70 Humeurs & opinions - juin 2008 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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samedi 28 juin 2008

De la bouche des enfants


Complètement craquant, le discours à l'ONU de cette jeune canadienne de 13 ans date de 1992 lors du sommet de Rio. Que sont devenues Severn Cullis Suzuki et ses camarades de l'E.C.O., l'organisation des Enfants pour la Défense de l'Environnement, Vanessa Suttie, Morgan Geisler, Michelle Quigg ? Rien n'a changé depuis, ou sinon, en pire. L'oratrice pose une question récurrente qui m'a toujours taraudé : comment peut-on avoir une politique à court terme lorsqu'on a des enfants ? Cynisme, imbécillité, suicide, perversité ? Les puissants ont probablement l'arrogance de penser qu'ils s'en sortiront toujours, même si les places sont de plus en plus chères. Severn a continué son combat. Pas besoin d'être écolo pour comprendre de quoi elle parle et ce qui l'anime. Pas nécessaire d'être cynique devant le show médiatique pour réfléchir à chacun de nos gestes. Pas trop tard pour agir si l'on veut que ça bouge. Je me suis battu pour changer le monde, l'améliorer, réduire les inégalités, et nous avons perdu la première manche. Nous n'avons même pas su laisser les lieux dans l'état où nous les avions trouvés. Même en ce qui concerne ce que nous pourrions faire, nous sommes manipulés par le marketing verdoyant. Le bio est un marché dont on connaît déjà les limites, biologiques, mercantiles et politiques. Effets d'annonce, une catastrophe chasse l'autre, vite oubliée, il faut que ça se vende à ceux qui en ont les moyens. Pour réinventer la résistance, il va falloir payer de sa personne, abandonner une grande partie de nos privilèges. Jusqu'où sommes-nous prêts à aller pour que cesse le massacre ?
Merci à Pierre-Oscar de m'avoir signalé cette vidéo.

mercredi 25 juin 2008

Dilatation


Nous quittons Paris demain pour La Ciotat, laissant la garde de la maison à Jonathan et aux amis, malgré les problèmes occulaires de Françoise qui devra peut-être se faire opérer là-bas. J'emporte tout ce qu'il faut pour travailler, même si j'espère me la couler douce. Cette fois, Scotch est du voyage. Je compte me refaire une santé et revenir un homme neuf. Je ne sais pas encore si je serai capable de continuer le blog tous les jours. Peut-être qu'un peu de vacances me feraient du bien de ce côté-là aussi. Voilà bientôt trois ans que je blogue 7 jours sur 7, j'ai donc dépassé les mille articles. Jusqu'à dimanche inclus, je suis aussi toujours sur tchatchhh. Mais je vous retrouve au bord de la mer. Tchao !

lundi 23 juin 2008

Le parlement Européen s'apprête à légiférer pour interdire la libre expression des blogueurs

Au moment où la Suède, qui a toujours préfiguré les décisions européennes en matière de "démocratie" (phrase ironique, je tiens à le souligner), a voté une nouvelle loi autorisant un organisme civil, chapeauté par le ministère de la Défense, à mettre en place de grandes écoutes des communications de tous ses citoyens, au nom, bien entendu, de la sécurité du pays, au moment où la France, sous prétexte de défendre les droits d'auteur contre le piratage sur Internet va légiférer en empiétant considérablement sur la liberté des internautes avec sa loi Hadopi, rassemblant des informations sur chacun et chacune comme aux pires périodes de l'Histoire, la Commission de la culture et de l'éducation (rapporteuse : Marianne Mikko) à Bruxelles publie un projet de rapport sur la concentration et le pluralisme dans les médias dans l'Union européenne (en pdf) (2007/2253(INI))

Ce projet sent l'attaque contre tous les blogueurs en créant les conditions d'une maitrise par les pouvoirs idéologiques de la bourgeoisie, écrit Niurka Règle. Les milliardaires qui possèdent les médias télé-audio-visuels et la plupart des titres de la presse écrite veulent maintenant interdire l'expression libre à travers les blogs.

