70 Humeurs & opinions - octobre 2008 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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dimanche 19 octobre 2008

Petit cours élémentaire d'économie


Que s'est-il passé aux États Unis pour les deux millions de familles expulsées de leur maison (le chiffre est hélas très provisoire) ? Elles ont emprunté à taux variable : les premières années, le remboursement était extrêmement léger, et les suivantes le taux s'est envolé, ne leur permettant évidemment pas de suivre. Comme leur emprunt était garanti sur la valeur de l'hypothèque de "leur bien", elles ont tout perdu en étant saisies. Depuis, elles vivent sous des tentes ou des mobile-homes, et les maisons, vidées et non entretenues, s'écroulent. Ce n'est pas une très bonne affaire pour les banques qui ont initié ce modèle, puisqu'elles se sont écroulées à leur tour. C'est le scandale des subprimes. Il y a deux ans, fasciné par l'Amérique, ce qui nous sert de président vantait ce système !

L'endettement individuel est censé être un des garde-fous de la société capitaliste. Lorsqu'on a acheté à crédit son appartement, sa bagnole et son réfrigérateur, on se tient à carreau, on ne rue pas dans les brancards. L'accession à la propriété, sous des allures "démocratiques", est un système de contrôle. Maintenant, ceux qui sont à la rue n'ont plus rien à perdre. Et aux États Unis ils sont armés, car, s'ils ont perdu leur toit, ils ont conservé leur joujou qui fait du bruit et des étincelles quand on s'en sert.

Pourvu que leur conscience politique leur permette de faire les bons choix et qu'ils s'orientent vers une solidarité communiste plutôt qu'un repli communautaire revanchard ! En Allemagne, la crise de 1929 avait fait le lit du nazisme, ce national socialisme qui avait donné du travail à tous les chômeurs par sa politique des grands travaux et sa haine ciblée des capitalistes (annexant les uns et brûlant les autres avec toute la marmaille)... Aujourd'hui, craignons les chemises brunes plus que jamais, car face au désespoir, une population abrutie par l'intoxication médiatique est prête à l'absurde.

Merci à P.O.L. pour le lien vers la vidéo. Pour plus d'infos, voir L'argent dette.

samedi 18 octobre 2008

La taxe pique-nique


Je croyais que Caro se fichait de moi, mais la taxe pique-nique n'était pas une de ses inventions taquines, mais celle, très sérieuse, du Ministre de l'Écologie, Jean-Louis Borloo, dont le nom rappelle celui des personnages des films de Jean-Pierre Mocky. "Un surcoût de 90 centimes sera appliqué aux produits non recyclables, comme les assiettes, les gobelets en carton ou les sacs en plastique." La taxe est donc perçue au kilo de vaisselle jetable et il est question de l'étendre aux sacs distribués aux caisses des magasins, aux briquets, rasoirs et adhésifs. Allez savoir maintenant si elle sera appliquée et comment, c'est comme toutes les mesures du gouvernement, les effets d'annonce comptent plus que les faits réels, ce qui parfois est assez dommage, et d'autres fois on l'a échappée belle...
On prétend pénaliser les producteurs et les consommateurs de déchets comme on moraliserait les banques. Quelle marrade ! On fait payer plutôt que changer les usages. On déforeste, on pollue, on souille, on brevète, on pasteurise, on faux-monnaye, on exploite, on assèche, on saigne, on canonne, on émet, on enterre, on gaze, on construit, on expulse, on reconduit à la frontière, et on taxe. L'impôt fait passer la pilule de l'absurde et du gâchis généralisé. Le droit de polluer n'est pas à la portée de n'importe qui, de n'importe quel État. Ce serait bête de s'en priver lorsque l'on en a les moyens.
"Les cons" fustigés par Jean Rochefort dans le film de Patrice Leconte, Tandem, vont encore raquer pour pouvoir se faire une petite bouffe en bordure de la route, à moins qu'ils boivent à la bouteille et jettent tout direct dans le bas fossé sans s'encombrer de sacs en plastique qui saliraient le paysage. Il est des pays où les champs de sacs en plastique bleu fleurissent à toutes les saisons. Les emballages à base de métal, les films plastique pour envelopper la barbaque dans les supermarchés, le polystyrène pour protéger les appareils ménagers, etc. seront-ils soumis aussi à taxe ? De son côté, avec les économies réalisées sur cette "taxe pique-nique", l'Élysée multipliera les cocktails dans de la vaisselle choisie et on y pètera dans la soie naturelle sans culpabilité mal placée d'avoir utilisé des produits de synthèse difficilement recyclables.
J'adorerais dîner avec les fonctionnaires qui ont pondu cette loi. Ce serait bigrement instructif.

lundi 13 octobre 2008

Sus aux Banksters !


