70 Humeurs & opinions - octobre 2023 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 6 octobre 2023

Tunnel sous la Manche (In Fractured Silence)


Au dos du nouveau texte de Steven Stapleton évoquant In Fractured Silence, le disque de 1984 qui ressort le 13 octobre (que nous fêterons en concert à 18h30 à la boutique), Le Souffle Continu a reproduit les contributions graphiques de chacun d'entre nous : de gauche à droite puis de haut en bas, Hélène Sage, Nurse With Wound, Sema (Rob Haigh) et Un Drame Musical Instantané.
Le Drame avait enregistré Tunnel sous la Manche (Under The Channel), mais Bernard Vitet, Francis Gorgé et moi avions paradoxalement imaginé de combler la Manche pour embêter les Britanniques. On se souvient de la une du Times, "Tempête sur la Manche, continent isolé". L'humour anglais est inimitable. Nous avions inventé les villes émergées Garlic, New Wave, Drame, Port-Franc, Moutonville...


Cette fois Bernard ne joue pas de trompette (moi un peu), mais il avait adopté le Bösendorfer Imperial et tout un set de percussions contemporaines. Parmi nos autres emprunts, je diffusai un extrait du Trou, le film incroyablement moderne de Jacques Becker. Francis, en plus de sa guitare, jouait d'un synthé analogique. Le mien était numérique, un PPG Wave 2.2.
J'ai retrouvé des photographies prises par Marie-Jésus Diaz quelques mois plus tôt. Sur celle-ci nous sommes tous les trois devant mon vieux piano droit rue de l'Espérance. Au mur on aperçoit la magnifique affiche des Musiques de Traverses de la même année, dessinée par Joost Swarte. Je pense que c'est là que Vincent Segal nous a entendus pour la première fois. Pourtant Tunnel sous la Manche est une improvisation composée en studio pour une émission de création que nous avions inventée pour France Musique à l'époque dites "des années d'or", un polar de 2h33 intitulé La peur du vide ! Le même jour nous avions enregistré La peur du vide, Légitime défense et Le directeur paiera pour ses crimes. Les quatre titres apparaissent en bonus de la réédition en CD, déjà épuisée, de Rideau ! par le label autrichien KlangGalerie. In Fractured Silence, qui est réédité en vinyle, bénéficie néanmoins d'une première édition en CD.

mercredi 4 octobre 2023

L'IA ? Le diable probablement !


La question n'est pas d'être pour ou contre l'IA, l'intelligence artificielle, mais de ce qu'on en fait, maintenant qu'elle est partout. Et cela ne date pas d'hier : en musique nous l'utilisons depuis plus de quarante ans sous le nom de MAO (Musique Assistée par Ordinateur), mais elle a fait récemment un pas de géant avec des applications comme ChatGPT ou Midjourney, touchant tous les secteurs de la création. L'IA est un outil qui révolutionne les usages comme jadis l'ordinateur, le mien où j'écris et le vôtre qui vous permet de me lire, et qui a mis des millions de travailleurs au chômage, ou Photoshop, rappelez-vous ce que ses détracteurs en disaient, alors que maintenant nous l'utilisons tous ou un équivalent. Mes parents comme beaucoup ont fait faillite de ne pas avoir su s'adapter. D'autres y ont trouvé de nouveaux débouchés. Les découvertes scientifiques ne sont que des outils. C'est leur utilisation qui peut poser problème. Trop de mes interlocuteurs diabolisent l'objet sans comprendre qu'il s'agit seulement d'en définir les usages de façon éthique, et de répartir équitablement les profits générés. Ce combat stérile, obscurantisme soigneusement entretenu par les médias qui ont ordre d'occulter les vrais problèmes, me rappelle celui de la CGT qui exhortait les mineurs du nord à faire grève en sachant pourtant que la fermeture des mines était inévitable, au lieu de se battre pour une réinsertion...
La grève des comédiens et celle des scénaristes d'Hollywood est simplement typique de toute défense salariale. Il s'agit de distribuer équitablement les bénéfices engendrés par les nouveaux moyens de diffusion. Si les musiciens trouvaient un moyen de se battre ils feraient de même contre les plateformes de streaming qui leur octroient des miettes ridicules. Le problème vient des majors qui ne dévoilent pas leurs chiffres et engraissent leurs actionnaires. Ainsi les comédiens comme les scénaristes avancent à l'aveugle, même s'ils savent qu'ils ont raison de faire valoir leurs droits sur les diffusions et rediffusions via les nouveaux réseaux comme Internet. On doit néanmoins souligner que c'est une grève corporatiste tandis qu'en bas de chez eux des millions de pauvres vivent dans la misère. La seule grève qui peut atteindre le capitalisme est la grève générale. Et son appétit le poussera à s'auto-dévorer, après avoir hélas commis de véritables génocides qui en portent rarement le nom.
Quant à l'IA, gageons qu'elle ne touchera gravement que les produits de masse. Les décervelages se conjugueront différemment, le formatage a de beaux jours devant lui. Les œuvres originales n'ont jamais pâti de la robotisation. Nous apprendrons à nous servir de ces nouveaux outils comme nous l'avons fait avec l'électricité, les transports ou les communications, ou pas. Nous pervertirons les machines. Parce que l'artiste se crée son propre monde en réaction à celui qui lui est proposé et qu'il ne peut assumer. Par contre, la décroissance est inévitable si l'espèce humaine espère avoir un avenir sur cette planète. Ça c'est une autre histoire, autrement plus grave, un peu comme la guerre qui ne profite qu'aux marchands de canons et aux entreprises de reconstruction. Alors le diable certainement, et nous le nourrissons.