Quelques extraits de la proposition :

V. considérant que les cas de conflits touchant à la liberté d'expression en ce qui concerne le respect de croyances religieuses et autres ont récemment pris une importance accrue,
W. considérant que le niveau d'éducation aux médias des citoyens de l'Union européenne est inférieur à ce qui est souhaitable et que la prise de conscience de la nécessité d'une instruction aux médias est faible,

1. demande instamment à la Commission et aux États membres de préserver le pluralisme des médias, d'assurer que tous les citoyens de l'UE peuvent avoir accès à des médias libres et diversifiés dans tous les États membres, et de recommander des améliorations là où elles sont nécessaires ;
2. suggère à cet égard l'institution d'un médiateur indépendant des médias dans les États membres ; et souhaite son acceptation dans toute l'Europe ;
3. se félicite des efforts accomplis en vue de créer une Charte de la liberté des médias
4. souligne la nécessité d'instituer des systèmes de contrôle et de mise en œuvre du pluralisme des médias, fondés sur des indicateurs fiables et impartiaux ;
5. convient que le niveau de référence pour la mesure du pluralisme des médias devrait être fixé par chaque État membre individuellement ;
6. souligne la nécessité pour l'UE et les autorités des États membres d'assurer l'indépendance des journalistes et des éditeurs par des garanties spécifiques juridiques et sociales appropriées, ainsi que le respect des meilleures pratiques par les propriétaires des médias dans chaque marché où ils opèrent ;
7. propose l'introduction de redevances adaptées à la valeur commerciale du contenu généré par des utilisateurs ainsi que de codes d'éthique et de règles d'utilisation pour les contenus générés par les utilisateurs dans les publications commerciales ;
8. se félicite de la dynamique et de la diversité qu'ont apporté au paysage médiatique les nouveaux médias et encourage une utilisation responsable de nouveaux canaux comme la télévision numérique mobile ;
9. suggère – que ce soit par le biais d'une législation ou autrement – de clarifier le statut des blogs et encourage leur labellisation en fonction des responsabilités professionnelles et financières et des intérêts de leurs auteurs et éditeurs ;
10. recommande l'inclusion de l'apprentissage des médias parmi les neuf compétences de base et encourage le développement d'un programme d'enseignement de base pour l'éducation aux médias ;
11. encourage la divulgation de la propriété des médias afin de contribuer à la compréhension des objectifs et de l'identité du diffuseur ;
12. encourage les États membres à veiller à ce que l'application de la législation communautaire relative à la concurrence, aux médias ainsi qu'à Internet et au secteur des technologies de la communication facilite et encourage le pluralisme des médias, et à prendre des mesures adéquates lorsque la concentration de la propriété a un impact négatif sur le pluralisme des médias ;
13 recommande que les dispositions réglementant les aides d'État soient appliquées de façon à permettre aux médias de service public de remplir leur rôle dans un environnement dynamique, tout en évitant une concurrence déloyale qui entraînerait l'appauvrissement du paysage médiatique ;
14. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission ainsi qu'aux gouvernements et aux parlements des États membres.

Ce texte, sous le prétexte de protection, cache, écrit Niurka, toute une future législation autour de la concurrence libre et non faussée et qui visera en particulier le simple blogueur astreint à des règles qui seront tellement dissuasives sur le plan individuel qu'elles entraîneront à faire des fournisseurs d'accès des gendarmes du net de l'idéologie bourgeoise.

samedi 21 juin 2008

...


J'ai d'abord pensé aux trois singes, mais les mains n'occultent ni les oreilles ni les yeux. Seulement la bouche. Comme une impossibilité, un empêchement de parler. À vous couper le souffle. Ou la chique. Fatigue de n'avoir plus la force d'écrire ni de penser, même de dormir. Je me suis dit que j'allais publier une photo, un point c'est tout. J'en ai mis trois en guise de titre. Suspension. Quelle absence de mot pourrait signifier le silence ?

