lundi 23 avril 2012
Nous étions seuls, nous sommes cinq millions
Par Jean-Jacques Birgé,
lundi 23 avril 2012 à 10:22 :: Humeurs & opinions
On pourrait dire qu'on est déçus, que nous espérions faire un meilleur score, c'est vrai. Plus dur à avaler, celui du Front National. Car du côté de la Gauche (je ne parle pas du PS) nous avons avons fait une percée déterminante. Depuis des années nous étions seuls, isolés, déprimés, cyniques, démobilisés, exténués... Cela dépend des caractères. Nous ne représentions plus rien si ce n'est dans un travail de proximité. C'est ainsi que nous avions fini par appeler notre combat quotidien, car nous n'avions pas désarmé pour autant. Peu importe le pourcentage du candidat qui porta nos couleurs jusqu'à ce premier tour. Il en a d'autres dans son sac. 11 %, c'est tout bonus. Nous ne sommes plus seuls, nous sommes quatre millions (cinq avec les écologistes et le reste de l'extrême-gauche) à nous donner la main et à lever le poing. Et parmi nous, combien de jeunes et de moins jeunes ont compris les enjeux à l'occasion de cette mascarade médiatique ! En un rien de temps combien de prises de conscience ont germé ! S'il a fallu trois mois pour grimper aussi vite, combien serons-nous avant la fin de l'année ? Il faut continuer à expliquer à celles et ceux qui se sentent laissés pour compte, qui pensent que toutes les politiques se valent, qui n'ont tout simplement pas écouté, étouffés par les travestissements de la télévision et des grands quotidiens, il faut leur expliquer que l'on peut et doit lutter activement pour que ça change, mais surtout pas dans la haine, une haine fratricide.
La guerre est pourtant ouverte, mais contre le pouvoir de l'argent et contre une extrême-droite plus dangereuse qu'ils ne le croient. Il faut rappeler que cette dernière collabora avec les Nazis, que le Front National s'est appelé Occident et Ordre Nouveau, et que leurs méthodes sont celles qui accouchèrent des pires dictatures. Ces haineux commencent par se repaître du mécontentement des plus pauvres en stigmatisant "l'autre" qui n'est pourtant qu'un autre que chacun porte en soi. Le racisme pousse sur ce terreau. Si l'on ne les arrête pas, leur discours et leurs actes se radicalisent au fur et à mesure de leur progression. Ils sont le bras armé de l'oppression, jusqu'à prendre le visage du monstre dès lors qu'ils accèdent au pouvoir. Il faut raconter comment les fachistes s'y sont pris pour détruire sous prétexte d'un ordre nouveau. Un électeur sur cinq, c'est beaucoup trop, ça fait froid dans le dos. C'est la nouvelle accablante qu'annonce le premier tour. Une raison de plus pour remettre en question le système même des élections présidentielles, la cinquième république, le show médiatique, le piège à cons diront les opposants farouches au vote prétendument démocratique.
Ce n'est qu'un début, continuons le combat, avions-nous coutume de scander en nous tenant bras dessus bras dessous et au pas de charge. Le 1er mai sera un jour mémorable. Les législatives marqueront une nouvelle étape. Les sociaux-démocrates ont du souci à se faire s'ils pensent pouvoir servir la soupe aux riches en maintenant la paix sociale à coups de mesurettes. N'oublions pas que nombreux électeurs ont voté pour François Hollande par peur de voir Le Pen au second tour. Le vote utile s'éteindra la 6 mai avec la chute de Sarkozy et le peuple de gauche se reconstituera lors des prochaines luttes anticapitalistes, car la crise n'est pas une mince affaire.
Nous avons du pain sur la planche si nous voulons vraiment que ça change. Retroussons nos manches, imaginons de nouvelles alternatives, donnons-nous les moyens de les communiquer au reste de la population qui est pour sa majorité (réelle, à savoir abstentionnistes inclus) à bout de souffle et sera heureuse d'apprendre qu'il est possible de respirer à pleins poumons dans ce pays pour peu que nous nous prenions en mains. Internet a joué un rôle déterminant dans la communication des idées du Front de Gauche, mais ce medium est encore peu utilisé par les couches défavorisées. Dans d'autres pays européens la résistance va s'organiser à notre suite. Une solidarité internationale anticapitaliste est nécessaire pour sauver la planète de sa destruction systématique si nous voulons éviter la sixième extinction, la nôtre et tant d'espèces entraînées dans le processus mortifère. Être vivant ne devrait pas seulement consister à avoir de quoi manger, encore que ce soit la préoccupation majeure de plus de la moitié du globe, car nous devons imaginer et créer un monde meilleur où la solidarité s'exerce pour et par tous et toutes. Sinon nous sommes fichus, et les connards de profiteurs et leurs enfants ne s'en tireront pas mieux que les autres.