Commençons par dédier cet article à tous les témoins de second ordre dont le nom n'est pas cité sur la jaquette du livre consacré à l'un des plus grands musiciens américains de l'histoire de la musique, le digne héritier de Charles Ives et John Coltrane, à savoir l'immense Albert Ayler, retrouvé noyé dans l'East River en novembre 1970 à l'âge de trente quatre ans...
Voici donc : à Noël Akchoté, Pascal Anquetil, Philippe Aronson, Guillaume Belhomme, Flavien Berger, François Billard, Jean-Jacques Birgé, Alexandre Breton, Dave Burrell, Roy Campbell, Bernard Chambaz, Jean-Louis Comolli, Richard Davis, Michel Delorme, Matthieu Donarier, Pascal Dusapin, Edouard Fouré Caul-Futy, Alex Grillo, Henry Grimes, Philippe Gumplowicz, Mats Gustafsson, Lee Konitz, Oliver Lake, Joachim Kühn, Mathieu Nuss, Guillaume Orti, Jean-Marc Padovani, William Parker, Annette Peacock, Hervé Péjaudier, Ivo Perelman, Serge Pey, Alexandre Pierrepont, Sam Rivers, Ildefonso Rodriguez, Jean Saavedra, Jean-Pierre Sarrazac, Martin Sarrazac, Alan Silva, François-René Simon, Jedediah Sklower, Sébastien Smirou, Tristan Soler, Bernard Stollman, Christian Tarting, John Tchicai, Mathieu Terrier (absent du sommaire), Henri Texier, Samuel Thiébaut, Ken Vandermark, Barry Wallenstein, Christian Wasselin, Jason Weiss, illustrés par les photographies de Philippe Gras, Horace, Guy Kopelowicz, Christian Rose, Bill Smith, Thierry Trombert, Val Wilmer !
Plus on est exigeant, plus on est respecté. Cette constatation est terrible. Elle justifie les "caprices" de certains artistes face aux entrepreneurs de spectacles ou, comme ici, à un journaliste compilateur qui commanda des contributions à nombre d'entre eux sans les rétribuer, méthode douteuse pour un ouvrage vendu 25 euros, et, sujet de mon courroux, sans leur accorder à tous la même considération, ce qui devient franchement mesquin, surtout lorsque le cuistre accueille la critique avec outrecuidance au lieu de s'en excuser gentiment. Espérons qu'aucun auteur n'a été payé si ce n'est l'astucieux "directeur artistique" ou alors je suis encore plus naïf que je ne le croyais. L'incorrection porte sur les auteurs cités en quatrième de couverture et les laissés pour compte. Quant à l'absence de ces derniers sur le site de l'éditeur, Le mot et le reste, complice en indélicatesse d'autant qu'encore plus sélectif, elle ne pourra se justifier par manque de place ! Nous avons donné le mot, ils ont gardé le reste.
Le paltoquet n'en est pas à son coup d'essai. Franck Médioni m'avait déjà commandé un texte accompagné d'une œuvre graphique pour son précédent Jazz En Suite et j'avais découvert seulement à publication que notre contribution avait sauté sans que nous en fussions avertis. J'avais embringué l'artiste peintre Marie-Christine Gayffier dans cette galère, qui heureusement ne m'en tint pas rigueur. Faut-il que je sois stupide pour me laisser berner une seconde fois ! L'incorrection est une récurrence que je tente d'éviter en ne travaillant qu'avec des personnes bien intentionnées. Leur solidarité fait passer bien des mesquineries de notre monde de malotrus dont le ton brutal et arrogant est hélas dicté par nos dirigeants. Faut-il que je sois veule pour ne pas souligner le rôle de chacun lorsque je chroniquai l'excellent livre sur Joëlle Léandre, qu'elle écrivit en fait seule, l'intrigant notoire en phase de sarkozisme se contentant essentiellement de retranscrire les propos de la contrebassiste qui dut reprendre et structurer elle-même son langage. Certains à qui je m'en ouvris de souligner que le livre n'en fut que meilleur. Mais qui s'en soucie ? Cela arrange tout le monde de faire semblant. Ces pratiques n'intéressent pas les lecteurs, elles se perpétuent dans le silence jusqu'au jour où L'idiot met les pieds dans le plat.
On aura compris que la puce venue me susurrer à l'oreille le nom des oubliés commença par mon nom, la maline ! N'étant donc pas le seul à être considéré comme un sous-contribuant je recopiai d'entrée la liste des parias dont la prose est juste bonne à gonfler l'ouvrage de ses 356 pages avant de rappeler celle des illustres supposés vendeurs qui n'y sont pour rien, à savoir Amiri Baraka, Daniel Berger, Zéno Bianu, Jacques Bisceglia, Yves Buin, Philippe Carles, Daniel Caux, Jean-Louis Chautemps, Jayne Cortez, Christian Désagulier (traducteur cité pour Martine Joulia et Jean-Yves Bériou oubliés), Raphaël Imbert, Steve Lake (absent du sommaire), Robert Latxague, Michel Le Bris, Didier Levallet, Yoyo Maeght, Francis Marmande, bien évidemment Franck Médioni, Jean-Pierre Moussaron, Jacques Réda, PL Renou, Philippe Robert, Gérard Rouy, François Tusques, "pour leurs contributions". Ainsi que Peter Brötzmann, Ornette Coleman, Alain Corneau, François Corneloup, Bertrand Denzler, Bobby Few, Charles Gayle, Noah Howard, Ronald Shannon Jackson, François Jeanneau, Sylvain Kassap, Steve Lacy, Daunik Lazro, Joëlle Léandre, Urs Leimgruber, David Liebman, Joe Lovano, Joe McPhee, Thurston Moore, David Murray, Sunny Murray, Evan Parker, Gary Peacok, Michel Portal, Marc Ribot, Sonny Rollins, Louis Sclavis, Archie Shepp, Wayne Shorter, Cecil Taylor, David S. Ware, "pour leurs témoignages". Que du beau monde !
Mon article est bien assez long pour aujourd'hui, je reviendrai plus tard sur tous les témoignages lorsque j'aurai terminé de lire Albert Ayler, témoignages sur un Holy Ghost. Ce genre d'ouvrage est une aubaine pour qui souhaite en mettre plein la vue pour pas un rond. Je pratiquais ce sport du temps où je publiais la Question de JJB dans Le Journal des Allumés du Jazz, mais je n'ai jamais censuré aucun texte, ni mis en valeur une réponse plutôt qu'une autre.
Cette pratique odieuse, équivalant à ne pas inscrire tous les protagonistes d'un film à son générique ou dans les crédits d'un CD, jette une ombre sur l'excellente maison qui publie vingt-cinq titres par an au sein de cinq collections, dont une largement consacrée à la musique avec de sérieux auteurs tels Philippe Thieyre, Joseph Ghosn, Aymeric Leroy, Christophe Delbrouck, Philippe Robert ou Guy Darol. Mazette, voici qu'à mon tour je cite les uns et pas les autres ! Mais la différence est de taille : je ne leur ai rien demandé, ne les ai pas fait travailler pour des nèfles et mon article vous est gracieusement offert. Si je préfère en général évoquer ce qui me plaît, la liberté dont je jouis dans cette colonne m'affranchit par contre des nuisibles nécrophages et de leur pouvoir éphémère.