P.S. : à l'inverse, en attendant le retour de Karine, on pourra écouter Le poil et la plume sur tchatchhh, ce qui marque la fin de la première mi-temps de notre blog-conversation...

dimanche 15 juin 2008

Tombeau de Gilles Tautin


Les événements de mai ne se sont pas cantonnés au mois de mai 68. Même s'ils ont duré quelques semaines, leur effet s'est réellement fait sentir pendant la demi-douzaine d'années qui allaient suivre. On a célébré leur quarantième anniversaire dès mars-avril pour pouvoir s'en débarrasser le plus vite possible, sur les conseils d'un président qui avait loupé le coche pour jouer le rôle de mouche. Ce qui est important n'est pas ce qui s'est passé alors, mais les changements radicaux qui en ont découlé. Pourtant, le samedi 15 juin 1968, je me souviens avoir suivi l'enterrement de Gilles Tautin, un lycéen de 17 ans noyé dans la Seine après poursuite par les forces de l'ordre près des usines Renault de Flins. On parle plus souvent de Pierre Overney, mais la mort de ce garçon à peine plus âgé que moi me marqua considérablement. L'immense cortège ne fait presque pas de bruit, un silence de mort. Je ne suis pas fan des fleurs ni des couronnes, mais chacun dépose une rose rouge sur son cercueil. Je suis retourné. On sentait parfaitement l'injustice, le crime de la police gaullienne. C'était la première fois que j'étais confronté à la mort d'une jeune personne. Celles qui suivirent dans ma vie portent son empreinte. Percuté sur l'autoroute par un imbécile qui roule à contre-sens, pendu pour un chagrin d'amour, suicidé au gaz qui fait exploser l'immeuble, junkies à l'overdose, et puis la maladie... Ça reste toujours une absurdité, même si l'on est en droit de se demander ce qui absurde, de la vie ou de la mort ? La vanité des hommes est sans limites. Je l'oublie parfois.

samedi 14 juin 2008

La censure au secours du Capital


Pierre-Oscar me signale l'ultime billet de Denis Robert sur son blog. Denis Robert est le journaliste d'investigation qui a révélé l'affaire Clearstream. Matraqué par des attaques procéduriales, harcelé par le Capital avec la complicité de l'État, Denis Robert a décidé de se taire. Il a besoin de recommencer à vivre et renvoie donc au blog de soutien. Denis Robert a mis le doigt sur le nerf de la guerre du Capital, les paradis fiscaux et le mur judiciaire qui les protège. Après 200 visites d'huissiers à son domicile et 30 procédures en cours, l'auteur de Révélation$ et Clearstream, l'enquête (Editions des Arènes), La domination du monde (Points), Une affaire personnelle (Flammarion) jette l'éponge au seizième round. Il préfère ne plus s'exprimer en public, car tout ce qu'il pourrait dire est systématiquement retenu contre lui. Relisez les billets qu'il publia. Ils parlent pour lui, laissant suffisamment de traces pour qu'un autre fou relève le gant et révèle le dessous des cartes. Pour rappel, la société Clearstream refuse toujours tout regard public sur ses comptes et ses transactions qui s’élèvent à hauteur de 250 fois le budget de la France !

jeudi 12 juin 2008

En route vers de nouvelles aventures


Ayant choisi de ne pas me représenter, j'ai participé hier à mon dernier Conseil d'Administration des Allumés du Jazz. Après dix ans d'implication solidaire et de militantisme volontariste, j'arrête mes activités au sein de l'association de producteurs discographiques indépendants. Cela correspondait à plus de soixante jours par an. Après avoir participé à l'élaboration du gros catalogue de 434 pages en 1998, j'ai tenu jusqu'à ce jour le rôle de co-rédacteur en chef du Journal avec Jean Rochard, soit 21 numéros dont le dernier a été tiré à 18000 exemplaires, tous distribués. J'ai également réalisé le double album des Actualités, supervisé les différentes versions du site Internet et initié le Blog et la WebRadio. Je ne regrette rien, mais il est temps pour moi de passer à autre chose. D'autant que je ne me suis jamais senti l'âme d'un producteur, gardant ma spécificité de créateur à renouveler sans relâche mes utopies. Je ne souhaitais pas non plus être vu dans certains milieux, certes aussi excentrés que le jazz, comme l'homme des Allumés, ce qui finissait par occulter mon travail de compositeur. Au travers de prochains billets, parfois même involontairement, je reviendrai sur ce qui m'a enthousiasmé et sur ce qui m'a fait prendre des distances avec un secteur de la musique qui ne brille pas par sa solidarité, mais cela se passe-t-il autrement ailleurs ? J'en doute. La situation économique et sociale actuelle exige des compromis et des négociations avec lesquels mon caractère et mes choix politiques sont incompatibles, même si je suis certain que seul un rapprochement des différents acteurs de la scène jazz et assimilés sauvera, du moins momentanément, un secteur en crise. D'autre part, je ne crois pas que l'association ait les moyens économiques et les compétences de ses ambitions en matière de distribution. Le label GRRR reste évidemment partie prenante aux Allumés et je reste quant à moi disponible pour aider de différentes manières mes camarades dont la tâche est bien lourde. Mes sornettes d'alarme n'ayant pas été entendues ces trois dernières années, je cherche désormais à arpenter des chemins où le soleil brille la nuit, où la jeunesse est une qualité, où la musique s'affranchit des pressions de toutes sortes et particulièrement de l'air du temps. J'ouvre grand les fenêtres, je ventile, respire un bon coup, et je pense avec tendresse à Valérie, Cécile, Françoise, Christelle, Pascale, Jean, Jean-Pierre, Didier, Pablo, Étienne, Stéphane et tous les autres aux côtés de qui je me suis battu toutes ces années... La fête continue.

