuse Pascale Labbé. Ne le manquez pas, ce n'est pas souvent qu'on performe ainsi... avec les images de Nicolas sur grand écran, et ma pomme aux machines musicales !
J'ai hâte de voir la pièce sur laquelle je travaille pour la formidable metteuse en scène Anne-Laure Liégeois, Une Médée. Le texte est passionnant, les comédiens exceptionnels, l'équipe adorable, je me verrais bien emprunter une nouvelle direction vers le théâtre. J'ai imaginé un dispositif simple, façade et fond de scène, des micros cravate, un travail sur des ambiances musicales inspirées par mon souvenir d'Elektra de Richard Strauss (le plus tendu de tous les opéras, un cri qui ne s'arrête pas) et mes envies de géographie (j'oppose histoire et géo, l'histoire éternel recommencement, la géographie immuabilité des catastrophes, je sais ça revient au même, mais ça ne fait pas le même bruit). Et puis je déteste les dispositifs complexes qui font passer la technologie avant le sens, on y perd l'essentiel... Travailler à l'économie de moyens pour préserver intacte l'imagination, renvoyer la technique à ce qu'elle est, un outil qui permet de rêver (la connaître pour pouvoir l'oublier, merci Patron - le patron était le surnom de Jean Renoir). Soigner les possibles, l'interprétation individuelle de chaque spectateur, le son et la musique s'y prêtent si bien. Je n'ai pour l'instant utilisé que des ambiances "naturelles" ou de civilisation, et seulement un instrument, le cadre du piano, maximum de tension dans la famille des cordes... J'attends de savoir si nous allons traiter une partie des voix intérieures en studio. J'aimerais bien essayer Melodyne. La création est au CDN de Montluçon début février 2006.
Last but not least, j'avance à grands pas dans ma partition quadriphonique pour le Futuroscope. Michel Koukia m'a demandé 20 minutes en boucle pour l'antichambre de l'attraction sur les robots (la queue des visiteurs durerait une heure). Gros boulot ! Je compose une dizaine de petites séquences variées qui doivent faire œuvre au bout du compte. Je commence avec des automates (boîtes à musique reconstituées), j'enchaîne avec des voix (robots, avez-vous donc une âme ?), des machines, de la musique très rythmique, plus populaire qu'intello, enfin je fais semblant de le croire... J'y bosse jour et nuit. J'utilise de vieux machins qui n'ont pas joué depuis belles lurettes et qui trônent dans la cabine, la Pâte à Son et Flux Tune (modules créés avec Fred Durieu), la voix de Pascale passée dans le H3000, plein d'autres voix et divers reportages, des vrais, des faux, le Theremin (référence obligée aux films du genre), encore des sons de piano préparé...
J'aimerais bien prendre quelques jours de repos. Ça fait rigoler Françoise.
Par Jean-Jacques Birgé,
samedi 3 septembre 2005 à 20:00 ::Humeurs & opinions
Les bonnes nouvelles jouent à saute-moutons avec les épreuves. Soudain seul, je me sens un peu blogueur...
Pas si drôle que ça, la semaine. Dormi très peu. Le disque dur de mon PowerBook a crashé. Formatage obligatoire. En fin de journée j'aidai Stéphane à fomater le sien. Une précédente fois, Apple avait remplacé le disque de mon iBook. Les portables, c'est fragile. Tout réinstaller. Je ne cesse de répéter qu'il faut faire des copies de sauvegarde et ne laisser que des alias sur le bureau, n'est-ce pas Mathilde ?