Je ne remercierai jamais assez mes rabatteurs qui me conseillent et m'envoient de petits sujets pour que mon inspiration ne se tarisse pas et que je reste fidèle au poste chaque jour de la semaine. Si je compte le temps passé à écrire chaque jour ici et ailleurs je n'en suis pas encore aux 35 heures, mais je m'en approche, ce qui me laisse tout de même une soixantaine d'heures pour m'occuper du reste de mon boulot !
The Job, le film que m'indique cette fois Pierre-Oscar Lévy, prend une valeur toute particulière en ces temps de crise où l'avenir est plus qu'incertain. Dans Le Monde d'hier, Immanuel Wallerstein, l'un des initiateurs du mouvement altermondialiste, fondateur et directeur du Centre Fernand-Braudel pour l'étude de l'économie des systèmes historiques et des civilisations de l'université de l'Etat de New York, à Binghamton, annonce que "le capitalisme touche à sa fin" sans savoir pour autant quel système lui succédera. L'entretien est passionnant. En ce qui concerne le film de Jonathan Browning, Grand Prix 2008 du 10e Festival des Très Courts, remarquez que c'est la bande-son qui donne tout son sens à l'action. On pourrait raconter une toute autre histoire en changeant de musique, ce qui n'est évidemment pas ici notre propos. Si les plus pauvres vont morfler un maximum, ni les classes moyennes ni aucun secteur ne seront épargnés... Et Antoine Schmitt de surenchérir en pointant un autre film, plus long cette fois et sérieusement instructif, L'argent dette.


En 52 minutes, le film didactique de Paul Grignon est clair, dense et brillant, même s'il demande un petit effort pour comprendre l'incroyable réalité de l'arnaque du système (English version available). Il explique d'abord historiquement la création de l'argent, du prêt, des banques, et donc comment créer de l'argent à partir de rien du tout. L'ère moderne a poussé le bouchon jusqu'à créer l'argent virtuellement à partir des dettes des emprunteurs. Sans dettes il n'y aurait pas d'argent. Quand les prêts chutent, l'argent se dissout, et les saisies entraînent le système dans la crise. Le monstre s'auto-dévore. Les ressources naturelles sont pillées. Les États sont évidemment complices. La notion même de croissance est mise en question. Vous pouvez commander le DVD sur MoneyAsDebt (version française PAL disponible), un site bourré d'informations indispensables sur la crise avec force citations historiques, liens, textes, etc. Allez jeter un coup d'œil, vous n'en ressortirez pas indemnes !

P.S. : Si le lien avec Vimeo est coupé, vous pouvez regarder le film en plusieurs parties sur DailyMotion, et Arrêt sur images a réalisé un petit dossier.

vendredi 10 octobre 2008

Que Dieu garde son calendrier !


Un Pakistanais sans papier a probablement glissé dans ma boîte aux lettres ce calendrier offert par l'agence immobilière Orpi. C'est le premier de l'année, le premier de l'année 2009, support de publicité aux services divers, serrurerie pour protéger son habitation, plomberie ou électricité pour réparer les appareils de moins en moins solides, etc. Plié, l'objet ressemble à un carnet à spirales prétendant réfléchir le rythme scolaire de notre laïcité. Au centre la double page cartonnée rappelle la sempiternelle liste des saints et des jours fériés. On ne voit pas le cycle lunaire qui est pourtant le seul truc qui excite ma curiosité. Par contre, le verso répertorie toutes les fêtes religieuses, boudhistes (2), musulmanes (10), juives (9) et chrétiennes (7). Blasphématoire, Orpi a beau titrer que l'agence est "toujours à vos côtés", en tant qu'athée je me sens exclu par sa politique commerciale communautariste. Je repense à la "formule ridicule" attribuée abusivement à André Malraux qui n'a jamais dit « le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas », mais « le grand problème du XXIe siècle sera celui des religions », ce qui est radicalement différent ! Il ne manque plus que le programme télé pour que le panorama des religions soit complet, mis à jour en somme pour le nouveau siècle, avec signalement des horaires précis du Journal Télévisé selon les chaînes, pour qu'aucune congrégation ne soit laissée pour compte.
Travailleur indépendant infatigable, ma seule riposte sera d'ignorer les week-ends, les jours fériés, les commémorations, les jours de grève, les services minimum, en me mettant en vacance de ce planning grillagé pour vivre chaque jour comme si c'était le dernier... Ou le premier, ébauche d'un refus et de d'une résistance plus urgente que jamais.