samedi 7 juin 2008

Les garçons sauvages


PROLOGUE

Le clip réalisé par Romain Gavras pour le groupe Justice fait polémique. Le MRAP a porté plainte contre la diffusion de "Stress". Le réalisateur Chris Marker défend le film. Regardez-le pour vous faire votre propre idée avant de lire la position des uns et des autres en cliquant sur "lire la suite".

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lundi 2 juin 2008

La nouvelle gargouille prend des images pieuses


Le matin, j'avais terminé Bienvenue dans le désert du réel de Slavoj Žižek. Sa façon de renverser les évidences me plaît. Si "l'inconscient ignore les contraires", ce concept freudien appliqué à l'analyse politique ne peut que faire mouche. Dès lors qu'un terme est employé, un concept ou une opinion proférés, il devient psychologiquement indispensable d'en interroger le sens et les raisons qui les ont produits. Schématisons : une personne avançant "je ne suis pas raciste" pointe son racisme, car autrement la question ne se poserait pas. Ou encore, méfiez-vous de quelqu'un vous annonçant qu'il ne va pas vous arnaquer, car l'idée l'aura forcément effleuré pour qu'il l'évoque. Les régimes dits démocratiques en prennent pour leur grade. La fonction du philosophe n'est-elle pas de refuser les conventions pour argent comptant, d'interroger sans relâche ce qui prétendument ne pourrait être autrement. Ainsi, Žižek fait remarquer que s'il est courant d'envisager la fin du monde, celle du capitalisme semble aujourd'hui inimaginable.
Dimanche avait été très calme. Le soleil s'était couché plus tôt que prévu, transformant le côté plage en un ciel menaçant avec, en prime, une atmosphère glaciale. Je n'avais pas grand chose à ajouter, ayant exceptionnellement passé mon après-midi à bavarder et rêvasser. Comme je me suis fixé de rédiger autant que possible un billet quotidien, je m'en tire parfois de justesse en plongeant dans le fond photographique accumulé, espérant y trouver quelque inspiration. Cherchant une photo, je tombe sur un photographe ! L'image envoyée par Brigitte il y a quelques mois fait fonction de mise en abîme. Placée à l'extérieur d'une des sept chapelles absidales, en face de l'Hôpital Saint Barnabé, la gargouille orne la cathédrale de Palencia en Espagne. Comme la sculpture m'intrigue, Bri me retrouve un article d'El Païs de 1980 qui dévoile le "poteau rose" : vers 1908 ou 1910, l'architecte Jerónimo Arroyo, chargé de la restauration de la cathédrale, choisit de remplacer la gargouille tombée il y a fort longtemps par le portrait d'un ami intime. Depuis, "Monsieur Alonso" occupe une place d'honneur parmi les harpies, lions ailés, squelettes et autres figures du XIVe siècle, immortalisant les passants et les visiteurs sous un angle original qui ne peut qu'enrichir ma rêverie.
Au moment de mettre en ligne, je suis frappé par l'étrange ressemblance physique entre la statue espagnole et le philosophe slovène...