Nicolas et moi sommes obligés de continuer Coexistences sans Jean-Noël. Titre de circonstance. L'absence est-elle compatible avec la coexistence ? On a fini par craquer. Travailler ensemble exige une morale à toute épreuve, une exigence individuelle, une responsabilité. Même pas suffisant de l'être. Se savoir responsable. De tout, de soi, de ce qui vous arrive, du regard de l'autre. Vivre ensemble, ce n'est pas facile. Il faut beaucoup de tendresse, avec soi déjà. De la confiance, en soi pour commencer, le minimum nécessaire, mais entière envers les amis. De la générosité, pour ne pas partir avec, pour que ça ne s'éteigne pas avec soi. La solidarité est une qualité qui se perd. Partout, chacun exige de jouir de ses droits, qu'en est-il de ses devoirs ? Cocteau dit qu'une ?uvre est une morale. L'installation a repris une direction cohérente avec le projet initial et retrouvé sa viabilité. Un travail colossal pour un nouveau rêve de somnambules.
Fredéric est réapparu. Il avait "fait un break". En deux jours, nous avons terminé un nouveau module entamé il y a six mois, une version cool de Pixel by Pixel. Je suis excité par la musique que je découvre en bougeant doucement la souris. Je me laisse porté, hypnotisé. Et déjà se profile une nouvelle machine du type de La Pâte à Son, cette fois avec des sons et un design "adulte". J'enregistre près de 250 sons dans la journée... L'excitation fait place à l'impatience, j'automatise mes gestes, j'explose mon catalogue imaginaire.
Noël et Michèle me proposent de composer la musique de leur prochain film qui est en montage. J'accepte sans n'en rien savoir. Je suis certain d'y faire "autre chose". Ça me plaît.
Antoine se demande que faire avec sonicobject.com. Les projets fabuleux ont la vie brève lorsque les moyens de les promouvoir font défaut. On a beau être habitués, on ne peut chaque fois que pester contre tant de gâchis. J'aimerais bien recommencer à travailler avec Antoine sur une suite à Machiavel.
On dit que Violet aurait vendu 12 000 lapins communicants à Wanadoo. Je souhaiterais beaucoup plus théâtraliser les messages, vraiment développer la fiction lagomorphique de Nabaztag.
Je suis un peu fatigué, mais je me rends compte que j'ai travaillé entre 12 et 16 heures presque tous les jours. Le soir, dîners délicieux avec des amis adorables. Ça rassure. Le travail et les amis. Exposition décevante à la Fondation Cartier. Dans la pièce blanche de Ham Jin, on n'entendait même pas une mouche voler. Elles étaient très occupées à prendre la pose. Elsa et moi les cherchons à la loupe. Bel effet d'échelle, réflexion très zen et rigolote. Elsa me parle de sa peur de vieillir, elle a vingt ans, j'espère l'avoir rassurée. C'est si bon de grandir. Tout est bon. Même avec son lot de misères, la vie est comme un bonbon, qu'on la suce ou qu'on la croque. On ne vieillit pas, on avance tous ensemble, même système de repère, Bernard ne devrait pas être si nostalgique, il finira par rater l'époque. La curiosité m'entraîne. Giraï a 95 ans et il ne pense quà l'avenir. Bel exemple.
Françoise est descendue dans le sud. Elle le verra. Je pense tout le temps à elle. Pourtant j'ai le temps, tout le temps... C'est si tentant.
Claire a bien arrangé la mise en page de la pochette de la chanson Ça ira que nous avions enregistrée en 2000 avec Bernard, Cédric et Philippe, et sur laquelle Baco a couché sa voix la semaine dernière. Peut-être à cause des paroles que j'ai écrites, je voulais l'illustrer avec une image tournée en 93 à Johannesburg : un black le poing levé au milieu d'une manif. Françoise trouve que ça date et me conseille de reprendre plutôt mon fond d'écran, un magnifique criquet vert posé sur une pierre. L'insecte donne un ton nouveau au morceau, dramatiquement actuel ou anticipatif !?