jeudi 9 octobre 2008

Octobre, le mois des krachs


19 octobre 1987. Le "hasard" fait bien les choses. Le lendemain matin, Un Drame Musical Instantané avait rendez-vous avec Jean-Jacques Henry aux Archives du Film de Bois d'Arcy pour assister à la projection de la copie rénovée du film L'argent, d'après le roman d'Émile Zola, dont nous devions composer la musique à l'occasion du centenaire du cinéaste Marcel L'Herbier. Lors de la sortie du DVD j'avais publié en avril dernier cette photo de Bernard, Francis et moi lisant chacun un quotidien faisant leur une du "lundi noir". La veille au soir, je zappais en direct les chaînes télé pour concocter un petit montage sonore "radiophonique" sans les images, sans collure ni aucune manipulation d'aucune sorte, juste au bouton de pause, sur le krach boursier que tous les commentateurs comparaient au ''jeudi noir'' du 24 octobre 1929. J'avais immédiatement eu l'idée de l'intégrer à notre partition de ce film-fleuve :
© GRRR 1987
Après avoir ajouté un dernier élément hétérogène en coda, un enregistrement de notre grand orchestre pour faire le lien avec le trio se préparant à jouer plus de trois heures en direct dans l'obscurité, j'intitulai Retournement de tendance ou nouveau vertige ce premier mouvement montrant que ce sont les mêmes schémas depuis Zola et que le film de 1928 (!) reste d'une actualité brûlante, d'ailleurs tant dans sa plastique que dans son analyse économique et politique. Le roman, écrit en 1891 en plein scandale de Panama, s'inspirait lui-même du krach de l'Union Générale dix ans plus tôt. Quatre vingts ans après le film, rien n'a changé. Ecoutez encore le discours d'il y a vingt et un an, ce sont les mêmes mots, ce qui montre aussi que feindre la surprise est d'un cynisme achevé.
Certains parlent aussi de moraliser le secteur bancaire et financier. C'est une blague ! On ne peut moraliser une entreprise de vol caractérisé. Tant que les hommes et les femmes ne se révoltent pas contre cette escroquerie institutionnelle, l'empire du crime a de beaux jours devant lui.

mardi 7 octobre 2008

Traquenard sur la TSF


Sébastien Vidal et Laurent Sapir m'invitaient hier soir à parler des blogs dans leur émission sur TSF au Duc des Lombards. Le club de jazz appartient désormais au même propriétaire que TSF, actionnaire unique depuis la mort de Jean-François Bizot, et patron de Pierre et Vacances. J'ignorais que j'étais supposé servir de faire-valoir au journaliste Pierre Assouline, responsable du blog La République des Livres et auteur du récent bouquin Brèves de Blog. Les deux responsables de l'émission s'adressant essentiellement à leur collègue journaliste, au demeurant intéressant, j'étais obligé de lui couper de temps en temps la parole si je voulais en placer une, que ce soit sur le Blog des Allumés du Jazz que j'initiai il y a déjà un bail ou sur le mien, accessoirement. Le temps qui nous était imparti ne nous permettait, de toute manière, que d'exprimer quelques banalités pour les pratiquants en restant abscons pour les autres.
Lorsque Assouline aborda le calamiteux dialogue Houellebecq-BHL, j'arrivai tout de même à évoquer mon propre duo avec l'auteur des Particules élémentaires et du Sens du combat, CD qui ne s'est évidemment pas vendu comme sont supposés le faire les 110000 exemplaires mis en place par les services marketing de Grasset et Flammarion conjugués, et lui glissai un exemplaire de notre Établissement d'un ciel d'alternance paru en début d'année chez GRRR et distribué par Orkhêstra, à mon avis parmi ce que Michel a produit de meilleur, loin des provocations puériles qui ont fait son succès et oblitéré ses réelles qualités de poète.
La suite, sur le plus lu de tous les blogs littéraires ? Je crains que mon service marketing ne soit pas à la hauteur...