vendredi 29 février 2008
Élucubration bissextile
Par Jean-Jacques Birgé,
vendredi 29 février 2008 à 01:02 :: Humeurs & opinions
Comment vit-on le bissexte lorsqu'on est né un 29 février ? Quel effet cela produit-il de sauter son anniversaire trois années de suite comme si l'on était tombé dans une faille du temps ? La plupart des natifs de cette journée ajoutée, qui ressemble plutôt à une omission, un saut dans l'espace, un trou noir, fêtent leur naissance la veille ou le lendemain, mais la question reste entière et se repose année après année. Recaler le calendrier avec la rotation de la Terre autour du soleil ne fut pas une mince affaire.
Le calendrier julien, qui avait cours avant le calendrier actuel, ne distinguait pas les fins de siècles (années divisibles par 100). Une année était bissextile tous les 4 ans, sans autre exception. Le calendrier julien avait ainsi une année moyenne de 365,25 jours, au lieu des 365, 2422 jours nécessaires au cycle terrestre. Ce qui a engendré l'accumulation d'une dizaine de jours de retard en quinze siècles.
L'instauration du calendrier grégorien a permis d'une part de rattraper le retard en supprimant des jours, et d'autre part de ralentir le rythme en supprimant 3 années bissextiles tous les 400 ans. Ce calendrier grégorien offre selon les règles énoncées une année moyenne de 365, 2425 jours, ce qui est encore un peu trop long, mais n'engendre qu'une erreur de 3 jours en 10 000 ans.
Depuis l'instauration du calendrier grégorien, sont donc bissextiles les années divisibles par 4 mais non divisibles par 100 ou divisibles par 400. (Wikipédia). Coup de soleil garanti.
On ne choisit pas son jour. Certains se sont pointés le Jour de l'An, à Noël ou le 1er avril. La date de naissance influe-t-elle sur l'histoire du sujet, comme le choix du prénom ou le nom du père ? Probablement. Il y a mille façons d'interpréter ce qui nous échappe, d'apprivoiser les signes pour accepter le réel et constituer le terreau de son imaginaire. Ainsi, le redoublement de mon J phonétiquement rapproché de mon nom (Jean-Jacques Birgé) justifie-t-il toute cette littérature à la première personne du singulier ? Les superstitions attachées à mes signes astrologiques influent-elles sur mon psychisme malgré mon incrédulité culturelle ? La poésie est-elle un excellent palliatif à l'absence du sacré, son ab-sens du ça-crée ? Lacan est-il autre chose qu'un outil amusant pour savoir où l'on est à tel instant, comme L'interprétation des rêves ou un brain storming ?
Le 29 février ressemble à une fleur rare et éphémère qui ne pousse que tous les quatre ans. Il rappelle que chaque jour est différent et que l'on ne peut en rater aucun, qu'importent la joie ou la douleur... Il montre l'importance d'être vivant tout en soulignant son côté dérisoire. L'absurde le confronte à la comédie et à la tragédie, mais, dès que l'on se penche sur son berceau, ce sont tous les autres jours qui posent problème, par leur banalité sans cesse mise à l'épreuve. Nous accumulons les stratagèmes pour aller à demain en gravant un bâton sur le mur de nos cellules.