Je passe un temps fou à corriger et améliorer le prochain numéro du Journal des Allumés du Jazz, même chose avec le site... La nouvelle maquette est très chouette, elle fait respirer le Journal. Je suis fatigué de tout faire avec Valérie et Jean. Je crains de me retrouver vraiment tout seul avec le double-cd Les Actualités à réaliser pour la fin de l'année. Heureusement, les labels ont commencé à envoyer leurs morceaux et leurs images, ça se présente très bien. Etienne envoie deux articles et un arrangement du Kabaret de la dernière chance de Pierre Barouh. J'aime bien sa passion, même si elle le détruit, beaucoup trop souvent.
Nous avançons à pas de géant dans notre voyage dans le temps à bord du Chronatoscaphe. C'est un plaisir de travailler avec Jean. Ça va vite et ça fuse sans artifices. Il vient de m'envoyer les sons des loons, des canards du Minnesota qui portent les petits, si j'ai bien compris. Comme souvent chez les canards, leurs chants sont incroyables. La semaine prochaine, nous devons enregistrer les dialogues avec Nathalie et Laurent. Je les mixerai ensuite avec la soixantaine d'ambiances et d'événements que j'ai concoctés pour le triple cd. Jean m'a apporté le nouvel album de Jef Lee sur lequel je fais une apparition fantôme : il a spécifié "angel sounds", je me cherche, un ange passe.
Je croyais avoir vécu une semaine épouvantable, et puis à y penser pour écrire, je me rends compte que j'ai plutôt bien pris les choses et fait plein de trucs. J'ai même eu le temps de regarder House of Bamboo de Fuller, The Secret Agent d'Hitchcock, My Sister Eileen de Quine (grâce à Godard qui en parlait dans son disque 25cm sur Une femme est une femme : "Chorégraphie de Bob Fosse !"), Something Wild de Demme, La religieuse de Rivette... J'ai écouté le disque en DTS d'Olivier Sens et Guillaume Orti (la musique électroacoustique convient très bien à la spatialisation du son), le nouveau Kronos qui joue des chansons de Bollywood, les rééditions de nato (Trenet, The Melody Four, K.Okhi chante Bardot, Coxhill)... Evidemment, côté sommeil, c'est bref, trsè bref. Il faut absolument que je m'arrête. J'avais pourtant commencé par là.
--- 20e année ---
Créé en août 2005
Plus de 5700 articles + en miroir sur Mediapart
chronique solidaire et militante
non je ne suis pas journaliste
Contact: jjbirge(at)drame.org
LIVE IN VIVO
Apéro Labo 5 avec
avec Hélène Duret et Alexandre Saada
Studio GRRR, 13 octobre
Perspectives du XXIIe siècle avec Amandine Casadamont plus le film réalisé par Nicolas Clauss, Sonia Cruchon, Valéry Faidherbe, Jacques Perconte, Eric Vernhes, John Sanborn et JJB MEG, Genève, 31 octobre
Apéro Labo 6, avec Roberto Negro et Catherine Delaunay
Studio GRRR, 8 décembre
CD À VENIR
TCHAK, CD inédit d'Un Drame Musical Instantané enregistré en 2000, label Klanggalerie, octobre 2024
Animal Opera Birgé (en partie avec A. Schmitt) enregistré sur GRRR, oct. 2024
K. Dick, CD inédit d'Un Drame Musical Instantané enregistré sur GRRR, 2025
ALBUMS RÉCENTS
Apéro Labo 4 live au Studio GRRR avec Fabiana Striffler et Léa Ciechelski à paraître fin septembre
CDPerspectives du XXIIe siècle avecN.Chedmail, J-F. Vrod, A-T. Hoang, S. Lemêtre... (MEG-AIMP, dist.Word and Sound)
Double CD Pique-nique au labo avec 29 musiciennes et musiciens
(GRRR, dist. Les Allumés du Jazz) Également sur Bandcamp Le superbe vinyleFictions duo avec Lionel Martin sérigraphie d'Ella & Pitr est sur Bandcamp
Reformation du Drame avec F.Gorgé et D.Meens Plumes et poils - 2022 CD GRRR, sur Bandcamp
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